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SOCIÉTÉ ROUENNAISE
DE
BIBLIOPHILES
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77/
N» 37
M. RENÉ DESGENÉTAIS
SïA'v' 'kVl^dSi,
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ŒUVRES
DB
HENRI D'ANDELI
TROUVÈRE NORMAND DU XIU® SIECLE
PUBLIEES AVEC
INTRODUCTION, VARIANTES, NOTES ET GLOSSAIRE
A. HERON
ROUE.\
IMPRIMERIE DE ESPERANCE CAGNIARD
M. DCCC. LXXX
PQ
n.6894
INTRODUCTION
I
HENRI D'ANDELI
Le charmant récit dans lequel Henri d'Andeli nous
montre le grave Aristote cédant docilement à la fan-
taisie de la belle Indienne dont il avait voulu détacher
Alexandre, resta longtemps populaire, — nous en avons
pour preuve les représentations qui en ont été faites
sur divers monuments par les artistes du moyen âge
jusqu'au début même de la Renaissance, — mais le nom
de l'auteur paraît être tombé de bonne heure dans
l'oubli. Le président Fauchet ne le cite point parmi les
cent vingt-sept poètes français vivant avant l'an 1300,
dont il a recueilli les noms ; il parle bien de Roger
d'Andeli (1), auteur d'une ou de deux chansons, et qu'il
appelle, on ne sait pourquoi, Rogerin, mais il est muet
sur Henri d'Andeli. Au xvni^ siècle, le comte de
(1) Recveil de Vorigine de la langve et poésie françoîse,
ryme et romans, etc. Paris, 1581, liv. II, p. 156.
VIII INTRODUCTION
Caylus (1) analyse le Lai d'Aristote, sans en désigner
l'auteur; Legrand d'Aussy (2) cite son nom, mais ne
cherche pas à fixer sa personnalité. L'abbé de La Rue
est, à ma connaissance, le premier qui ait tenté de
pénétrer le mystère qui le recouvre. Dans ses Essais
historiques sur la ville de Caen (3), il décrit le chapi-
teau de l'église Saint-Pierre, où se trouve repré-
sentée la scène principale du Lai d'Aristote ; mais il se
borne à rappeler le fabliau dont l'artiste s'est inspiré,
ainsi que le nom de l'auteur ; c'est dans ses Essais his-
toriques sur les bardes^ les jongleurs et les trouvères
normands et anglo-normands, publiés en 1834, qu'il
l'identifie pour la première fois avec un chanoine de
Rouen, nommé Henri d'Andeli, dont il crut retrouver
le nom dans un Cartulaire de Bayeux.
« Ce trouvère, dit-il, était chanoine de Rouen. Le
pape le délégua en 1216, avec Guillaume de Marleiz,
chanoine de la même église^ pour juger le procès exis-
tant entre Raoul, archidiacre de Bayeux, et Pierre,
curé de Percy, chapelain de la chapelle castrale de
(1) Mémoire sur les fabliaux, juillet 1746, publié dans les
Mémoires de Littérature tirés des Registres de VAcadém,ie
des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris, 1753, t. XX,
p. 362-364.
(2) Fabliaux ou contes... du XII' et du XIII' siècle, éd. Re-
nouard, 1829, t. I, p. 273 et suiv.; t. III, p. 35 et suiv. —
Not. et Ext. des mss. de la Bihl. nat., etc., t. V, p. 496 et suiv.
(3) T. I, p. 97.
INTRODUCTION IX
Thury (Harcourt) , qui réclamait des droits préju-
diciables à ceux de l'archidiacre (1). »
M. P. Meyer (2) a précisé cette indication en faisant
connaître que l'acte mentionné par l'abbé de La Rue
se trouve dans le Livre noir de l'église de Bayeux
(manuscrit appartenant actuellement au chapitre de
Bayeux) , au fol. 56 v^, sous le n" 212, et que les
juges délégués par le pape y sont ainsi désignés :
« H. de Andeleio et G. de Marleiz, canonici Rothoma-
genses. »
Outre que l'identification, affirmée sans réserve par
l'abbé de La Rue, ne repose que sur une similitude de
nom, le document cité par lui ne suffirait pas à établir
l'existence d'un chanoine du nom de Henri d'Andeli, si
d'autres documents ne la prouvaient pas d'une manière
péremptoire. Il y a, en effet, des chances pour que les
deux chanoines désignés par le Cartulaire de Bayeux
ne soient ni Henri d'Andeli ni Guillaume de Marleiz. H
y avait bien, à cette époque, dans le chapitre de Rouen,
un chanoine nommé Henri d'Andeli qui remplissait,
comme on le verra plus loin, les fonctions de chantre ;
mais on trouve aussi, au même temps et dans le même
chapitre, un autre chanoine du nom de Hébert ou
(1) Essais historiques sur les bardes, etc., t. III, p. 33.
(2) Henri d'Andeli et le chancelier Philippe, dans la Roma'
nia, no 2, avril 1872, p. 190.
2
X INTRODUCTION
Herbert d'Andeli (1). Il est donc possible que le chanoine
délégué par le pape ait été Hébert ou Herbert et non
Henri d'Andeli, d'autant plus que le titre de chantre
que portait ce dernier n'est pas mentionné. J'ajouterai
pour le cas où une circonstance inattendue appellerait
l'attention de quelque érudit sur le nom du second
chanoine désigné dans le Livre noir de Bayeux, que ce
nom pourrait bien n'être pas Guillaume, mais Gilbert
de Marleiz (2).
(1) L'existence de ce chanoine est attestée par les pièces sui-
vantes : lo Charte du commencement du xiiie siècle,
magistro Herberto de Andeli, canonico Rothom. (Archives de
la Seine-Inférieure, fonds de Jumièges ; pièce comm. par M. de
Beaurepaire.) — 2" Vidimus d'une charte datée du 14 des calendes
d'octobre 1208 Satum per manus Heherti de AndeV.
canonioi Rothomagensis apud Focardimontem. (Cart. du cha-
pitre de Rouen, n» 214, f. 120 v, Biblioth. de Rouen.) —
3» Charte de 1209 (no 43 du Cart. du prieuré de Bourg-Achard,
ms. de la Bibl. nat., no 177) citée par M. Louis Passy {Bibl. de
r École des chartes, 5e série, t, II, p. 364) Datum per
manum Héberti de Andelico, canonioi Rothomagensis... anno
gratiœ 1209. — 4° Le chirographe dont il sera parlé plus loin.
— Enfin rObituaire de l'église de Rouen, publié par M. L. Delisle,
place au 24 mars la mort de ce chanoine : « 24 mars Magis-
ter Hebertus de Andely, saoerdos et canonicus. {Recueil des
historiens des Gaules et delà France, t. XXllI, p. 361.)
(2) Il y eut en effet à cette époque, dans le chapitre de Rouen,
deux chanoines appelés Guillaume de Marleiz et Gilbert (Gisle-
bertus ou Gillebertus) de Marleiz. Le nom de Guillaume de
Marleiz se trouve (p. 370) dans le Chronicum Rotomag. publié par
INTRODUCTION M
L'abbé de La Rue aurait pu trouver dans Dom Pom-
meraye des renseignements plus sûrs et plus précis.
Dans le chapitre, où, après avoir parlé de la dignité et
des prérogatives du cbantre de l'église de Rouen, il
donne la nomenclature de ceux qui remplirent cette
fonction, l'historien de la cathédrale dit en effet (1):
« Henry d'Andely, au mesme endroit (Cartulaire du
chapitre), p. 118, environ 1212, du temps de Robert,
prieur du Mont-aux-Malades, et dans une charte de
Gautier, archevêque de Rouen, de l'an 1207. Il est
nommé avec Roger Doyen , Guillaume , Philippe et
Raoul Archidiacres (2). » L'historien de Rouen, Farin,
le P. Labbé dans sa Nova Bibîiotheca manuseriptorum (t. I) et
reproduit dans le t. XVIII des Historiens des Gaules et de la
France (p. 359 b), — le nom est orthographié de Marliz, — dans
la Normanniœ nova Chronica (p. 16, l^e col.), publiée par
M. Chéruel d'après le ms. de la Bibl. de Rouen, dans les
Mémoires de la Société des A ntiquaires de Normandie, t. XVIII,
1850. — A cet endroit, une note de M. L, Delisle fait connaître
quelques actes où l'autre chanoine, Gilbert de Marleiz, est men
lionne. A ces indications, je puis ajouter les suivantes : Gilbert de
Marleiz est cité dans le Cartulaire du chapitre, sous le n" 263,
f. 140 ro, et dans le Cartulaire de Louviers, publié par M. Bon-
nin, t. I, p. 183. Enfin, cette simple désignation, G. de Marleiz, se
trouve dans le Cartulaire du chapitre, sous les nos 223, f. 125 v», et
224, f. 126 ro, et dans le Cartulaire de Louviers, p. 143 et 164.
(1) Histoire de l'église cathédrale de Rouen, etc., 1686,
liv. III, ch. VII, p. 337.
(2) Ce passage renferme une inexactitude. Le f. 118 de l'an-
cienne pagination, 120 de la nouvelle, du Cartulaire du chapitre,
Xn INTRODUCTION
dans la liste qu'il donne des grands chantres de la
cathédrale, mentionne aussi « Henry d'Andely » sous la
date de 1207 (1).
Avant d'examiner s'il y a lieu d'admettre ou de
rejeter l'identification proposée par l'abbé de La Rue,
il est indispensable de donner ici les quelques rensei-
gnements que j'ai pu trouver sur le chanoine Henri
d'Andeli ; ils permettront de fixer, d'une manière plus
donne le Vidimus de l'archevêque Robert dont j'ai déjà parlé. Il
n'y est pas question de Robert, prieur du Mont-aux-Malades, et
au lieu du nom de Henri d'Andeli, on lit au yo : « Datum per
manus Heberti de AndeV * Quant à la charte de 1207, copiée
sous le n» 217, f. 121, oa y lit seulement : « Henrico ca/n-
tore »; mais, comme nous le verrons, c'est bien de Henri
d'Andeli qu'il s'agit.
A ce propos, il est curieux de voir comment les erreurs se
forment ou s'aggravent en passant d'un ouvrage à l'autre. L'histo-
rien des stalles de la cathédrale de Rouen, S.-H. Langlois, a
manifestement emprunté à D. Pommeraye ce passage, où il dit
(p. 174) : « Dans le Cartulaire du chapitre de Notre-Dame de
Rouen, on trouvait, sous la date de 1212, et dans une charte de
l'archevêque Robert Poulain, sous celle de 1207, un Henry
d'Andely désigné comme chantre de la cathédrale. » Ce qui était
chez D. Pommeraye environ 1212, devient chez K.-H. Langlois,
sows Za date de i Pi ^; de plus, Robert Poulain est substitué à
Gautier, bien qu'il n'ait été nommé archevêque de Rouen que le
23 août 1208, en remplacement de Gautier de Coutances, mort le
16 novembre 1207.
(1) Histoire de la ville de Rouen, 3e édition, 1738, t. III,
p. 300.
INTRODUCTION XIU
précise qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, l'époque à
laquelle il vécut, et, si je ne me trompe, éclaireront
d'un jour tout nouveau cette question délicate.
La première mention que l'on trouve du chanoine
Henri d'Andeli appartient aux dernières années du
xn* siècle. « Dès 1198, dit M. A. Deville dans une note
de l'ouvrage de E.-H. Langlois sur les stalles de la
cathédrale de Rouen (1), apparaît le nom de Henry
d'Andely sur une charte que possède la Bibliothèque
publique de Neufchâtel (2) en Normandie: « Testibus...
Henrico de Andeli, canonicis rothomagensibus... anno
M° 0° xc° vin". » Henri d'Andeli (Henrico de AndeleioJ
figure comme témoin dans une charte non datée, mais
du temps de Raoul de Kaili (Cailli) , maire de Rouen (3)
(Archives de la Seine-Inf., F. du Mont-aux-Malades).
En 1201, une charte de l'archevêque Gautier le men-
tionne ainsi : Henr. de Andel., avec son titre de cha-
noine de Rouen (Archives de la Seine-Inf., F. de
Jumiéges). Son nom se trouve encore dans une charte
datée des calendes de mai 1205 (Archives de la Seine-
Inf., Cart., de St-Ouen, n° 28 b, p. 295). Plus tard, le
21 septembre 1207, dans une charte par laquelle
(1) P. 174, n.2.
(2) Cette charte ne se trouve plus dans la bibl. de Neufchâtel ;
j'ignore ce qu'elle est devenue.
(3) D'après Farin, Raoul de Cailly fut maire de Rouen
€n 1198.
XIV INTRODUCTION
Gautier de Coutances, archevêque de Rouen, donne à
son chapitre l'église de Saxetot (1), on lit : « Testibus,
Rogero cantore, magistro Simone cancellario, Henrico
de Andeleio et magistro Columbo de Mascone, cano-
nicis Rothomagensibus (2) ; ». La même année
1207, Gautier rend au chapitre « quasdam procura-
tiones et subsidia panis et vini temporalia » qu'ils
possédaient du temps de Rotrou, son prédécesseur;
parmi les témoins de cette charte, Henri est nommé
comme chantre, Henrico cantore y à côté de Roger,
doyen, et de Guillaume, Raoul et Philippe, archi-
diacres (3). Il est appelé ici simplement Henri ; mais
un des documents suivants nous montrera que c'est
bien de Henri d'Andeli qu'il s'agit. Roger étant encore
chantre ^e 21 septembre 1207, et l'archevêque Gautier
étant mort le 16 novembre de la même année, il en
résulte que ce fut entre ces deux dates que Henri
d'Andeli fut investi de cette importante fonction.
(1) Sassetot-le-Malgardé, Seine-Inf., arr. de Dieppe, cant. de
Bacqueville.
(2) Cette charte, publiée par M. Bonnin (Cartulaire de Louviers,
t. I, p. 153), se trouve dans le Cartulaire du chapitre de Rouen,
BOUS le no 269, f. 141 v» à 142 r». Une copie existe aux Archives
de la Seine-Inf., F. du chapitre de Rouen, liasse relative à
Sassetot-le-Malgardé .
(3) C'est bien, comme on le voit, la charte indiquée par D. Pom-
meraye. — Cart. du chapitre, n» 217, f. 121, et Archives de la
Seine-Inf., F. du chapitre.
INTRODUCTION XV
En 1208, Henri, chantre de l'église de Rouen, et
Robert, prieur du Mont-aux-Lépreux (1), «JST., cantor
Rothomagensis et R. , prior de Monte Leprosorum »,
juges arbitres désignés par le saint-siége , rendent
leur sentence sur la contestation existant entre l'abbé
et les religieux de Saint-Taurin et les frères Robert et
Thomas, clercs de Louviers, à l'occasion du droit de
présentation à l'église de Louviers (2).
Henri est encore mentionné comme arbitre dans la
lettre écrite, en 1210, par l'archevêque de Rouen,
Robert Poulain, et le châtelain d'Arqués, Guillaume
de la Chapelle, au roi Philippe-Auguste, qui les avait
chargés de procéder à une enquête sur le privilège de
Saint-Romain : < Noverit excellentia vestra quod,
juxta tenorem litterarum vestrarum quas nobis trans-
misistis, convocavimus, coram nobis, apud sanctum
Audoenum, in festo apostolorum Pétri et Pauli
proxime praeterito, Eenricum cantorem (3) »
(1) Aujourd'hui le Mont-axu-Malades, commune du Mont-Saint-
Aignan, près Rouen.
(2) Bonnin, Cartvlaire de Louviers, sous le vfi cxxi. Cet acte
est extrait du grand Cartulaire de Saint-Taurin, f. 221 r», aux
Archives de l'Eure.
(3) Cette lettre a été publiée par M. Floquet dans son Histoire
du ^privilège de Saint-Romain, t. II, p. 601, aux pièces justifi-
catives, d'après un ms. de la Bibl. nat., qui la déclare contenue
dans le Cartulaire du chapitre de Rouen; elle s'y trouve en effet,
sous le no 225, f. 126 r«. Le Cartulaire ne donne pas la date ;
XVI INTRODUCTION
Henricus cantor, est encore mentionné dans une
charte datée du 3 des nones de septembre 1215 (Ar-
chives de la Seine-Inf., F. de Saint- Amand).
En 1218, le 7 des calendes de juin (26 mai), le doyen
et le chapitre de l'église de Rouen donnent, par un
chirographe, à Henri d'Andeli, chantre et chanoine,
H. de Andel. cantori et canonico nostro^ six livres
de revenu annuel sur l'église de Brachy, « in ecclesia
nostra de Braci »; ces six livres seront reçues, tant
que ledit chanoine vivra, par les mains de deux cha-
noines, à savoir : par maître Herbert d'Andeli et par
Guillaume de Saint-Paul, « per magistrum Herbertum
de Andel. et per Guilielmum de S. Paulo (1) ».
Herbert étant, dans cette pièce, désigné en toutes
lettres, il n'est pas douteux que l'initiale H. représente
Henri d'Andeli.
D'après D. Pommeraye, Henri n'était plus chantre
en 1220. « Robert de Saint-Nicholas, dit-il, se trouve
avoir exercé cette charge en divers endroits depuis
l'an 1220 jusqu'à 1225, au mois de juillet (2). »
celle de 1210 se lit dans le ms. cité par M. Floquet. La pièce
conservée aux Archives de la Seine-lnf. (F. du chapitre, pièces
relatives au privilège de Saint-Romain), porte la date de 1209.
(1) Archives de la Seine-Inf. : communiqué par M. Ch. de Beau-
repaire. Je dois en outre à l'inépuisable obligeance du savant ar-
chiviste de la Seine-Inférieure toutes les mentions tirées des pièces
contenues dans le dépôt dont il a la jgarde.
(2) Hist. de la cath. de Rouen, 1. cit.
INTRODUCTION XVII
Le Cartulaire de Louviers, déjà cité, contient en
effet (t. I, p. 182) une charte par laquelle nous voyons
que Robert était chantre en novembre 1223, et ce
même Robert est désigné comme chantre en 1225, dans
le Cartulaire du chapitre de Rouen, sous le n** 327,
f. 164 r°.
n résulte donc des renseignements que j'ai pu
recueillir que cet Henri d'Andeli fut chanoine au plus
tard en 1198, qu'il obtint la dignité de chantre en 1207
et qu'il ne remplissait plus cette fonction en 1220 ou
tout au moins en 1223.
Avant d'en rien conclure sur l'identification proposée
entre le chanoine et le trouvère, examinons d'abord les
raisons qu'on a données à l'appui.
L'abbé de La Rue, qui l'a mise en avant, se borne à
l'affirmer en se fondant seulement sur la similitude
de nom, et cette assimilation est admise par tous ceux
qui se sont occupés, après lui, de notre trouvère.
E.-H. Langlois accepte l'opinion de son devancier,
sans le nommer et en laissant croire qu'il est arrivé à
cette identification par ses recherches personnelles (1).
Il la soutient par deux raisons : « D'abord, dit-il, je
considère l'identité de temps, de nom et de surnom, et
le peu d'importance de la patrie du chantre et du
(1) Un passage de la notice de M. F. Vautier sur l'abbé de
La Rue, dans les Nouveaux Essais historiques sur la ville de
Caen, etc., t. I, p. xlvij., fait comprendre pourquoi Langlois a
jugé à propos de ne rien dire.
3
XVIII INTRODUCTION
rimeur, dont la faible population, surtout à une époque
encore demi-barbare, ne pouvait que par un bien sin-
gulier hasard produire deux contemporains homo-
nymes, l'un et l'autre d'un mérite remarquable (1) . »
Il est permis de dire que cet argument est plus spécieux
que concluant. « Mais, continue-t-il, j'établis mon
opinion sur une base plus solide encore : c'est la
chasteté d'expression qui règne dans les écrits de notre
poète, réserve sur laquelle il a soin d'appeler lui-
même l'attention du lecteur (2). » Cette chasteté
d'expression a frappé en effet tous ceux qui, jusqu'à
présent, se sont occupés de notre trouvère. M. P.
Meyer remarque que ses œuvres, « sans avoir toute la
gravité des écrits d'un autre chanoine normand plus
célèbre, "Wace, ne présentent cependant rien qui n'ait
pu être pensé et dit par une personne engagée dans les
ordres (3). » Et cependant, bien qu'il constate que,
dans le Dit du chancelier Philippe, Henri d'Andeli
prend la qualification de clerc (v. 251), ce qui semble
venir à l'appui de l'identification, la sûreté de son
esprit critique le garde d'une affirmation absolue; il se
borne à juger très probable que le chanoine et le poète
sont un seul et même personnage. Et, en effet, si la
(1) Stalles de la cathédrale de Rouen, p. 175.
(2) Deux mots, tout au plus, dans les ouvrages de notre trou-
vère , pourraient choquer la délicatesse moderne , mais ils
pouvaient n'avoir rien de malséant à l'époque où il écrivait.
(3) Romania, nog, avril 1872, p. 191.
INTRODUCTION XEC
décence qu'on remarque dans le style des pièces en
question, autorise à admettre qu'un chanoine ait pu
les écrire, elle ne donne pas le droit de conclure qu'il
ait dû les écrire. Si, dans certains fabliaux, nous
voyons la licence portée, dans le choix du sujet et dans
l'expression, jusqu'à ses dernières limites, quelques
autres , en revanche , composés par des trouvères
laïques, gardent la plus stricte convenance, et n'offrent
jamais rien qui puisse blesser la délicatesse la plus
scrupuleuse.
On peut établir par un argument décisif que le trou-
vère et le chanoine ont été deux personnages différents.
Le Dit du chancelier Philippe a été composé au plus
tôt en 1237, puisque ce personnage est mort le 26 dé-
cembre 1236 ; Henri d'Andeli prend soin de fixer lui-
même cette date :
Qui de sa mort veut savoir terme
M. et ce. et XXXVI
Joigne ensemble, et tôt issis
De sa mort saura vérité,
L'andemain de Nativité. (V. 246-250.)
J*ai prouvé plus haut que le chanoine de môme nom,
nommé chantre en 1207, ne l'était plus, soit en 1220,
comme l'affirme D. Pommeraye, soit en 1223, ainsi
que l'atteste le Cartulaire de Louviers. Or, la dignité
de chantre, qui était une des plus considérables du
chapitre, ne cessait qu'avec la vie, ou n'était quittée
XX INTRODUCTION
que pour revêtir une dignité plus haute. Puisqu'il
n'était plus chantre en 1220, puisque aucun acte posté-
rieur à cette époque ne fait mention de lui, que
devons-nous conclure , sinon qu'il était mort (1) ?
Chanoine dès 1198 au plus tard, il devait être en 1220
assez avancé en âge, et c'était sans doute par considé-
ration pour ses longs services, pour ses infirmités
peut-être, que le chapitre de la cathédrale lui avait
constitué une rente annuelle de six livres.
Si le système soutenu par l'abbé de La Rue et par
E.-H. Langlois doit être désormais rejeté, si le trou-
vère et le chanoine ne sont évidemment pas un même
personnage, il est une autre identification que l'on peut
proposer, au moins comme très probable. Dans le Reges-
trum Visitationum de l'archevêque de Rouen Eude
Rigaud, ouvrage d'un si haut intérêt pour l'histoire de
la Normandie et la connaissance des mœurs ecclésias-
tiques à cette époque du moyen âge, on lit, p. 334 de
l'édition donnée par M. Bonnin, le passage suivant,
sous la date du 13 des calendes d'avril (20 mars) ^ :
« Ipsadie, confessus fuit magister Hugo, quisegere-
(1) Si l'on ne connaît point l'année précise de sa mort, on peut
en fixer le jour et le mois, car c'est bien à lui que paraît s'ap-
pliquer ce passage d'un obituaire de l'église de Rouen, écrit
en 1329 (Bibl. nat. ms. 1. 5196, anc. 4229 i, Baluze 136) :
10 Nov Henricus, cantor Rothomagensis. — Publié par
M. L. Delisle, dans le t. XXIll àes Historiens des Gaules et de
la France, p. 369.
INTRODUCTION XXI
bat pro rectore ecclesie de Barvilla, se ratam habere
resignationem quam fecerat nobis, apud Gisetium, de
ecclesia supradicta, secundum quod in littera super
hoc confecta, sigilloque suo sigillata, continetur.
Presentibus : fratre Adam Rigaudi, magistro Johanne
Noyntello, canonico Rothomagensi, Evrardo, canonico
Noviomensi, magistro Gervasio et Henrico de Ande-
liaco, clericis nostris ».
Il y avait donc, en 1259, un clerc du nom de Henri
d'Andeli (1) attaché à la personne d'Eude Rigaud, et
la date, ainsi que la qualification, s'accorde avec ce que
nous savons de notre trouvère. Le Dit dq chancelier
Philippe a, en effet, été composé au plus tôt en 1237,
et le poète lui-même nous fait connaître dans cette
pièce (v. 251) qu'il était clerc :
Et icil clers qui ce trova
Toutefois, en l'absence d'autres preuves, je ne don-
nerai pas cette identification comme certaine. Une
(1) Un Henri, sans autre désignation, qu'Eude Rigaud appelle
notre clerc, figure dans le même ouvrage, p. 14, au 7 des ides
de décembre (7 décembre) 1248, et p. 439 au 15 des calendes de
septembre (18 août) 1262. Peut-être est-ce le même? Je trouve en-
core p. 568, au 5 des ides de février (9 lévrier) 1267, un « Henricus
elemosinarius noster», faisant partie des six chanoines du chapitre
d'Andeli, mais sans résider. Le clerc d'Eude Rigaud pourrait
bien être devenu son aumônier, et avoir été pourvu par lui d'un
canonicat dans sa ville natale; mais ce ne sont là, bien entendu,
que des conjectures.
XXn INTRODUCTION
considération m'arrête : l'étude attentive des œuvres du
trouvère me semble montrer qu'il dut passer à Paris
une bonne partie de sa vie. M. P. Meyer (1) a remar-
qué le premier qu'il ne laisse paraître aucune trace du
dialecte de son pays et que sa langue est du pur fran-
çais. La vivacité et la sincérité des regrets que lui
inspire la mort du chancelier Philippe, semble attester
une liaison intime et longue, une fréquentation
assidue. La précision de certains détails qu'on lit dans
la Bataille des VII A rs, ne peut s'expliquer, à mon
sens, que par un long séjour dans le grand centre des
études, dans cette université de Paris, alors si floris-
sante. Peut-être, en sa qualité de clerc, fut-il attaché
à la personne du chancelier (2) ; peut-être enseigna-t-il
(1) Romania, n» 2, avril 1872, p. 204.
(2) Ceci ne pourrait-il pas être induit particulièrement des vers
239-242 du Dit du Chancelier. Après avoir rappelé, détail bien
précis, que ce fut le chancelier qui, les jours qui précédèrent
Noël, commença les grandes antiennes,
Et bien et bel commença l'o,
Loquens o o, clavia David.
Henri d'Andeli ajoute :
& au quint jor nos fu ravid.
Il me semble qu'il ne faut pas ici prendre ce nos au sens général
et banal, mais qu'il désigne les personnes qui étaient de l'intimité
du chancelier. Je ne suis pas éloigné de croire que c'est à lui-
même que le poète fait allusion dans les vers 25*26 :
Un suen privé clerc apela,
Son pensé pas ne li cela.
INTRODUCTION ZJUl
dans ces écoles du chapitre, placées sous la surveillance
de Philippe, et qui n'avaient pas subi l'invasion de la
dialectique autant que les écoles indépendantes de
l'évêque de Paris, l'autorité ecclésiastique n'ayant
accepté qu'à la longue et après bien des résistances des
méthodes et des doctrines qui lui semblaient suspectes.
Ceci expliquerait la préférence de Henri d'Andeli pour
les études de grammaire. S'il en était ainsi, on pourrait
supposer qu'Eude Rigaud, qui, n'étant encore que
franciscain, s'était acquis à Paris une haute réputa-
tion par ses leçons et ses prédications, aurait connu
dans cette ville Henri d'Andeli, et que, lorsqu'il prit
possession de l'archevêché de Rouen, ill'aurait attaché
à sa personne en raison de son mérite et de sa qualité
de clerc normand.
Mais laissons de côté ces conjectures et cherchons à
établir ce qui peut être légitimement affirmé de notre
trouvère. Il est normand; son nom le prouve suffisam-
ment. Mais le titre d'Andeli design e-t-il simplement le
lieu où il est né et ne sert-il qu'à le distinguer de ses
contemporains, qui comme lui s'appelaient Henri, ou
bien devons-nous en conclure qu'il appartenait à cette
famille dont un membre prit part, avec Guillaume le
Bâtard, à la conquête de l'Angleterre, et dont un autre,
possesseur de fiefs dans le pays de Caux à Hermanville
et à Calleville, fut nommé vers la fin du xu® siècle châ-
telain de Lavardin par le roi d'Angleterre , Jean sans
Terre, à cette famille enfin qui nous a donné un autre
XXIV INTRODUCTION
poète dans la personne de Roger d'Andeli (l)?Lechaudé
d'Anisy (2), qui adopte comme tant d'autres le système
de l'abbé de La Rue, penche pour cette dernière hypo-
thèse; il va même jusqu'à dire que Henri et Roger
d'Andeli étaient probablement frères ou parents.
Avouons tout simplement que nous n'en savons rien.
Henri d'Andeli est clerc, nous l'apprenons de lui-
même ; on eût pu le conjecturer d'ailleurs à la réserve
tout ecclésiastique avec laquelle , lui , le partisan
déclaré des anciens, il apprécie leurs ouvrages :
Lor chastiaus fust bien deff ensables.
S'il ne fust si garnis de fables
Qu'il ajoingnent lor vanitez
Par lor biaus mes en veritez. (3)
Pareille réserve ne serait guère venue à l'esprit d'un
trouvère laïque. Il est très instruit; sa Bataille des
VII Ars abonde en détails curieux et précis sur les
écoles du temps, sur les maîtres qui y professaient, sur
les auteurs qu'on y 'étudiait; il se montre partisan
convaincu des études littéraires et poursuit de ses
(1) Je ferai connaître, en publiant les chansons de Roger d'An-
deli, ce que j'ai pu trouver sur cette famille.
(2) Recherches sur le Dovnesday ou Liber censualis d'Angle-
terre, etc., par MM. Lechaudé d'Anisy et de Sainte-Marie, 1842,
p. 150-151.
(3) Bataille des VII Ars, v. 254-257.
INTRODUCTION XXV
railleries les logiciens et leurs vaines subtilités. Il
n'aime pas davantage les sciences et les arts nouveaux,
la médecine, la chirurgie, le droit, dont la vogue venait
mettre en grand péril ses chères écoles de grammaire
et l'étude de la bone ancienetez. Les médecins et les
chirurgiens sont pour lui des charlatans qui ne
cherchent qu'à tromper le public pour s'enrichir et
bâtir à Paris de granz mesons avec l'argent qu'ils
retirent de leurs poisons. Peut-être ce sévère juge-
ment, que Molière n'eût pas désavoué, lui est-il, après
tout, inspiré par un sentiment de rancune personnelle;
ils n'ont pas su guérir une maladie d'yeux dont il est
affecté :
Je les tenisse por moult preus
S'il m'eussent gari des iex. . . . (1).
Maladie qui pourrait bien provenir d'un usage un peu
trop fréquent du bon vin de Saint-Jean-d'Angély, qui
dist a Henri d'Andeli
Qu'il li avoit crevé les iex
Par sa force, tant estoitprez (2).
Il n'épargne pas plus que les médecins et les chirur-
giens, ces rhéteurs lombards.
Que Rectorique et amenez.
Dars ont de langues empanez
(1) Bataille des VII Ars, v. 124-125.
(2) Bataille des Vins, v. 125-126.
XXVI INTRODUCTION
Por percier les cuers des gens nices
Qui vienent jouster a lor lices (1).
et ces avocatiaus ,
Qui de lor langues font batiaus
Por avoir l'avoir aus vilains
Que tout li païs en est plains (2).
Enfin , ce qui fait l'éloge de son esprit et de son
cœur, il est l'ennemi de toute vilonie (3); il a des
larmes sincères pour les amis qu'il a perdus (4).
Voilà à quoi se réduit ce que nous savons sur Henri
d'Andeli. C'est peu sans doute; mais faut-il bien
s'étonner qu'on n'ait sur lui d'autres renseignements
que quelques inductions tirées de ses ouvrages ? N'est-
ce pas le sort commun à tous les trouvères ? Que sau-
rait-on de ses contemporains, de Rutebeuf, d'Adam de
la Halle et de tant d'autres, si le penchant heureux
pour notre curiosité, que les poètes ont à parler d'eux-
mêmes, ne les eût amenés à donner quelques détails sur
leur vie. Les chroniqueurs, tout occupés à raconter les
gestes des rois et des seigneurs, les tournois et les ba-
tailles, avaient en vérité bien le temps de songer à ces
trouvères perdus dans la foule des vilains et bons
(1) Bataille des VII Ars, v. 69-72.
(2) Ibid., V. 369-371.
(3) Li Lais d'Aristote, v, 1-59.
(4) Le Dit du chancelier Philippe.
INTRODUCTION XXVII
seulement à amuser les grands. Leur nom, voilà d'or-
dinaire ce que l'on connaît d'eux ; heureux encore,
quand ils ont songé à le donner dans leurs ouvrages ;
car ces premiers âges de notre poésie fourmillent de
poèmes anonymes, qu'on ne sait à qui attribuer. Il en
est peut-être parmi eux qui appartiennent à notre trou-
vère, qui aurait négligé de s'y nommer ; mais qui le
saura jamais? Quoi qu'il en soit, le Lai d'Aristote, la
Bataille des Vins, le Dit du chancelier Philippe, la
Bataille des VU Arts, suffisent bien à la gloire de
l'humble clerc, de l'aimable poète qui oubliait sans
doute les ennuis et les fatigues d'une vie consacrée à
de plus austères travaux par la composition de ces
pièces gracieuses et légères.
XXVm INTRODUCTION
II
LE LAI D'ARISTOTE
De tous les fabliaux que nous devons au xiii« siècle,
il n'en est peut-être pas un qui soit plus connu et
mieux apprécié que le Lai d'Aristote ; il est donc su-
perflu d'en présenter l'analyse, déjà faite bien des fois
et qui ne saurait rendre d'ailleurs la grâce délicate et
légère de ce petit poème si habilement composé.
Il ne porte pas le même titre dans les quatre manus-
crits qui nous l'ont conservé et qui tous appartiennent
à la Bibliothèque nationale, où ils sont classés dans le
fonds français sous les n°' 837, 1593, 19152 et 1104
(nouv. acq. fr.). Le manuscrit 837 Tintitule Li Lais
d'Aristote; ce titre est, il est vrai, écrit, comme celui
de tous les fabliaux que ce manuscrit renferme, par
une autre main que celle du copiste ; mais, à la fin du
poème, on lit, et cette fois de la main du copiste : Ex-
pHcit li Lais d'Aristote. Le ms. 1593 l'intitule Aristote
et lui donne pour souscription : Explicit d'Aristotes.
Le ms. 19152 l'intitule d'Alixandre et d'Aristote,
et le termine par cette souscription : Explicit d'Aristote
et d'Alixandre. Enfin, le ms. 1104 des Nouvelles ac-
quisitions du Fonds français porte en tête du poème :
INTRODOCTION TTTX
C'est le Lay d'Aristote, et en rappel au bas du folio :
Li Lays d'Aristote. Il n'y a pas d^explicit.
Le poème dont il s'agit ici n'est pas un lai au sens
exact du. mot. Dans la notice qui précède le iae c?e
l'Epervier, M. Gaston Paris fait la remarque suivante :
« Tous les véritables Lais (je parle ici des lais narratifs
en rimes plates) étaient pour ainsi dire le livret d'une
mélodie bretonne connue. Les jongleurs bretons parcou-
raient la France au xii* siècle, exécutant sur la harpe
ou la rote des compositions musicales qui avaient le plus
grand succès, bien qu'on ne comprît pas le sens des
paroles dont ils les accompagnaient. Des poètes fran-
çais et surtout normands, qui, comme Marie de
France, savaient le breton, eurent l'idée de raconter,
dans la forme habituelle des narrations rimées, le
sujet des lais les plus célèbres. Il se forma ainsi un
genre de poésie particulier, qui fit donner le nom de
lai à des compositions analogues oh les Bretons n'é-
taient pour rien, comme le lai d'Aristote et le lai de
VOiselet (1) ». Ce n'est pas seulement dans les poèmes
que contient le ms. 1104 (nouv. acq. te.) sous le titre
général de Lays de Bretagne, que le terme de lai est
appliqué au récit d'aventures dont les héros ne sont
pas Bretons ; on lit dans le joli fabliau du Vair Palefroi
dont la scène est en Champagne :
(1) Le lai de VEpervier. — Romaniaf n» 25, janvier 1878,
p. 1-2.
-XXX INTRODUCTION
En ce lay du Vair Palefroi
Orrez le sens Huon Leroy
Auques regnablement descendre (1),
ce qui prouve que l'acception du mot lai était plus
étendue au xiii^ siècle qu'au xii* et autorise suffisamment
à conserver au fabliau de Henri d'Andeli le titre de lai,
que lui donnent d'ailleurs deux manuscrits.
Il serait intéressant de retrouver l'origine et le
thème primitif de cette aventure, dans laquelle le trou-
vère nous montre Aristote cédant à la puissance de
l'amour et se soumettant, tout grave et tout vieux qu'il
est, à l'épreuve plaisante que lui impose la maîtresse
d'Alexandre.
Dans les notes qu'il a placées à la suite de son imi-
tation du Lai d' Aristote, Legrand d'Aussy nous dit :
« Ce conte est vraisemblablement un de ceux que les
fabliers avoient pris des Arabes. On le trouve dans les
Mélanges de littérature orientale, t. I, p. 16, sous le
titre du Visir sellé et bridé. Toute la différence, c'est
qu'ici les personnages sont un sultan, son ministre et
une odalisque (2). »
Voici le fond de l'anecdote racontée dans ce recueil
pardeCardonne, d'après l'auteur arabe Adjaebel Measer:
(1) M. A. de Montaiglon : Recueil général et complet des
fabliaux des XIII<' et XI V^ siècles, 1872, t. I, p. 25.
(2) Fabliaux ou contes... du XI I« et du XIII^ siècle, éd.
Renouard, 1829, t. I, p. 279.
INTRODUCTION XXXI
Un jeune sultan oubliait le soin de ses Etats au milieu
des délices de son sérail où il avait rassemblé les plus
belles esclaves dé l'Asie ; mais cédant aux reproches de
son visir, il ne leur faisait plus que de rares visites. Un
jour, touché de leurs larmes, il leur avoue qu'il ne s'est
éloigné d'elles que par les conseils de son ministre.
Une esclave, plus hardie que les autres, se vante de
triompher bientôt du visir. « Envoyez-moi à ce triste
censeur, dit-elle ; je veux devenir son esclave, et j'as-
sure que cette esclave sera bientôt sa maîtresse. » Le
sultan y consent, et l'odalisque, déployant auprès du
visir toutes les ruses de la coquetterie, ne tarde pas
à le subjuguer ; mais elle ne veut céder à son amour
q-u'à la condition que lui-même obéira pour un jour à
ses caprices. EUe fait cacher le sultan dans son appar-
tement et ordonne d'apporter une bride et une selle :
« Il faut, dit-elle au visir, que vous fassiez usage de
cette selle et que vous souffriez que je monte sur votre
dos. » Le vieillard se soumet à l'épreuve, et le sultan
sort tout à coup de l'endroit où il s'était caché.« Ah ! ah !
grave censeur, s'écrie-t-il, vous êtes bien fol pour un
moraliste si austère. — Prince, répond le ministre sans
se déconcerter, c'est parce que je connaissais tous les
caprices de ce sexe dangereux que j'exhortais votre ma-
jesté à ne pas s'y livrer ; mes leçons doivent faire plus
d'impression sur votre esprit depuis que j'ai joint
l'exemple au précepte; cette métamorphose bizarre vous
apprend combien l'amour est à fuir. »
XXXII INTRODUCTION
On le voit, la ressemblance entre les deux récits est
frappante; mais si tout autorise à croire que cette anec-
dote est parvenue à Henri d'Andeli par l'intermédiaire
des Arabes, il ne faudrait pas se hâter de conclure
que ceux-ci en sont les inventeurs.
M. Gaston Paris (1) a établi qu'on a eu tort d'attri-
buer pendant longtemps aux Turcs, aux Arabes et aux
Persans, la création de ce qu'ils ont simplement trans-
mis. La plupart des contes orientaux qui se sont répan-
dus dans les littératures occidentales viennent de livres
bouddhiques; mais leurs auteurs indiens les ont souvent
empruntés à la Grèce, à l'Assyrie, à l'Egypte, à l'Asie
Mineure. « Au delà même de ces relations déjà si an-
tiques, nous ne pouvons oublier, ajoute-t-il, que les
Indiens et les peuples dominants de l'Europe font par-
tie d'une même race, ont été originairement une seule
nation ; pendant des siècles, ils ont parlé la même
langue, mené la même vie, adoré les mêmes dieux, et
peut-être déjà chanté les mêmes chants et répété les
mêmes contes. De ce patrimoine commun, quelques
restes ne se sont-ils pas conservés dans la littérature
de l'Inde, pour revenir de là, bien des siècles après,
dans celle de peuples qui les avaient complètement
laissé perdre (2) ? »
(1) Les contes orientaux dans la littérature française du
moyen âge. — Revue littéraire^ 4e année, n» 43, 24 avril 1875,
p. 1011, col. 2.
(2) Ibid., p. 1013, col. 1.
INTRODUCTION XXXIII
Il se peut que le sujet qui nous occupe remonte à
une très ancienne origine ; il touche à des faiblesses
aussi vieilles que le inonde, et l'on a dû de bonne
heure consacrer maint récit à une passion qui triomphe
sans peine des plus rebelles. L'anecdote transmise
d'âge en âge aura conservé sa trame, tout en chan-
geant de personnages. Il est à croire que Henri d'Andeli
aura choisi lui-même pour héros de cette aventure
Alexandre et Aristote, en raison de la haute estime où
l'un d'eux était dans les romans de chevalerie et l'autre
dans les écoles ; car, si les anciens la leur avaient at-
tribuée, les auteurs qui nous ont transmis tant de
fables sur Alexandre n'auraient certes pas oublié un
des meilleurs récits auxquels il aurait donné lieu.
Mais laissons de côté cette question d'origine et
recherchons les diverses imitations qui ont été faites
du Lai d' Aristote.
La plus ancienne peut-être est celle que nous voyons
figurée sur une des faces d'un dyptique en ivoire qu'on
attribue au xni^ siècle et dont le P. Montfaucon a
donné le dessin dans son Antiquité expliquée (1). Cette
face est partagée dans sa hauteur en deux comparti-
ments ; dans la partie inférieure, la jeune Indienne en
pure sa chemise, cueille des fleurs et tourne coquette-
ment la tête du côté du philosophe qui, coiffé d'un
bonnet de docteur, la regarde avec admiration par la
(1) T. III, 2e partie, p. 356, pi. 194.
XXXIV INTRODUCTION
fenêtre ouverte de son cabinet d'étude. Dans la partie
supérieure, la jeune fille est représentée dans le même
costume, chevauchant Aristote ; de la main droite, elle
tient un fouet, et, de la gauche, la bride dont le mors
est passé dans la bouche de son étrange monture.
Alexandre, ayant derrière lui Ephestion sans doute,
contemple la scène du haut d'une tour carrée , Aristote
tourne la tête, soit pour admirer la jeune Indienne,
soit parce qu'il a entendu la voix d'Alexandre. Ses bras
se terminent par des pattes armées de griffes, et son
corps par une large queue, simple fantaisie de l'artiste,
à moins qu'on y veuille voir l'intention de montrer
que la passion hestialise l'homme et l'abaisse au niveau
de la brute (1). On ne rencontre que sur ce dyptique
deux scènes empruntées au Lai d'Aristote ; partout
ailleurs, c'est la seconde qui seule est figurée.
Nous la trouvons reproduite, dans l'église Saint-
Pierre de Caen, sur le chapiteau d'un des derniers pi-
liers du côté gauche de la nef, avec d'autres sujets em-
pruntés également aux fabliaux et aux romans de
chevalerie. L'abbé de La Rue en a donné le dessin
dans ses Essais historiques sur la ville de Caen (2).
La tête du philosophe est fruste ; la jeune fille, dont le
corsage échancré laisse la gorge et les épaules large-
(1) E.-H. Langlois : Stalles de la cathédrale de Rouen, 1838,
p. 172.
(2) T. I, p. 97.
INTRODUCTION XXXV
ment découvertes, tient la bride de la main gauche ;
l'avant-bras et la main droite qui tenait le fouet ont
disparu, mais le fouet composé de trois lanières est
encore visible, Aristote est revêtu d'une longue robe
flottante (1). Cette sculpture appartient à la fin du
xm* siècle ou au commencement du xiv".
La façade de l'église Saint-Jean de Lyon nous offre
encore le même sujet que M. de Guilhermy a décrit et
reproduit dans son article &nT les Fabliaux représentés
dans les églises (2). « De tous les bas-reliefs, dit-il,
qui reproduisent le Lai d'Aristote, le plus gracieux
sans contredit est celui qui se trouve à Lyon, au-
dessous d'une riche console, sur cette admirable façade
de l'église primatiale Saint-Jean, dont l'ornemen-
tation présente un des plus singuliers assemblages de
scènes sacrées et de sujets profanes. Ce relief date du
XIV* siècle, mais il appartient à une époque plus avan-
(1) La figure insérée dans l'ouvrage de l'abbé de La Rue repré-
sente la jeune fille nue jusqu'à la ceinture, ce qui est inexact.
M. de Caumont a donné aussi, mais avec quelques différences,
le dessin de ce chapiteau dans son Abécédaire ou Rudiment
d'archéologie, 2e édit., 1851, t. II, Architecture religieuse,
p. 307. La pose de la jeune fille et du philosophe sont les mêmes;
les parties qui manquent dans la figure donnée par l'abbé de La
Rue sont ici visibles. La jeune fille a le pied droit passé dans
l'étrier; elle porte un corsage largement échancré; un collier
orne son cou.
(2) Revue générale de Varchitecture et des travaux publics,
sous la direction de César Dali/, 1840, col. 383-396.
XXXVI INTRODUCTION
cée que le chapiteau de l'église Saint-Pierre de Caen.
L'artiste s'est inspiré avec une spirituelle finesse du
dénoûment de notre fabliau; il a produit une petite
merveille d'élégance et de naïveté. Sur un fonds de
feuillages, qui reporte la scène au milieu du verger,
Aristote, le corps vêtu d'une simple robe pMlosophale,
le menton garni de la barbe épaisse, attribut obligé
des maîtres de sapience, la tête coiffée d'un bonnet de
docteur garni de sa houppe, se traîne péniblement sur
les pieds et les mains. Un mors lui comprime la bouche,
une selle lui couvre le dos ; la jeune damoiselle, sédui-
sante de beauté, vêtue de pure chemise, est montée
sur son palefroi ; un simple bandeau rattache ses longs
cheveux. D'une main elle tient la bride et de l'autre
un fouet à plusieurs cordes réunies, dont elle se sert
avec malice, pour hâter la marche embarrassée de sa
grave monture. Dans les angles de l'encadrement, de
petites figures semblent représenter Alexandre auprès
de sa maîtresse (1). »
La même scène est également représentée sur la mi-
séricorde d'une des staUes que la munificence du car-
dinal Guillaume d'Estouteville fit établir dans le chœur
de la cathédrale de Rouen, de 1457 à 1469. E.-H. Lan-
glois en a donné le dessin (pi. 1, n° 9) et la description
dans son curieux ouvrage sur les stalles de la cathé-
drale de Rouen. « Cette stalle, dit-il, est la neuvième
(1) Revue générale de V architecture, etc., col. 393-394,
INTRODUCTION XXXVII
des hautes formes du côté du midi. Elle offre un sujet
bizarre et peu connu.... Cette sculpture représente un
homme vieux et barbu se traînant presque à plat
ventre, et portant sur son dos une jeune femme assise.
Celle-ci, coiffée du hennin, espèce de bonnet à deux
cornes assez commun du temps de Charles VI, vêtue d'une
robe longue et serrée, mais la gorge fort découverte,
selon l'usage des courtisanes de la même époque, paraît,
dans cet équipage, chevaucher le vieillard et le con-
duire au moyen d'une bride dont le mors est fixé dans
la bouche de cette vénérable monture (1). » L'auteur,
après avoir ajouté « qu'on a souvent cru voir, dans ce
sujet reproduit dans quelques autres lieux, une allé-
gorie de la patience ou plutôt de l'excessive bonhomie
avec laquelle Socrate endurait les mauvais traitements
de sa femme, l'acariâtre Xantippe », y reconnaît l'inspi-
ration du Lai d'Aristote et donne de ce fabliau une des
meilleures analyses qu'on en ait encore faites (2).
La miséricorde du chœur de la cathédrale de Rouen
n'est pas le seul endroit de ce monument où nous
voyions le grave pédagogue servant de palefroi à la
maîtresse d'Alexandre. Un bas-relief du portail de la
Calende, appartenant à peu près à la même époque,
nous présente aussi cette curieuse scène. Notre confrère
M. J. Adeline l'a reproduit dans ses Sculptures gro-
(1) E.-H. Langlois, op. oit., p. 161-163.
(2) Ibid., p. 164-171.
XXXVm INTRODUCTION
tesques et symboliques (1), avec le dessin de la miséri-
corde déjà donné par Langlois. « Ce bas-relief, dit-il,
d'une très belle exécution,.... est placé à la base d'une
statue ; sa composition est bien plus conforme au récit
du poète, car sur les stalles, la selle et le mors ne sont
pas caractérisés comme sur celui que nous reprodui-
sons. »
Enfin, sous le règne de Louis XII, l'artiste qui
sculpta les pilastres de la chapelle épiscopale du châ-
teau de Gaillon, élevé par le cardinal Georges d'Am-
boise, représenta l'aventure d'Aristote dans un mé-
daillon d'un des pilastres qui ornent aujourd'hui une
des cours du palais des Beaux-Arts, à Paris. « Le tra-
vail de ces sculptures, dit M. de G-uilhermy, a beaucoup
de finesse ; mais les formes en sont un peu sèches et
incorrectes. Les dessins que nous publions de cette
œuvre et de la console de Lyon permettent d'établir
entre les deux reliefs une facile comparaison, dont le
résultat est à l'avantage de l'artiste lyonnais. Le mé-
daillon tiré du château de Georges d'Amboise n'en est
pas moins précieux comme témoignage de la vogue ac-
quise encore après tant de siècles au lai du poète nor-
mand. Le sculpteur de Gaillon a fidèlement suivi le
texte de son compatriote. La damoiselle, vêtue d'une
simple chemise, laisse flotter sur ses épaules des longs
cheveux que nul lien ne comprime. Elle vient d'en-
(1) PI. 39, et pp. 73-78 et 206-210.
INTRODUCTION XXXIX
fourcher, en vrai cavalier, le dos du philosophe ; d'une
main elle tient la bride, de l'autre elle fait à sa mon-
ture un geste impératif. Aristote, dont les traits sont
dépourvus d'expression, porte pour vêtement la longue
robe fourrée des docteurs de l'Université (1). »
Ce n'est pas seulement sur les monuments publics
que la fantaisie des artistes du moyen âge se plut à
reproduire la scène piquante du Lai d' Aristote; des
objets destinés à la vie privée, de simples ustensiles
viennent encore nous attester combien fut grande la
vogue dont jouit autrefois l'œuvre de Henri d'Andeli.
A la dernière exposition (Paris, 1880) des beaux-arts
appliqués à l'industrie, exposition consacrée spéciale-
ment au métal, figuraient deux aquamaniles (2) en
cuivre jaune, fabriqués au xiv® siècle, et représentant
la jeune Indienne chevauchant Aristote. L'un d'eux,
offrant dans sa facture une certaine raideur, montre le
philosophe se traînant a quatre piez, a chatonant,
selon l'expression du poète, un mors dans la bouche,
la tête entourée d'un cercle qui retient ses longs che-
veux plats, le visage sans barbe comme celui d'un
simple clerc. La tête de la jeune fille est surmontée
d'un bonnet assez semblable à un chapeau chinois, qui
servait de couvercle et que l'on retirait pour intro-
(1) Revue générale de l'architecture, etc., col. 395-396.
(2) Sur cet objet, voir VioUet-le-Duc, Dict. du mobilier fran-
çais, t. II ; Ustensiles, au mot Aiguière.
XL INTRODUCTION
duire l'eau. L'autre a plus de mouvement et d'expres-
sion : Aristote, représenté dans la même posture, est
vêtu avec une certaine élégance; ses pieds sont
chaussés de longs souliers à la poulaine, ses cheveux
sont disposés en gros frisons séparés, ainsi que sa
barbe qui tombe en pointes ; pas de mors dans sa
bouche. La courtisane, vêtue d'une robe à longues
manches frangées, et dont le corsage échancré laisse
voir sa gorge et ses épaules, tient le vieil Aristote par
une boucle de ses cheveux et le conduit ainsi comme
avec une bride (1).
Telles sont les imitations que les imaigiers du
moyen âge ont faites de l'aimable fantaisie de notre
vieux trouvère. Pas plus que celle du rimeur, leur
hardiesse, et elle se permet en vérité de bien autres
licences, n'a été arrêtée par le prestige du grave
Aristote. Mais que le docte philosophe ne s'en offense
pas; Virgile, le doux poète, est aussi irrévéren-
cieusement traité et ne subit pas une moins étrange
métamorphose. Il devient un enchanteur qui, lui aussi,
se laisse subjuguer par une femme ; sa science ne peut
le préserver des pièges qu'elle lui tend; s'il en était
autrement, nos naïfs et peu scrupuleux ancêtres
(1) De ces deux aquamaniles exposés au palais de l'Industrie
dans une des salles du premier étage, le premier, numéro 121,
appartient à M. Spitzer; le second, sous le numéro 103, à M. Cha-
brière - Arles. Ils m'ont été signalés par notre collègue,
M. F. Vallois.
INTRODUCTION XLI
auraient-ils pu imaginer la singulière punition qu'il
inflige à celle qui avait osé se jouer de lui (1).
Il est surprenant de voir les sculpteurs du moyen
âge et du début de la Renaissance s'inspirer plus d'une
fois de la piquante aventure si finement racontée par
Henri d'Andeli, et de n'en trouver presque aucune
mention chez les écrivains de la même époque. En
dehors du huitain que je reproduirai plus loin, le seul
poète qui, à ma connaissance^ y ait fait allusion, est
(1) Il est à remarquer que l'aventure attribuée à Virgile et,
avant lui, mise au compte du grave Hippocrate, est souvent
figurée à côté de celle tirée du Lai d'Aristote. Elle se trouve
sur l'autre face du dyptique reproduit par Montfaucon, et
sur le chapiteau de l'église Saint-Pierre de Caen. Elle était repré-
sentée également, ditE.-H. Langlois, sur la miséricorde d'une des
deux stalles supprimées du temps du cardinal Cambacérès « pour
placer la lourde chaire archiépiscopale qui se voit aujourd'hui. »
A propos de Virgile et d'Aristote, on trouve dans un article de
M. A. Duchalais : le Rat employé comme symbole dans la
sculpture du moyen âge (Bibl. de VEcole des chartes, 2e sé-
rie, t. IV, p. 232), le passage suivant : « Deux ivoires conservés à
la Bibliothèque royale ( cabinet des médailles et antiques )
montrent que le Lai de Virgile et celui d'Aristote ne sont rien
autre chose qu'un emprunt fait à l'histoire, ou plutôt à la fable
de l'antiquité, pour prouver que de la femme viennent tous nos
maux. En effet, ces deux plaques d'ivoire proviennent d'un même
coffret, et l'une ornée d'ime des deux légendes que je viens d'in-
diquer, n'est que la paraphrase de l'autre, qui représente la ten-
tation du démon dans le paradis terrestre et Adam mangeant la
pomme qu'Eve lui a présentée. » M. A. Duchadais ne dit pas si la
légende représentée est celle de Virgile ou celle d'Aristote.
6
Xïill INTRODUCTION
Jean Le Fèvre, de Ressons-sur-Matz, qui, dans la
seconde moitié du xiv® siècle, traduisit en vers fran-
çais sous ce titre : le Livre de Mathéolus, le poème
latin aujourd'hui perdu, dans lequel, une cinquantaine
d'années auparavant, Mathéolus ou maistre Mathieu
comme l'appelle Le Fèvre, s'était peu galamment
vengé sur tout le sexe féminin des ennuis et des
tourments dont l'accablait la seconde femme qu'il
avait épousée. Dans ce poème curieux, quoique un peu
monotone, où le malheureux bigame se répand en
plaintes intarissables sur la malignité des femmes ,
l'aventure d'Aristote est rappelée en ces termes (1) :
Femmes sçavent plus d'une note.
Que prouffita à Aristote
Péri ermenias, elenches,
Devisées en plusieurs branches,
Priores, posteres et logique
Ne science mathématique ?
Car la femme tout surmonta
Adonc que par dessus monta
Et vainquit des maistres le maistre :
Au chief luy mist frain et chevestre ;
Mené il fut à silogisme,
A barbarisme et à risisme ;
Son cheval en fist la moynesse
Et le poingnoit com une asnesse.
(1) Le livre de Mathéolus, poème français du xiv» siècle, par
Jean Lefèvre; Bruxelles, 1846, Livre ]«>•, v. 1101-1114.
INTRODUCTION XLIII
Un ms. du xv« siècle, appartenant à la Bibliothèque
d'Epinal(l), contient (f. 162 ro)le huitain suivant, dont
l'auteur inconnu cite Aristote parmi les sept sages que
leur prudence ne put mettre à l'abri des ruses de la
femme :
Per femme fut Adam dessus,
Et Virgille mosquez en fut,
Ypocrasse en fut enerbez,
Ssansson le fort deshonorez,
Davit an fit fault jugemant.
Et Sallemon fault testamant.
Femme chevalchat Aristote :
Il n'est rien que femme n'aisotte !
On lit ensuite ; « Et s'est la manierre commant lé
. vn . saige furent dessus per femme. »
Dans le xv® siècle, vers l'époque même où les huchiers
et imaigiers de la cathédrale de Rouen sculptaient
sur une miséricorde du chœur et sur le portail de la
Calende le sujet tiré du Lai d'Aristote, un grave per-
sonnage, qui depuis fut pape sous le nom de Pie II,
^neas Silvius Piccolomini, alors secrétaire de l'em-
pereur Frédéric III, rappelait l'aventure d'Aristote et
celle de Virgile, dans son roman d'Euryale et de Lu-
crèce, qui fait l'objet de sa 114« lettre datée de Vienne,
(1) M. F. Bonnardot, Notice du manuscrit 189 de la Bi-
bliothèque d'Épinal, etc., dans le Bulletin de la Société des
anciens textes français, 1876, n*»» 2 à 4, p. 64-132.
XLIV INTRODUCTION
le 5 des nones de juillet 1444 (1). Euryale, dévoré par
l'amour qu'il ressent pour Lucrèce, essaie d'abord d'y
résister ; il succombe enfin et s'écrie : « Incassum, mi-
ser, amori repugno. Numme licebit quod Julium licuit,
quod Alexandrum, quod Annibalem ? Sed quid viros ar-
mâtes refero ? Aspice poetas, Virgilius per funem trac-
tus ad mediam turrim pependit, dum se mulierculae
sperat usurum amplexibus : excuset quis poetam ut
laxioris vit» cultorem. Quid de pbilosophis dicemus,
disciplinarum magistris et artis bene vivendi praecep-
toribnal Aristotelem tanquam equum mulier ascendit,
freno coercuit et calcaribus pupugit.... (2) » -^neas
Silvius trouva-t-il à Vienne le souvenir de cette légende
ou l'apporta-t-il d'Italie ? Je ne saurais le dire. Mais ce
qu'il y a de certain, c'est qu'on ne l'oublia pas à Vienne,
comme le témoigne le passage suivant de Legrand
d'Aussy :
(1) jEneœ Sylvii Piocolomini... opéra, Basile», 1551, in-f. —
Historia de Eurialo et Lucretia se amantibus, epist. cxiiii,
p. 623.
(2) Ibid., p. 627. — Le roman d'^neas Silvius eut un grand
succès; il a été imprimé plusieurs fois au xve siècle. Une traduc-
tion en vers français, imprimée par Vérard avant 1500 et dédiée
à Charles VIII, est attribuée à Octavien de Saint-Gelais ; une
seconde eut pour auteur maistre Anthitus, chapellain de la
sainte chapelle aux ducs de Bourgogne, qui la fit à la prière
et requeste des dames; on cite encore d'autres versions fran-
çaises. Cet ouvrage a été traduit également en italien, en espagnol,
en anglais et eu allemand.
INTRODUCTION XLV
« Spranger, peintre de l'empereur Rodolphe II, en a
fait, au commencement du xvue siècle, un tableau que
Sadeler a gravé. Le vieil amoureux est représenté
marchant à quatre pattes, avec le mors en bouche, et
portant sur son dos la dame qui, d'une main, tient la
bride, et de l'autre un fouet. Mais elle est entièrement
nue, façon fort singulière de se promener.
« On a fait différentes copies de l'estampe de Sadeler.
Les marchands lui ont donné le nom du philosophe.
Celui chez qui j'ai été les voir m'a dit savamment que
c'était l'histoire de Socrate et de Xantippe, sa femme.
« Un amateur m'a assuré avoir vu à Paris, il y a
plusieurs années, un groupe en marbre représentant
le même sujet. Il appartenait alors à M. le marquis de
Vence. Dans l'œuvre de Fr. VanBossuit, mort en 1692,
on trouve aussi ce sujet imité. C'est une Vénus toute
nue, montée sur le dieu Pan que l'Amour tire par un
licou (1). »
Si le souvenir de la mésaventure d'Aristote s'était
ainsi perpétué d'âge en âge, le fabliau du trouvère
normand avait fini par être oublié, jusqu'au moment
où le comte de Caylus le retrouva dans le ms. S. G.
1830 (maint. 19152). Dans son Mémoire sur les Fa~
(1) Legrand d'Aussy : Fabliaux ou contes... du XII^ et du
XIII^ siècle, éd. Renouard, 1829, t. I, p. 280-281.
XLVI INTRODUCTION
bliaux (1), daté de 1746, où ce critique porte un juge-
ment général sur ces productions légères de notre vieille
littérature, en fait ressortir les caractères et en apprécie
les mérites, il donne une place distinguée à l'œuvre
de Henri d'Andeli qu'il ne nomme pourtant pas. Il
trouve que ce fabliau, dont il présente l'analyse, ren-
ferme plus de critique, d'images et de philosophie que
la plupart des autres, indépendamment du choix des
acteurs qui sont plus intéressants ; il loue Fauteur de
s^étre gardé de l'obscénité trop fréquente à son époque;
il vante l'élégante description de la parure de la jeune
fille ; « le maintien coquet, dit-il, et les discours de la
belle sont aussi bien décrits que ceux du philosophe » ;
il loue un autre passage pour son « heureuse simpli-
cité (2) » ; il ajoute que ce fabliau est « un exemple
(1) Mémoire sur les fabliaux, par M. le comte de Caylus,
juillet 1746, dans les Mémoires de littérature tirés des
Registres de VAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres,
1753, t. XX, p. 362 à 364.
(2) Ibid., p. 371. — C'est dans cette analyse, exacte d'ailleurs,
et qui sent l'homme de goût, que Caylus a commis la singulière
méprise si souvent citée. A. propos de ces deux vers :
Or soiez demain en abé
Aus fenestres de celé tor,
il s'est imaginé que la jeune fille conseillait à Alexandre de se dé-
guiser en abbé et il ajoute : « Le choix de ce déguisement est
bizarre, j'en vois peu la raison. » Legrand d'Aussy cite ce passage
du comte de Caylus et s'étonne à son tour. « Cette mascarade
INTRODUCTION XLVII
assez plaisant par le fond et par les images dont les
détails ne déplairoient point dans l'original ».
On fut bientôt à même déjuger de la valeur de cette
appréciation ; trois ans après la publication du mémoire
du comte de Caylus, en 1756, Barbazan donna le texte
du Lai d'Aristote dans son recueil de fabliaux (1).
En 1779, Legrand d'Aussy (2) en fit, non une traduc-
tion, mais une imitation en prose, précédée d'un
préambule dont j'ai cité quelques passages. Il faut lui
savoir gré d'avoir popularisé les œuvres de nos vieux
poètes ; je lui reprocherai pourtant d'avoir parlé de ce
inutile ne se trouve, dit-il, ni dans l'édition qu'a donnée du fabliau
Barbazan, d'après le manuscrit cité par M. de Caylus, ni dans
deux autres versions un peu différentes de celle-ci que j'ai entre
les mains. » Pourtant Legrand d'Aussy connaissait le ms. dont
s'était servi de Caylus ; cependant il semble douter que le passage,
cause de la méprise, s'y trouve. Quoi qu'il en soit, celui qui le
premier a retrouvé au xviiie siècle et dignement apprécié nos
vieux fabliaux, mérite bien qu'on l'excuse et qu'on dise avec
M. V. Leclerc : « Les erreurs de ce genre sont trop faciles à com-
mettre pour qu'il ne soit que juste et prudent de les excuser. >
{Histoire litt. de la France, t. XXIII, p. 76.)
(1) Fabliaux et contes français des XII«, XlIJe, XI V« et
XV^ siècles; Paris, 1756, 3 v. in-12. — Méon a reproduit cette
édition dans celle qu'il a donnée en 1808, 4 v. in-S».
(2) Fabliaux ou contes des XJI^ et XJII^ siècles; Paris,
1779, 3 V. in-8o. — Une seconde édition de cet ouvrage a été
donnée en 5 vol. petit in-12; Paris, 1871, et une troisième par
A. -A. Renouard, en 5 vol. in-8°; Paris, 1829.
XLVIII INTRODUCTION
fabliau avec ce ton de légèreté dédaigneuse que le
xvm® siècle appliquait à notre ancienne littérature. A
propos de l'innocente et aimable bagatelle, il s'écrie
avec une hauteur un peu trop philosophique : « Au
reste, le fabliau qui va suivre fera voir que l'histoire
et la critique qu'elle exige étoient pour nos poètes des
choses fort indifférentes et qu'ils ne cherchoient souvent
qu'un nom célèbre auquel ils pussent coudre les extra-
vagances de leur imagination (1).,» L'histoire et la cri-
tique ont en vérité bien à faire ici, et, n'en déplaise à ce
sévère censeur, je me permettrai de trouver que l'imi-
tation, facilement écrite d'ailleurs, qu'il donne au lieu
du texte sans prendre la peine de le bien lire, puisqu'il
dit que la jeune fille délaissée par Alexandre alla
trouver elle-même son amant, est loin de valoir l'ori-
ginal, dont elle supprime plus d'un trait fin et gra-
cieux.
Je dirai de même qu'Imbert, qui a mis en vers
modernes le petit poème de Henri d'Andeli, ne peut
soutenir la comparaison avec le rimeur normand (2).
Quand le Lai d'Aristote eut été publié, les littérateurs
ne manquèrent pas d'y puiser des inspirations comme
l'avaient fait les sculpteurs du moyen âge. Le vendredi
11 août 1780, Barré et Piis firent jouer sur la scène de
(1) T. I, p. 280 de l'édition de 1829.
(2) Choix de fablicmx mis en vers, 1788, 2 vol. — Le Lai
d'Aristote se trouve dans le t. I, p. 157-170.
INTRODUCTION XLIX
la Comédie-Italienne un vaudeville intitulé Aristote
amoureux ou le Philosophe hridë. Les exigences du
théâtre avaient amené les auteurs à modifier la scène
principale. Orphale, la maîtresse d'Alexandre, ne
chevauchait pas le philosophe, mais se faisait traîner
par lui dans un char. Bachaumont, dans ses Mémoires
secrets (1), dit que « cette bagatelle a eu un succès dé-
cidé. » Mais quelque chose de véritablement amusant,
c'est l'indignation ressentie par l'austère critique de la
Correspondance de Grimm et de Diderot. Il s'étonne
que la police ait souffert qu'on mît au théâtre « ce sujet
scandaleux » qui nous montre « Aristote, le vénérable
Aristote, à l'Opéra-Comique, et dans quel avilissement
profond ! Il serait difficile, ajoute-t-il, de ne pas savoir
mauvais gré aux auteurs d'avoir dégradé à ce point la
philosophie et de nous avoir représenté en plein
théâtre le mentor le plus respectable de l'antiquité,
humilié, avili par une courtisane aux yeux de son dis-
ciple. Craint-on que la sagesse ait jamais trop de cré-
dit ? (2) » Voilà ce qu'on peut appeler un coup de massue
solidement asséné et il tient du prodige que le Lai d'A-
ristote se soit relevé d'un si terrible anathème.
La pièce intitulée le Tribunal domestique, dont
(1) Edit. de 1781, t. XV, p. 253-254.
(2) Correspondance littéraire, philosophique et critique
par le barou de Grimm et Diderot, seconde édition (2e partie),
t. V, p. 173-175.
L INTRODUCTION
parle Legrand d'Aussy (1), n'est qu'une imitation bien
éloignée du fabliau de Henri d'Andeli. Il en est de
même du Philosophe soi-disant de Marmontel (2) ; ce
philosophe ne cède pas comme Aristote, sans le vou-
loir, à la toute-puissance de l'amour ; c'est un sophiste
hypocrite et orgueilleux qui n'écoute que la vanité et
l'intérêt, quand, oubliant l'aimable Clarice pour lui
préférer la laide, mais riche présidente, il laisse cette
dernière lui attacher au cou un ruban couleur de rose.
Il serait trop long de parier ici de tous ceux qui, en
notre siècle, se sont occupés du Lai d'Aristote. Il n'est
pas une histoire littéraire, à commencer par celle de la
France (3), qui n'ait consacré au moins quelques lignes
à cette œuvre du trouvère normand. E.-H. Langlois,
dans ses Stalles de la cathédrale de Rouen, M. de
Guilhermy, dans la Revue générale de l'architecture,
1840, M. N. Beaurain, dans les procès-verbaux de
notre Société, Font exactement et finement analysée.
M. Antony Méray ne l'a pas oubliée dans la Vie au
temps des Trouvères ; mais pourquoi fait-il de la belle
Indienne « une blonde et railleuse fille de la Gaule ? (4) »
A ma connaissance, une seule imitation en a été faite
en notre temps : c'est le Char, opéra-comique en un
(1) Op. cit., t. I, p. 281.
(2) Œuvres complètes, in-S», 1818, t. III, p. 228-255.
(3) Hist. litt. de la France, t. XXIII, p. 76.
(4) P. 203.
INTRODUCTION U
acte et en vers libres, par MM. Paul Arène et Alphonse
Daudet, qui ont dédié leur œuvre irrévérencieuse au
vieil auteur du Lai d'Aristote (1).
La belle esclave Biiséis,
. . . . du pays Gaulois,
Pays de brume et de grands bois
Que parfois un rayon essuie,
a tourné les têtes du vieil Aristote et du jeune Alexan-
dre qui en oublie sa table de Pythagore. Le disciple
laissant son maître
Planté dans un clos d'orangers,
En train d'expliquer d'une voix sonore,
Les lois du monde et les nombres de Pythagore
A deux corneilles et trois geais,
accourt auprès de la jeune esclave et l'aide à étendre
sa lessive en lui dérobant mille baisers. Arrivée sou-
daine du grave philosophe qui s'indigne à ce spec-
tacle :
On voit ici des choses excessives :
Le grand Aristote laissé
Tout suant au bord d'un fossé,
Et le fils d'un grand roi qui sèche des lessives !
Il va écrire ce qu'il a vu au roi Philippe et exiler Bri-
séis en Scythie. Laissée seule avec Alexandre, la jeune
(1) La musique est de M. Paul Pessard. — Lç Char a été
donné pour la première fois, à rOpéra-<k>mique, le 18 janvier 1878.
ni INTRODUCTION
esclave promet de réduire Aristote à se taire. Elle
connaît trop bien les philosophes :
Amour sait dompter leur rudesse,
Et la trame de leur sagesse
S'effiloche bien vite entre deux jolis doigts.
Et, en effet, la coquette a bientôt mis à ses pieds l'aus-
tère moraliste. Pour prix d'un seul baiser, il consent
à prendre un harnais et à traîner dans un char la
jeune espiègle. Il sent bientôt que la charge est dou-
blée et entend derrière lui deux voix rieuses : Alexandre
est dans le char à côté de la jeune fille. Tout à coup, les
tambours et les trompettes annoncent l'arrivée de
Philippe, à la grande terreur du philosophe qui, crai-
gnant d'être surpris dans une posture si ridicule,
demande en grâce qu'on le débarrasse du licou ; il ne
l'obtient qu'à la condition de déchirer la lettre et de
donner la liberté à la belle Briséis.
C'est ainsi que du xiii« siècle jusqu'à nos jours, les
artistes et les littérateurs ont perpétué le souvenir de
ce conte charmant. Le petit poème du trouvère nor-
mand a joui d'une fortune que mainte oeuvre plus
sérieuse pourrait lui envier.
Le texte du Lai d'Aristote, publié d'abord par Bar-
bazan, a été reproduit en 1808 par Méon, t. III, p. 96
et suiv. de la nouvelle édition des Fabliaux et contes
français des XI", XIB, XIW, XIV^ et XV" siècles.
•"'>--**^-
INTROPUCTION LUI
III
LA BATAILLE DES VINS
Aujourd'hui que l'on recherche avec tant d'avidité les
moindres détails relatifs à cette époque du moyen âge
si curieuse à étudier, et, malgré tant de recherches,
encore si peu connue, la Bataille des Vins nous inté-
resse moins par sa valeur littéraire, qui toutefois n'est
pas à dédaigner, que par la nomenclature qu'elle ren-
ferme des principaux crus du temps. A cet égard, elle
nous satisfait plus amplement que quelques autres
poèmes consacrés également au vin et composés vers la
même époque. La pièce des Vins d'Ouan, par Guiot de
Vaucresson (1), est assez insignifiante; le Martyre de
Saint Baccus (2), écrit en 1313 par Geofi'roy, tout en
ne citant qu'un petit nomhre de crus, donne quelques
détails curieux sur la culture de la vigne et la fahrica-
(1) Recueil général et complet des fabliaux des XIII^ et
XI V^ siècles, publié par MM. Anatole de Montaiglon et Gaston
Raynaud, t. II, p. 140-144.
(2) Nouveau recueil des contes^ dits, fabliaux.... des XIJI'=,
XI V^ et ZFe«ec^es... misau jour...par A. Jubinal, 1. 1, p. 250-265.
LIV INTRODUCTION
tion du vin ; mais la Besputoison du Vin et de l'Iaue (1)
est une pièce vraiment intéressante par les jugements
que l'auteur y porte sur les vins les plus estimés de son
temps et qui s'accordent en général avec les apprécia-
tions de Henri d'Andeli. Là Bataille des Vins a le mé-
rite de nous faire connaître les noms de plus de soixante-
dix régions, villes ou bourgades, célèbres alors par
leurs vignobles. Quelques-uns de ces noms sont, il est
vrai, difficiles à identifier, parce que nous les trouvons
aujourd'hui portés par des localités différentes ; mais
l'œuvre dont il s'agit n'en est pas moins une source de
précieux renseignements pour quiconque voudrait étu-
dier cette partie si intéressante de l'agriculture au
moyen âge.
A ces œuvres de nos vieux poètes, il convient d'ajou-
ter certains traités en prose qu'on ne consulterait pas
sans profit. On a signalé depuis longtemps le traité dans
lequel Geoffroy de Vinsauf (2) enseigne l'art de greffer
(1) Nouveau recueil des contes, etc., par A. Jubinal, t. I,
p. 293-311. — Le même sujet a été traité plus tard, mais d'une
manière moins intéressante, par un autre poète (V. A. de Mon-
taiglon, Recueil de poésies françaises des XV^ et XVI^ siècles,
IV, 183). Du reste, la querelle de l'Eau et du Vin a servi de
thème à des chansons populaires que le peuple répète en divers
points de la France. Voir à cet égard Un débat chanté, article
de M. W. Smith, dans le n" 24 de la Romania, octobre 1877,
p. 596-598.
(2) Tractatus magistri Galfridi, continens in se breviter omnem
modum inserendi arbores aromaticas, fructus conservandi, vites,
vina cognoscendi, vinaque universa deteriorata formandi, acetum-
INTRODUCTION LV
les arbres aromatiques, de conserver les fruits, de
connaître les vignes, les vins, etc. Jofroi de Waterford
a traduit en français, au xm® siècle, sous ce titre Le
Segré des Segrez ou de Gouvernement de rois (1), un
traité latin, \e Secretum secretorurriy que beaucoup de
manuscrits nous ont conservé et dans lequel on retrouve
le traité de physiognomonie d'Aristote. Jofroi y a inséré
plusieurs chapitres relatifs au vin; je transcris ici,
pour qu'on puisse comparer ses jugements à ceux de
notre trouvère, le chapitre intitulé : De la diversetez
du vin solonc lesterrages ou les vingnes croissent (2) :
« Or vous ai contei de la diversitei du vin solonc sa
nature et son effait ; des ore mais avient a dire la diversi-
tez.de vin soIoac les terrages et la région ou les vignes
croissent ; dont fait a entendre que les vins qui sunt co-
munement en haus tertres sunt plus fort et plus cl ers que
les vins qui sunt de basse terre, et les vins qui croissent
ax sommet des montaingnes sunt fors et clers et entes-
tant, et les vins qui croisent ens es valées ont les con-
dissions contraires ; mais les vins qui croisent az pen-
que mutandi, et conditiones cujuscumque vini et cœterorum pre-
tiosorum liquorum vel pigmentorum faciendi, tam pro sanis quam
infirmis. — V. Hist. litt. de la France, t. XVIII, p. 311.
(1) Bibl. nat., F. fr., ms. 1822 (anc. 785633).
(2) Ib.y f. 113 v», col. Ire à 114 r» col. l^e. — Une phrase de ce
chapitre a été citée dans V Histoire littéraire de la France,
t. XXI, p. 220,
LVI INTRODUCTION
dans et sur la crupe de la montaingne plus valent, que
plus sunt atemprez, por ce qu'il ne sunt trop près ne trop
loing du solel et por ce le seoul est plus atemprez. Le vin
cum plus est meur, plus nourist, de quel terrage qu'il
soit, entant cum plus est verdet, tant plus estanche
soif; et touz vins de tant cum plus aprochent al orient,
tant sunt plus fors et ensi entendez vers plogol, et tant
cum plus aprochent ver occident et ver bise, tant resunt
plus fiebles, et por ce acunes terres sont en l'occident
et en bise que por defaute de chalor ne portent nul vin,
car trop sont eslongies du solel, si cum est Sasoingne
et Donemarche et Noreweghe et Yrlande, et por ce le
vin Grek et le vin de Cypre sunt si forz et si haut de
vin que moût sunt perrilhous a boire en grant quantitei,
s'ils ne soient bien atemprez et bien soifrent la quarte
ou la tierce partie d'eiwe. Tez vin, quant est pur, plus
vaut a médecine que a boire. Le vin vernache est de
milhor condition, car il est atempreement fort et flaire
très douchement ains qu'il viengne a la bouche, les
narines salue et conforte la cervelle, bien prent al
palais et point sans bleschier, al cuer donne joie et
leesche, et, courtement a dire, de tout vins ce est le
peruenke. Vins de Provence et de Gascoingne est aques
fort, mais sec est et très durement serré. Vin d'Achoire
est fort et aques moistes et aques serré et moût est de
maie qualitez; car, s'il est mellei, poi vaut, se il est
dessavorei, et, s'il ne soit mellei, trop grieve a la teste
qui moût en prent. Vin de la Rochelle bastart est fort
INTRODUCTION LVII
et sec et doue en savour, et très durement grieve qui
moût en boit a la teste et al cors, mais bonne délivrance
de ventre fait, pop quoi dient li fisecien que om le doit
boire a l'aler dormir. Vin françois est fiebles etmoistes
et nient ne grieve a la teste se ne soit par trop grant
forfait, bien fait oriner et bien estaint soif et maiement
le vin blanc. Le vin rouge d'Orliens et le vin blanc de
Saint Milion moût sont gentil, sucement font dormir
sens grevanche de teste ou de cors. Le vin rinois est
fort et moiste, et bien et sens violence lasque le ventre
et les boiaus et flaire doucement comme violette, et
celle odor apelle om bruscant, joie donne et leesce, et
se uns hom en fuist toz ivres, ja ne soi sentiroit le pire ^
après dormir. »
Ces appréciations de Jofroi de Waterford sont cu-
rieuses à rapprocher de celles qui ont été formulées au
xvi« siècle par le normand Julien le Paulmier dans
son précieux et rare Traité du Vin et du Sidre (1).
Les vins ont été au moyen âge, comme ils le sont
encore aujourd'hui, une des productions les plus impor-
tantes du sol de la France et une source abondante de
(1) P. 21 yo à 27 r» de l'édition française. — Julien le Paul-
mier avait publié son traité en latin sous ce titre : Julia/ni Pal-
marii de vino et pomaceo libri duo, Parisiis, G. Auvray, 1588.
Jacques de Cahaignes est l'auteur de la traduction française :
Traité du Vin et du Sidre, Caen, P. Le Chandelier, 1589. Il y
a inséré un chapitre intitulé : Apologie du Translateur contre
Vusage du vin et du sidre sans eau.
8
LVm INTRODUCTION
richesse pour le pays. Cultivés dans les régions qui
leur sont encore affectées et même dans les provinces
qui n'en produisent plus maintenant, en Normandie
par exemple, ils étaient l'objet d'un trafic considérable.
Nous voyons dans la pièce de Henri d'Andeli que les
vins d'Alsace et de la Moselle s'importaient en Alle-
magne et ceux de la Rochelle dans tous les pays du
Nord. Les belles recherches de M. E. de Fréville(l)et
de M. Ch. de Beaurepaire (2) sur le commerce de
Rouen au moyen âge, nous font connaître qu'ils furent
pendant longtemps l'objet principal du trafic de cette
ville, qui recevait par mer les vins de Guyenne et de
Gascogne, et par la Seine ceux de France etd'Auxerre.
Une étude générale sur les vignobles qui existaient
autrefois en France serait d'un haut intérêt. Legrand
d'Aussy l'a tentée dans son Histoire de la vie privée des
François (3) ; mais il s'est appuyé trop exclusivement
sur les ouvrages des trouvères, qui n'ont pu lui fournir
que des données insuffisantes. Tout en tenant grand
(1) Mémoire sur le commerce maritime de Rouen depuis
les tem>ps les plus reculés jusqv^à la fin du X VI^ siècle, in-8,
1857, pp. 108, 119-120.
(2) De la Vicomte de l'Eau et de ses coutumes aux XIII^ et
XlVe siècles, in-8, 1858, p. 18.
(3) Histoire de la vie privée des François depuis Vorigine
de la nation jusqu'à nos jours, par Legrand d'Aussy, nouvelle
édition avec des notes, corrections et additions, par J.-B.-B. de
Roquefort, 1815, t. II, p. 377-426, et t. III, p. 1-62.
INTRODUCTION UX
compte des jugements formulés par ces interprètes du
goût populaire et des faits qu'on pourrait puiser dans
divers ouvrages tels que ceux dont j'ai parlé plus haut,
on trouverait dans les archives bien consultées des
diverses provinces une source beaucoup plus abondante
de détails nécessaires à ce travail. MM. L. Delisle et
Ch. de Beaurepaire (1) en ont donné la preuve dans
leurs recherches sur les vignobles normands ; tant que
leur exemple ne sera pas suivi par les érudits des diffé-
rentes régions de notre pays, cette étude générale
demeurera impossible.
Une des choses qui nous surprennent le plus dans
l'œuvre de Henri d'Andeli, c'est la place distinguée
donnée aux vins français, c'est-à-dire à ceux que pro-
(1) M. L. Delisle : Etudes sur la condition de la classe agri-
cole et l'état de V agriculture en Normandie au moyen
âge, p. 419-470, in-8; Evreux, 1851. — M. Ch, de Beaurepaire :
Notes et documents concernant l'état des ca/mpagnes de la
haute Normandie dans les derniers temps du moyen âge,
p. 105-116, in-8; Evreux-Rouen, 1865. — Voir aussi M. Ch. de
Beaurepaire : Revue de Rouen, 1852, p. 57-64. — M. l'abbé Co-
chet : Culture de la vigne en Normandie {Revue de Rouen),
juin 1844, et Bull, de la Soc. d'Emul. de Rouen, 1844 ; Les
anciens vignobles de la Normandie {Revue de la Normandie,
1866). — A. Canel : Blason populaire de la Normandie, 1859,
t. l, p. 124-132. — De Bonnechose : Recherches historiques sur
les progrès de l'horticulture et de Vétude de la botanique dans
le Bessin {Mém. de la Soc. d'Agric, des Sciences, A rts et Belles-
Lettres de Bayeux, 1844), p. 197-249.
LX INTRODUCTION
duisait alors l'Ile-de-France (1). Les vignes de cette
province ne donnent plus aujourd'hui que des produits
très médiocres ; mais il n'en était pas ainsi autrefois,
et tous les témoignages s'accordent à le constater ; on
peut en voir un grand nombre dans V Histoire de la vie
privée des François oii Legrand d'Aussy s'est plu à
les réunir. On a attribué l'infériorité actuelle des vins
de cette région à un changement de climat, ce qui est
fort contestable ; on a dit encore que les perfectionne-
ments apportés à la culture de la vigne et à la fabrica-
tion des vins dans les autres provinces en ont amélioré
les produits, tandis que ceux de l'Ile-de-France restaient
stationnaires j cette raison pourrait faire comprendre
pourquoi ils sont inférieurs aux autres, mais non pas
pourquoi ils sont mauvais. M. Biot, dans un des ar-
ticles (2) qu'il a consacrés à l'examen de l'ouvrage de
M. L. Delisle, attribue à un changement de cépages la
mauvaise qualité des vins que l'on récolte maintenant
aux environs de Paris. D'après lui^ la variété cultivée
autrefois appartenait aux pineaux de Bourgogne qui
présentent deux inconvénients : celui d'être peu pro-
ductifs et celui de donner peu de raisin sur leurs bour-
geons adventifs quand les premières pousses ont été
(1) Au moyen âge, le nom de France s'appliquait souvent d'une
façon spéciale à l'Ile-de-France, domaine primitif des rois. Julien
le Paulmier (op. cit., p. 22 v.) emploie encore en 1589 les mots
« vins françois » dans ce sens restreint.
(2) Journal des Savants, 1851, p. 672.
INTRODUCTION LXI
détruites par les gelées du printemps. Les vignerons
des environs de Paris purent soutenir la concurrence
avec ceux des autres provinces tant que les communi-
cations furent difficiles ; mais, « à mesure que les arri-
vages par terre, surtout par mer, ont baissé de prix ,
les vins communs de la basse Bourgogne leur faisaient
une concurrence qu'ils ne pouvaient plus soutenir. C'est
pourquoi ils ont arraché tous les anciens plants qui
couvraient leurs coteaux, et les ont remplacés par
d'autres variétés de cépages tels que le gamai, le meu-
nier, qui, ne coûtant pas plus à cultiver, ont sur eux trois
avantages : d'être beaucoup plus productifs, moins dé-
licats, et de donner encore des bourgeons adventifs qui
portent fruit quand les autres ont été détruits par les
gelées. Les vins fournis aujourd'hui par ces nouveaux
plants sont toujours âpres, grossiers, voisinsdu vinaigre;
toutefois, leur abondance et leur bas prix satisfont les
producteurs ainsi que les consommateurs qui vont les
boire hors barrière. Voilà par quelle métamorphose les
vignobles de Suresnes et d'Argenteuil ont cessé d'être
dignes de leur ancienne réputation. »
Le texte de la Bataille des Vins a été publié pour la
première fois par Barbazan, en 1756, dans ses Fabliaux
et contes des poètes français des XP, XII^, XIII^,
XIV^ et XV^ siècles; Méon l'a reproduit dans son édi-
tion de 1808, t. I, p. 152. Legrand d'Aussy en a donné
la traduction dans ses Fabliaux ou Contes des XIP
et XIIP siècles édités par lui en 1779 et réimprimés
LXII INTRODUCTION
en 1829 par Renouard (1), Il n'a pas toujours bien
compris le texte qu'il traduisait, mais l'erreur la plus
singulière qu'il ait commise est assurément celle qui lui
a fait prendre le nom de l'auteur pour celui d'un cru
qu'il place dans le Quercy ou dans la Saintonge (2).
(1) T. III de l'édit. de 1829, p. 35-38.
(2) Ibid., p. 37, et note 8, p. 42.
INTRODUCTION T.XTTÏ
IV
LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
L'abbé de La Rue a révélé le premier l'existence de
la pièce dans laquelle Henri d'Andeli a rendu un
pieux hommage à la mémoire du chancelier de l'Eglise
de Paris, Philippe de Grève (1), mort le 26 dé-
cembre 1236. Il l'avait trouvée, pendant le séjour qu'il
fit en Angleterre de 1792 à 1797, dans le manuscrit
4333 (f. 98 ro, col. 2, à f. 100 r«, col. 1) de la Biblio-
thèque Harleïenne (British Muséum). Après en avoir
fait connaître brièvement le sujet dans la notice qu'il
(1) L'abbé de La Rue {Essais historiques swr les bardes, etc.,
t. III , p. 34) , dit à propos de cette pièce : « Le Dictié du
chancelier Philippe : c'est le récit des derniers moments de Phi-
lippe d'Antongny, chancelier de France... » Il a confondu Philippe
d'Antongny qui fut, sinon chancelier de France, du moins garde
du grand sceau, custostnagni sigilli (Du Gange, v. Cancellarius),
avec le chancelier de l'église de Paris, Philippe de Grève. A
l'égard de ce dernier, je crois utile de reproduire cette note de
M. P. Meyer {Romania, 1872, p. 192, n. 7) : « Je dis Philippe de
Grève pour me conformer à l'usage de mes devanciers, à com-
mencer par Fabricius, qui appelle notre chancelier Philippus
Grevius ; mais j'avoue que je n'ai trouvé ce surnom dans aucun
document ancien. »
LXIV INTRODUCTION
a consacrée à Henri d'Andeli, il en a cité 38 vers,
notamment ceux qui contiennent les dernières paroles
du chancelier, qu'il appelle si justement la prière
attendrissante d'un chrétien mourant.
M. P. Meyer a publié dans la Romania (1) le texte
de cette pièce, qui comprend 266 vers, en le faisant
précéder d'une étude (2) sur Henri d'Andeli et sur le
chancelier Philippe, où, après avoir examiné ce que
cette publication apporte d'éléments nouveaux à la
connaissance qu'on avait jusqu'alors de l'auteur et du
chancelier , il présente quelques considérations sur la
langue et la versification de Henri d'Andeli, et termine
par la description du manuscrit Harleïen 4333.
C'est dans cette pièce, composée après le 26 dé-
cembre 1236, que Henri d'Andeli nous fait connaître,
comme je l'ai déjà dit, sa qualité de clerc (v. 251). Il
dit encore (v. 224-257) qu'il n'a point appelé son œuvre
un flahlel,
Por ce qu'il est de vérité,
c'est-à-dire parce qu'il est, non une fable, mais un
récit véridique, et que voulant « qu'il soit bien recitez, »
il ne l'a pas écrit en tahlel, mais sur parchemin, ce
qui prouve qu'on avait encore, à cette époque, l'usage
d'écrire sur des tablettes de cire les ouvrages auxquels
on attachait sans doute peu d'importance.
(1) No 2, avril 1872, p. 210-215.
(2) Ibid., p. 190-209.
INTRODUCTION tTV.
Philippe de Grève n'était guère connu, jusqu'aux
dernières recherches de M. P. Meyer, que comme
théologien et comme sermonnaire. Les historiens (1)
qui s'étaient occupés de lui s'étaient surtout attachés
à mettre en relief les luttes opiniâtres qu'il soutint,
comme chancelier de l'église de Paris, contre l'Univer-
sité récemment fondée, contre les chanoines réguliers
de Sainte-Geneviève, et contre les Dominicains, pour
défendre les privilèges de l'évêque de Paris en matière
d'enseignement. M. P. Meyer^ s'appuyant sur le Dit de
Henri d'Andeli, sur la chronique de frère Salimbene
de Parme et sur plusieurs pièces trouvées par lui dans
le ms. Egerton, 274 (British Muséum), a fait ressortir
un côté peu connu de la vie de cet intéressant person-
nage : il a établi que Philippe de Grève peut être mis
au nombre des poètes latins rhythmiques et des
meilleurs du xiii* siècle.
Sur la foi de plusieurs manuscrits, on avait attribué
à Philippe deux chansons françaises. M. Meyer établit
qu'il est douteux que l'une d'elles lui appartienne, et
que, s'il est probable qu'il a composé l'autre, on ne
saurait pourtant l'affirmer. Mais ce qui demeure dé-
(1) V. DuBoullay, ffist. Univers. Paris., t. in,pp. 93-94, 123-
126, 142-143, 147-149, 154-155, 166, 709. — Crevier, Hist. de
r Université, t. I, pp. 287-291, 293, 345-349. — G. Dubois, Hist.
eccl. Paris., t. II, p. 345. — B. Hauréau, Notices et extraits des
mss., t. XXI, 2e partie, p. 185. — Hist. litt. de la France
(article de Daunou), t. XVIII, p. 184-191.
9
LTfl INTRODUCTION
sormais bien acquis, c'est qu'il composa des poésies en
langue romane; Henri d'Andeli le dit expressément
dans ces vers :
De toi mie ne se taisoit,
Mais sovent biaus dis en faisoit
Et en romans et en latin. (V. 143-145.)
Le Dit du chancelier Philippe est donc curieux à
plus d'un titre, et M. P. Meyer, en le publiant pour la
première fois, a bien mérité de ceux qui s'intéressent
aux monuments de notre vieille littérature.
INTRODUCTION LXVU
LA BATAILLE DES VH ARTS
La Bataille des VII Ars est la mise en action, sous
forme héroï-comique, de la lutte qui s'engagea, au
xni^ siècle, entre les écoles de Paris et celles d'Orl^ns,
à propos de l'enseignement de la logique et de la
grammaire. Elle a été composée après l'année 1236,
si toutefois le chancelier dont parle Henri d'Andeli et
qui était, dit-il, le meilleur clerc de France,
Quar c'ert li mieldres clers de France,
est bien, comme le suppose M. P. Meyer (1) avec
beaucoup de vraisemblance, ce Philippe de Grève,
qui, nommé chancelier de l'église de Paris en 1218,
mourut le 26 décembre 1236, et dont notre trouvère a
déploré la mort en termes si émus. Ce petit poème est
rempli de détails curieux sur l'état des études au
xiii^ siècle, et particulièrement sur les auteurs que les
maîtres lisaient et commentaient à leurs élèves. Il
me paraît nécessaire , pour qu'il soit bien compris , de
présenter quelques considérations préliminaires sur la
(1) Romania, n» 2, août 1872, p. 194, n. 2.
LXVm INTRODUCTION
marche et le développement des études jusqu'à l'époque
où il fut composé.
Pendant la première partie du moyen âge, on paraît
s'être attaché à suivre principalement les doctrines de
Quintilien dans l'enseignement de la grammaire. On
sait que le célèbre rhéteur romain attachait une grande
importance à cette étude ; il la considérait comme le
fondement sur lequel devait reposer l'éducation de
l'orateur, comme l'unique et indispensable préparation
à la rhétorique. Loin de regarder la grammaire, ainsi
qu'il le reproche à certains critiques, comme une
science vide et stérile, il pensait que c'était peut-être
la seule qui eût plus de réalité que d'apparence.
Quintilien ne renfermait pas d'ailleurs la grammaire
dans les limites où on la restreint aujourd'hui. Il la
divisait en deux parties : l'art de parler correctement
(recte loquendi scientia) et l'explication des poètes
(poetarum enarratio) (1). La première n'était autre
chose que la grammaire proprement dite ; la seconde
était un véritable cours de belles-lettres. Elle consistait
en des prélections, ou lecture préalable et interpré-
tation des auteurs ; le maître, en commentant les
poètes, enseignait à ses disciples la propriété des
termes, l'harmonie du style, l'art de la disposition, la
* convenance des idées, les diverses figures de mots et
de pensée, les qualités diverses de l'élocution. Quelques
(1) l)e Instit. orat., 1. I, c. IV et suivants.
INTRODUCTION LXIX
exercices de composition simples et faciles, l'étude de
l'histoire dans ce qu'elle a d'essentiel et non dans ses
particularités, de la musique qui enseigne le nombre
oratoire, de la géométrie qui apprend à raisonner,
complétaient la première instruction de l'enfant ;
le rhéteur enseignait bientôt, par l'étude des grands
maîtres de l'éloquence et d'une manière plus appro-
fondie, ce que le grammairien avait pu seulement
ébaucher.
La méthode de Quintilien fut appliquée dans les
siècles qui suivirent, et l'étude de la grammaire, telle
qu'il l'entendait, continua d'être la base de tout ensei-
gnement, tant dans les écoles de l'Italie que dans celles
de la Gaule, qui se constituèrent sur leur modèle.
Au V* siècle, la grande invasion survient ; des flots
de barbares inondent les provinces ; les écoles tombent
dans une rapide décadence ; le clergé, auquel les lettres
païennes étaient d'ailleurs suspectes, est gagné lui-
même par la barbarie ; une nuit épaisse s'appesantit
sur les intelligences, qui semblent frappées de stérilité.
Les lettres renaissent avec Charlemagne. En 787 ou
788, ce prince adresse aux évéques et aux abbés de son
vaste empire la circulaire, tant de fois rappelée, par
laquelle il les invitait à fonder des écoles. Lui-même
lutte de toutes ses forces contre la barbarie : il appelle
auprès de lui des savants étrangers, il réprimande et
punit les clercs illettrés, il encourage et récompense
ceux qui s'appliquent à l'étude, il fonde une école dans
LXX INTRODUCTION
son propre palais, il assiste avec ses fils et ses filles
aux leçons données par les maîtres qu'il y a réunis.
Le succès répond à ses efforts ; quelques grandes écoles
sont établies : en Germanie, celles de Corbie et de
Fulda ; en Gaule, celles de Fontenelle (Saint-Wan-
drille), de Saint-Martin de Tours, de Lyon, d'Orléans.
L'évêque Théodulfe, à qui l'on doit cette dernière,
ordonne même, dans un capitulaire justement célèbre,
de fonder jusque dans les moindres villages de son
diocèse des écoles où les prêtres enseigneront les
lettres aux jeunes enfants que les fidèles voudront leur
confier.
Mais une pareille réforme ne s'accomplit pas en un
jour. L'insouciance des successeurs de Charlemagne,
les désordres qui troublèrent leur règne et qui eurent
pour résultat le démembrement de l'empire et l'éta-
blissement de la féodalité, les invasions des Sarrasins
et surtout des Normands, l'indifférence des laïques
pour les choses de l'esprit, ralentirent l'impulsion que
Charlemagne avait donnée. Toutefois, l'Église ne cessa
de faire les plus louables efforts pour répandre l'ins-
truction ; de nouvelles écoles s'ajoutèrent à celles qui
avaient déjà été fondées, et nous voyons, au x® et au
xi« siècle, celles de Reims, de Liège, d'Angers, de
Chartres et de Laon, rivaliser avec leurs devancières.
Et maintenant qu'enseignait-on dans ces écoles?
Un grammairien latin, né en Afrique dans le v** siècle,
Martianus Mineus Félix Capella, avait eu l'idée de
INTRODUCTION T.TTT
réunir dans le cercle des sept Arts libéraux : gram-
maire, dialectique, rhétorique, géométrie, arithmé-
tique, astronomie et musique, ce qui lui paraissait l'en-
semble des connaissances humaines. Tel est l'objet de
l'ouvrage intitulé De Nujatiis Philologias et Mercurii
seu de septem liberalibus Artihus, livre mal écrit et
mal composé, ce qui ne l'empêcha pas d'être lu et
commenté avec ardeur pendant tout le moyen âge.
Cette classification encyclopédique, adoptée par Cas-
siodore et par Isidore de Séville, servit de base à l'en-
seignement d'Alcuin, Les sept Arts furent distribués
en deux groupes, qu'on appela le Trivium et le Qua-
drivium ; ils constituèrent deux cours d'études dont
l'un représentait particulièrement les lettres et l'autre
les sciences. Dans les écoles élémentaires qui furent
plus répandues à cette époque du moyen âge qu'on ne
le croit généralement (1), on se bornait à peu près « à
enseigner le Donest et à jecter (compter avec des
jetons), » c'est-à-dire à apprendre aux enfants la
grammaire et le calcul. L'enseignement des sept Arts
était réservé aux grandes écoles. On y commençait par
le Trivium, c'est-à-dire par la grammaire, la dialec-
tique et la rhétorique ; on passait ensuite aux quatre
(1) Voir, à cet égard, M. Ch. de Beaurepaire, Recherches sur
V instruction publique dans le diocèse de Rouen avant 1789,
ia-8», 1872, t. l,passim, etM. Siméon huce. Histoire de Bertrand
du Guesclin et de son époque. — La jeunesse de Bertrand,
in-8o, 1876, t. I, p. 15-17.
LXXII INTRODUCTION
arts qui composaient le Quadrivium ; on étudiait ainsi
les choses après avoir étudié les mots. Il ne faut ce-
pendant pas se faire d'illusion sur la valeur et la portée
de ce dernier enseignement ; il était généralement sans
étendue et sans profondeur ; il ne paraît même pas y
avoir eu de maîtres spéciaux pour enseigner chacun
des arts du Quadrivium. Ils perdent même en partie
leur caractère ; l'arithmétique se réduit au comput
ecclésiastique, l'astronomie dégénère en astrologie, la
géométrie est presque oubliée, la musique seule est plus
complètement étudiée, parce qu'elle est liée aux céré-
monies du culte. On enseignait ces arts en lisant et en
commentant soit les livres que Martianus Capella leur
a consacrés, soit quelque ouvrage spécial sauvé du
grand naufrage des lettres antiques.
La méthode herméneutique ou interprétative était
en effet la seule qu'on appliquât à l'enseignement. « Aux
écoliers de la classe de grammaire, on lisait Donat et
Priscien, et l'on accompagnait cette lecture d'un com-
mentaire : commentaire littéral ou digressif suivant
l'étendue des connaissances acquises par le maître ou
par ses élèves. Pour la rhétorique, on interprétait
quelques traités de Cicéron ou de Boëce. Ptolémée
servait aux leçons d'astronomie, et la philosophie
proprement dite était enseignée d'après les livres
d'Aristote Enseigner la grammaire, l'arithmétique,
la philosophie, se disait alors lire en philosophie,
légère in philosophia, lire en arithmétique et en
INTRODUCTION LXXUI
grammaire; on faisait même usage de cette locution
plus singulière encore, lire en musique, légère in
musica (1). »
La grammaire était le premier des sept Arts dans la
classification adoptée à cette époque ; on la considérait
comme le début nécessaire de l'enseignement, comme
le fondement de toute doctrine. Jusqu'au xm® siècle,
elle consista dans l'étude des notions élémentaires les
plus communes et des règles les plus nécessaires (2) ;
on suivait principalement Donat et Priscien, grammai-
riens du V® et du VF siècle, que l'on commentait en
s'attachant minutieusement et servilement à la lettre ;
comme le voulait Quintilien, on y joignait l'explication
des poètes. C'est ce que nous apprend un auteur du
X" siècle, Raban Maur ; il ne s'oppose pas à ce qu'on
lise les auteurs profanes, pourvu qu'on laisse de côté
tout ce qui ne peut servir aux dogmes chrétiens et
qu'on se garde bien surtout de scandaliser les faibles (3).
Cet enseignement, simple d'abord, se perfectionna
successivement et porta d'excellents fruits, comme il
est facile de le constater au xii® et auxiii^ siècle. Quand
môme un juge aussi compétent que Jean de Salisbury
(1) M. B. Hauréau, Philosophie scolastique dans le Diet.
des sciences philosophiques de Franck, 2^ éd., p. 1575.
(2) M. Ch. Thurot : Notices et extraits de divers ynss. latins
pour servir à l'histoire des doctrines gra/mmaticales au moyen
âge. — Not. etextr. des mss., t. XXII, 2« partie.
(3) De Inst. cler.,111, 18. Cité par M. Thurot, op. cit., p. 69.
10
LXXIV INTRODUCTION
ne nous vanterait pas l'habileté des maîtres célèbres
de l'époque, et principalement de Raoul et d'Anselme
de Laon, de Thierry, de Richard l'Evêque, qui devint
archidiacre de Coutances, de Guillaume de Couches et
de Bernard de Chartres (1), dont il fait un magnifique
éloge, les œuvres des humanistes qui sortirent de leurs
écoles suffiraient à nous Tattester. Jamais, pendant
tout le cours du moyen âge, les lettres latines ne bril-
lèrent d'un plus vif éclat. Les prosateurs et les poètes
de ce temps ont une connaissance étendue de l'anti-
quité ; les chefs-d'œuvre de la littérature latine leur
sont familiers; ils s'en inspirent habilement, ils les
citent à propos, ils pensent avec justesse, ils écrivent
avec goût. Pour les lettres latines, comme pour la litté-
rature romane, le xiii« siècle est le point culminant
du moyen âge. Cette supériorité, il la doit au solide
fondement sur lequel reposait jusqu'alors renseigne-
ment donné dans les écoles ; et Jean de Salisbury l'a
compris à merveille, quand, dans son Metalogicus qu'il
terminait en 1159, il prit la défense des études litté-
raires contre un novateur qu'il ne veut point nommer,
dit-il, par charité chrétienne et qu'il se contente de
désigner par le surnom de Cornificius (2). Il défend
contre lui la grammaire et la rhétorique injustement
(1) Metalogicus (éd. Migne), lib. I, c. V et XXIV, col. 832 et
833-836.
(2) Ihid., lib. I, c. II, col. 827.
INTRODUCTION LXXV
attaquées ; il lui reproche de jeter, sans préparation
suffisante, les esprits non encore formés au milieu de
ces controverses où il suffit de crier plus fort que les
autres pour arriver au premier rang, et de se préoccuper
d'obtenir plutôt des succès rapides que de solides résul-
tats, en bouleversant l'ordre suivi jusqu^alors dans les
études. Il ne méconnaît point la puissance de la dialec-
tique, mais il établit qu'elle ne peut servir que selon
la mesure des connaissances que l'on possède. Elle est
très utile, dit-il, à celui qui sait beaucoup ; elle ne sert
à rien à celui qui ignore : c'est le glaive d'Hercule
impuissant dans la main d'un Pjgmée ou d'un nain, et
qui renverse tout comme la foudre quand il est brandi
par le bras d'un Hector ou d'un Achille (1). Il faut à
l'esprit une nourriture plus substantielle, et c'est inter-
vertir l'ordre naturel des choses que de commencer
les études par ce qui doit les terminer. San s la connais-
sance préalable de la grammaire, comme le voulait
Quintilien, point d'études libérales possibles. On ne
peut pas plus, dit Jean de Salisbury, se livrer sans elle
à l'étude de la philosophie, que briller parmi les philo-
sophes, si l'on est sourd et muet (2) .
Jean de Salisbury constatait avec bonheur l'impuis-
sance des efforts tentés par les Cornificiens; il se fé.U-
citait de voir les meilleurs maîtres, contraints d'abord
(1) Metalogicus (éd. Migne), lib. II, c. IX, col. 866.
(2) Ihid., lib. I, c. XIII, col. 840.
LXXVI INTRODUCTION
de céder au courant qui les entraînait, revenir aux
saines traditions et aux bonnes méthodes. Qu'aurait-il
dit s'il avait pu prévoir que, à quelques années de là,
la dialectique régnerait sans partage, que sa forme
s'imposerait à tous les arts et en dénaturerait le carac-
tère ?
Pendant les premiers temps qui suivirent le réveil
des études, la dialectique, confondue toujours à cette
époque avec la logique, fut considérée seulement comme
une science accessoire, que Martianus Capella plaçait
après la grammaire etCassiodoreapreslarhetorique.il
n'en fut plus de même quand, d'un passage de VIsagoge
de Porphyre, naquit le problème des universaux. Les
querelles des nominalistes et des réalistes passionnèrent
tous les esprits; on se mit à étudier avec une ardeur
sans pareille les seuls écrits d'Aristote que l'on connût
alors par les traductions et les commentaires de Boëce,
les Prédicaments (Rarriyoptat), et le livre de Y Inter-
prétation (Trepi 'EpjMvjvetaç) ; on prétendit s'élever par
la dialectique seule à la connaissance de la métaphy-
sique, et l'intérêt qu'inspiraient ces importants pro-
blèmes fit négliger les autres études : on les abandonna
pour s'empresser autour des chaires des dialecticiens.
Vainement la théologie se défendit contre Tinvasion
d'une doctrine dont les hérésies de Bérenger de Tours
et de Roscelin de Compiègne lui montraient le danger ;
elle fut impuissante, et bientôt la dialectique lui imposa
sa forme comme à tout le reste.
INTRODUCTION LXXVII
Dès lors l'étude de la grammaire et des auteurs fut
négligée comme indifférente. La dialectique absorba
toute l'activité des intelligences : n'était-ce pas par elle
qu'on abordait l'étude de la théologie aussi bien que
celle du droit civil et du droit canon récemment im-
portée d'Italie ? Les clercs, pauvres pour la plupart,
qui accouraient de tous les pays de l'Europe dans cette
grande Université de Paris que venait de fonder
Philippe-Auguste, pouvaient-ils, pressés de parvenir,
consacrer de longues années à des études qu'ils consi-
déraient comme stériles, tandis que s'offrait à eux un
moyen plus rapide d'arriver aux honneurs et aux
dignités, récompense ordinaire de ceux qui se faisaient
un renom de dialecticien dans les controverses théolo-
giques ? L'élan fut plus grand encore quand, au com-
mencement du XIII® siècle, on connut des ouvrages
d'Aristote jusqu'alors ignorés: la Physique, la Méta-
physique, le traité de l'Ame, les Analytiques, l'Ethique,
la Politique, que des Juifs espagnols venaient de tra-
duire d'arabe en latin. Proscrit d'abord par l'Eglise, le
philosophe grec finit par triompher de sa résistance, et
l'on se jeta avec plus d'ardeur que jamais dans l'étude
des problèmes nouveaux qui venaient s'ajouter aux
anciens.
Au milieu de cet engouement pour la dialectique qui
s'empara de tous les esprits, il est curieux de voir ce
que devint la grammaire ; car, si elle ne conserve plus
le rang qu'on lui assignait jadis, elle ne cesse cepen-
LXXVIII INTRODUCTION
dant pas d'être étudiée, et c'est même à cette époque
qu'Evrard de Béthune et Alexandre de Villedieu com-
posent le Grecismus et le Doctrinale puerorum, sortes
de manuels métriques qui remplacèrent dans les écoles
les ouvrages de Donat et de Priscien (1) .
L'enseignement de la grammaire change entière-
ment de caractère : l'explication des auteurs est aban-
donnée (2) ; si l'on trouve leurs noms cités dans les
ouvrages didactiques, c'est seulement à l'occasion des
exemples qu'on leur emprunte pour appuyer les règles.
Les grammairiens antérieurs au xii^ siècle, Smaragdus,
Rémi d'Auxerre, Baudry de Bourgueil, Pierre Hélie,
Paul le Camaldule, s'étaient surtout attachés à l'étude
des faits "grammaticaux et ne s'étaient livrés que bien
rarement à des considérations métaphysiques (3). Le
contraire arrive désormais. La métaphysique et la
dialectique envahissent la grammaire.
Sans doute, la grammaire tient par des liens étroits
à la logique ; le langage est l'expression de la pensée,
et ses lois générales ne sont pas autre chose que celles
de l'esprit humain. Les grammairiens de l'époque le
comprirent, et c'est un honneur pour eux de s'être
(1) M. Thurot, op. cit.. p. 101.
(2) Du moins dans les écoles plus élevées ; dans les écoles infé-
rieures, on épargnait en général aux enfants, jusqu'à l'âge de
12 à 13 ans, l'attirail de la discussion scolastique.
(3) M. Thurot, op. cit., p. 69.
INTRODUCTION LXXIX
élevés à la conception de la grammaire générale. Mais
ils eurent le tort de ne pas distinguer ce qui est néces-
saire de ce qui n'est qu'accidentel, et de traiter la
grammaire tout entière comme une science spéculative.
Les faits les plus simples et qui résultent d'un usage
conventionnel et arbitraire, ils prétendirent les expli-
quer par une cause nécessaire. Si, par exemple, tel
verbe régit l'accusatif, ce n'est pas un simple fait qu'il
ne s'agit que de constater, il y a à cela une raison qu'ils
appellent vis transitionis (1) et qu'il faut justifier ; il en
est de même si une préposition régit tel cas plutôt que
tel autre. De là ces modi significandi dont ils ont tant
abusé au grand préjudice de la science véritable, et par
lesquels ils prétendaient expliquer métaphjsiquement
tous les faits même les plus élémentaires.
Il est difScile de se faire une idée du degré d'absur-
dité auquel aboutirent les subtilités des grammairiens.
Je puis en citer quelques exemples curieux tirés de
gloses sur le Doctrinal, qui appartiennent au xiii® et
au xiv" siècle (2).
Veut-on savoir pourquoi les verbes latins, à la pre-
mière personne du présent de l'indicatif, se terminent
en 0 plutôt qu'en toute autre lettre, en a par exemple,
(1) M. Thurot, op cit., p. 244.
(2) J'emprunte ces exemples aux belles recherches de M. Ch.
Thurot sur Y Histoire des théories grammaticales au moyen âge y
ouvrage qu'on ne saurait trop recommander à ceux qui s'inté-
ressent à ces questions.
LXXX INTRODUCTION
qui est la plus digne de toutes les voyelles, puisqu''elle
est la première ? En voici la raison : tout ce qui est
rond est mobile, d'après Boêce, et toute action consiste
dans le mouvement, d'après l'auteur des Six Prin-
cipes; 0, dont la forme est ronde, a plus de rapport
avec le mouvement et par conséquent avec l'action, et
voilà pourquoi il marque au lieu de a la forme de l'ac-
tif. Et le passif, pourquoi se termine-t-il en r, car il
devrait se terminer en p, puisque cette lettre suit
immédiatement l'o, comme la passion suit immédiate-
ment l'action ? Ce qui est passif éprouve quelque chose
de rude; or, r est la lettre qui, de toutes, a le son le
plus rude, donc le passif devait se terminer par la
lettre r (1).
Une autre glose se demande pourquoi le genre de
dies est douteux, car ce mot est employé indifférem-
ment au masculin et au féminin. Le glossateur part de
ce principe que le masculin est le genre actif et le
féminin le genre passif, et il raisonne ainsi : Lies est
actif puisqu'il chasse la nuit; il est également passif
puisqu'il est ensuite chassé par elle. Jusque-là, tout
marche à souhait et l'on serait bien difficile si l'on
n'était pas convaincu par ce beau raisonnement. Mais
voici une difficulté : comment se fait-il que nox ne soit
que du féminin, car la nuit^ elle aussi, est active en
chassant le jour et passive en étant chassée par lui ? La
(1) M. Ch. Thurot, oj^. cit., p. 201-202.
INTRODUCTION LXZXI
question est grave, mais le glossateur ne s'embarrasse
pas pour si peu ; si ce n'est pas la dialectique, ce sera
la Bible qui viendra à son aide. La nuit, répond-il,
n'est pas le contraire, mais le quasi-contraire du jour ;
elle est du féminin, c'est-à-dire du genre passif, parce
que d'abord tout était ténèbres, comme le dit Moïse
dans la Genèse. Ces ténèbres étaient passives par rap-
port au mouvement du firmament et des étoiles ; or, la
nuit n'est pas autre chose que les ténèbres ; flonc la nuit
devait être du genre féminin (1).
Les noms des arbres et des plantes sont du féminin
en latin, et pourtant dumus et rubus sont du masculin.
Pourquoi? Parce qu'ils font une action en déchirant les
vêtements (2). Pourquoi a-t-on fa.it fluvius du mascu-
lin? Parce qu'il accomplit une action en battant ses
rives d'un mouvement continu.
Faut-il maintenant s'étonner des attaques dirigées
parles savants delà Renaissance contre les grammai-
riens du moyen âge. Laurent Valla, Sintheim, Badius,
Erasme, Despautère (3), n'ont-ils pas rendu à la raison
ses droits méconnus, quand ils ont proscrit ces vaines
recherches, ces modi signiflcandi, par lesquels on pré-
tendait rendre raison de toutes choses, sans réussir à
(1) M. Ch. Thurot, op. cit., p. 202-203.
(2) Ibid., p. 203.
(3) Voir les passages de ces auteurs cités par M. Ch. Thurot,
op. cit., pp. 491-492 et 496-499.
11
LXXXn INTRODUCTION
rien qu'à jeter l'obscurité dans les questions les plus
simples ? Que ne cherchait-on à constater les faits au
lieu de vouloir les expliquer et les justifier ? L'intru-
sion de la dialectique et de la métaphysique dans un
domaine qui leur est étranger ne pouvait aboutir, et
n'aboutit, en effet, qu'à d'inutiles résultats sans aucun
profit pour la science.
Pendant que la révolution qui vient d'être exposée
s'opérait à Paris au profit de la dialectique, les écoles
d'Orléans étaient restées fidèles à la méthode d'ensei-
gnement appliquée jusqu'alors à la grammaire, et sur-
tout à l'étude et à l'explication des auteurs. L'opposi-
tion entre les deux villes est clairement marquée dans
ce passage d'Hélinand, moine de Froidmont, cité par
D. Brial(l) : « On va à Paris pour s'instruire dans les
arts libéraux, à Orléans pour étudier les auteurs
classiques, à Bologne pour apprendre la jurisprudence,
à Salerne la médecine, à Tolède la magie, et nulle part
on n'a ouvert des écoles pour former les mœurs. —
Ecce quaerunt clerici Parisiis artes libérales, Aurelia-
nis auctores, Bononiae codices, Salerni pyxides, Toleti
daemones, et nusquam mores. » — Un poète latin de
la fin du xu« siècle, l'Anglais Geoffroy de Vinsauf, s'ex-
prime à peu près dans les mêmes termes (Poetria
nova) :
(1) Hist. litt. de la France, t. XVIII, p. 95. — Hélinand
mourut après 1229.
\
INTRODUCTION T-TTyin
In morbis sanat medici virtute Salernum
^gros. In causis Bononia legibus armât
Nudos. Parisius dispensât in artibus illos
Panes unde cibat robustes. Aurelianis
Educat in cunis auctoriun lacté tenellos.
Alexandre Neckam (mort en 1217) vante en ces
termes (1) les écoles d'Orléans et les poètes qu'elles pro-
duisaient : « Le Parnasse ne saurait se comparer à toi,
noble ville d'Orléans ; devant toi s'humilie le double
sommet du Parnasse. Je ne pense pas que nulle part
ailleurs les vers des Piérides soient mieux expli-
qués (2). *
Jean de Garlande n'est pas moins explicite; voici
comment il s'exprime dans l'invocation qui précède
son poème intitulé Ars lectoria Ecclesiœ, qu'il composa
à Paris, en 1234 : « Aidez-moi, illustres poètes que la
renommée compare à l'or, vous que la ville d'Orléans
attire à elle de tous les points de l'univers, vous dont
se glorifie la fontaine d'Hippocrène. Dieu vous a choisis
pour soutenir l'édifice de l'éloquence qui est ébranlé
dans ses fondements, car la langue latine se vieillit;
le verdoyant jardin des auteurs s'est desséché et le
(1) De laudibus divinœ sapientiœ, v. 607.
(2) J'emprunte les traductions de ce passage et du suivant à
M. Léopold Delisle, Les écoles d'Orléans au XI1« et au XIII^
siècle. — Annuaire~Bulletin de la Société de l'histoire de
France, 1869, p. 146.
LXXXIV INTRODUCTION
souffle jaloux de Borée a brûlé la prairie émaillée de
fleurs. >
L'éclat que jetait l'école d'Orléans depuis plusieurs
siècles justifie ces éloges. Fondée par l'évêque Théo-
dulfe, elle avait déjà produit avant 1200 un grand
nombre d'hommes distingués (1). Les écoles des monas-
tères de Saint-Benoît à Fleury- sur-Loire et de Mici
n'étaient pas moins célèbres. A Orléans l'étude de la
grammaire et des auteurs avait toujours été florissante ;
elle s'y maintint, quand, à Paris, la passion pour la
dialectique vint porter un coup si funeste aux études
littéraires. M. Thurot semble en avoir trouvé la véri-
table cause. Il remarque que les écoles d'Orléans
« paraissent avoir ressemblé beaucoup plus à celles de
l'Italie qu'à celles du nord de la France » et qu' « elles
tenaient plus de Bologne que de Paris (2). » Or, à cette
époque, existaient déjà à Orléans des écoles de droit
où l'enseignement était donné par des maîtres qui,
souvent, allaient puiser en Italie les éléments de leur
science. Ces écoles étaient organisées sur le type de
l'Université de Bologne ; le même esprit devait y régner
et répandre autour de lui son influence. « A Bologne,
(1) Du BouUay, Hist. Univers. Paris., t. I, p. 521. — Voir
aussi : M. L. Delisle, Les écoles d^ Orléans, etc., p. 139-148,
et M"e A. de Foulques de Villaret, V Enseignement des lettres
et des sciences dans V Orléanais, etc., lS15,passiin.
(2) M. Ch. Thurot, op. cit., p. 114, Q- 2.
INTRODUCTION LXXXV
dit M. Gh. Thurot, tout était subordonné au droit. Or
l'étude du droit était particulièrement liée avec la rhé-
torique, avec l'art de rédiger des actes et des lettres,
qu'on appelait Ars dictandij Ars dictaminis, et qui
était enseigné parles grammairiens. Déjà, au xn* siècle,
le camaldule Paul joignait à un traité de grammaire
et de versification des préceptes sur la manière d'écrire
des lettres fintroductiones dictandij . ... On n'étudiait
la grammaire qu'au point de vue de parler et d'écrire
correctement le latin, on s'inquiétait peu des théories
grammaticales et de l'explication des faits (1). »
C'est aussi le caractère de l'enseignement donné à
Orléans. Là aussi, la grammaire est la préparation à
l'étude de la rhétorique; là aussi, on s'exerce à la pra-
tique du style épistolaire, comme l'attestent plusieurs
Ars dictandi, Ars dictaminis, qui furent composés
spécialement ou remaniés par leurs auteurs pour les
écoles de cette ville (2). Un Florentin, qu'on croit avoir
appartenu à l'école de Bologne, attribue même aux
maîtres d'Orléans l'invention d'un nouveau nombre
oratoire fondé sur la théorie des spondées et *des dac-
tyles accentués, et il l'appelle stylus gaîlicus, faisant
ainsi des expressions style de France et style d'Orléans
des termes à peu près synonymes (3).
(1) M. Thurot, op. cit., p. 91-92.
(2) M. L. Delisle, op. cit., p. 140-143.
(3) M.L.DelisIe, op.oit., p.l43,etM. Thurot, op.cit., p.483-485.
LXXXVI INTRODUCTION
L'étude de la poésie latine n'était pas moins cultivée
que l'art d'écrire en prose. Dans les écoles, on lisait et
on expliquait les poètes les meilleurs de l'antiquité
classique : Virgile, Ovide, Lucain, etc.; un des profes-
seurs d'Orléans, Arnoul le Roux, composait des gloses
sur la Pharsale, sur l'Art d'aimer, les Remèdes d'a-
mour, les Pontiques et les Fastes (1). Les humanistes
s'inspiraient de ces grands maîtres dans leurs essais
de versification latine. Mais si l'éclat de cet enseigne-
ment attirait un grand nombre d'étudiants et valait
aux maîtres d'Orléans une réputation méritée, il exci-
tait, en revanche, la jalousie des écoles rivales, qui ne
ménageaient pas leurs attaques. Ce n'étaient pas
seulement les dialecticiens qui déclaraient la guerre
aux Orléanais pour une diversité de méthode; les théo-
logiens et les esprits chagrins leur reprochaient d'alté-
rer la pureté de la foi chrétienne en infectant l'esprit de
leurs disciples par les mensonges de l'antiquité païenne.
On n'était plus au temps où le pape Grégoire le
Grand proscrivait entièrement l'étude de cette anti-
quité, où un archevêque de Rouen, saint Ouen, ne
voyait dans les plus aimables fictions de la poésie que
des sottises de poètes criminels, sceleratorum neniœ
poetarum (2) ; mais les poètes anciens inspiraient en-
(1) M. L. Delisle, ojp. cit., p. 144-145.
(2) Vita S. Eligii, lib. I, p. 77, dans le t. II du Spicilegium
de Dachery.
INTRODUCTION LXXXVU
core une certaine méfiance parfois justifiée, parce que
les maîtres ne choisissaient pas toujours avec assez de
réserve les passages qu'ils faisaient étudier à leurs
disciples. C'est ce qui explique les violentes accusations
que nous voyons dirigées contre l'orthodoxie des
Orléanais.
Dans le prologue de son Ecclesiale, Alexandre de
Villedieu, commentant ces paroles d'Ezéchiel : Nos
pères ont mangé des raisins verts et les dents de leurs
enfants se sont agacées, comparait à ces raisins verts
l'éducation païenne qui apprenait à la jeunesse à con-
naître Phébus, Vénus, Jupiter et Bacchus, et s'appli-
quait à les glorifier en composant des livres en l'hon-
neur des faux dieux. « La grâce céleste, jyoutait-il, a
écrasé ces raisins verts, et la foi chrétienne a chassé bien
loin ces vaines idoles..., mais il reste encore beaucoup
trop de disciples de cette secte, et les maîtres n'ont pas
renonce à de telles erreurs. Orléans nous enseigne à
sacrifier aux dieux, en nous faisant connaître les fêtes
de Faune, de Jupiter et de Bacchus ; c'est, au témoi-
gnage de David, la chaire de pestilence, oii jamais ne
s'est assis l'homme saint, fuyant la doctrine perni-
cieuse qui se répand parmi nous comme une maladie
contagieuse. » Puis, jouant sur le nom de Pierre Riga,
auteur de l'Aurora ou Bible versifiée, il continuait
ainsi : « Il a voulu purifier notre cœur et notre bouche
ce Pierre Riga qui a arrosé (rigavit) le clergé d'une
eau vivifiante, et nous a nourris d'un doux miel tiré
LXXXVIII INTRODUCTION
de la T^ierrefpetraJ, en dégageant des simples récits de
la Bible le sens symbolique... A l'Orléaniste la route
du paradis ne sera pas ouverte, s'il ne change pas de
langage. Que ce changement vienne donc, pour que
nous puissions nous désaltérer au triple fleuve et
garder la foi du Dieu triple et un (1). »
Un professeur de l'école de Bologne, Boncompagnus,
n'est pas moins sévère. Au début de son livre des
Douze Tables, il dit que son but est de ramener aux
usages des saints pères, de la cour romaine et de la
cour impériale, les écrivains qui se laissent séduire
par les fausses et superstitieuses doctrines des
Orléanais (2).
Telle était la situation des écoles de Paris et de
celles d'Orléans à l'époque oii Henri d'Andeli composa
sa Bataille des VII Ars, qui vient, d'une manière si
vive et si pittoresque, confirmer et compléter les ren-
seignements qui nous sont donnés par d'autres sources.
Je ne ferai pas l'analyse de cette pièce que Legrand
d'Aussy a mise en prose moderne avec assez d'exacti-
tude; le lecteur me saura gré de laisser à cette œuvre
la saveur piquante du vieux langage. Je me bornerai
ici à quelques réflexions et je réserverai pour les notes
placées à la suite les explications les plus nécessaires.
L'empire que la Logique ou Dialectique (car on ne
(1) M. Ch. Thurot, op. cit., p. 114-115.
(2) M. L. Delisle, op. cit., p. 143.
INTRODUCTION LXXXIX
les distinguait pas à cette époque) exerçait dans les
écoles de Paris sur tous les arts et toutes les sciences
est fortement accusé dans le poème de notre trouvère,
ainsi que l'abandon dans lequel on laissait la gram-
maire. Logique a les clercs pour elle, et Grammaire est
dédaignée fest mise au mains); elle n'a plus d'autres
partisans que les grammairiens et les auteurs. Tous
les arts sont enrôlés dans l'armée de Logique ; les
sciences dont l'étude était nouvelle alors, droit civil,
droit canon, médecine, chirurgie, bien qu'elles ne
prennent pas une part directe au combat, suivent
pourtant son étendard. La Théologie elle-même était
sortie de Paris pour venir à la rencontre du parti de
Grammaire ; elle y retourne bientôt pour ne point as-
sister à ces luttes profanes, mais l'auteur lui reproche
néanmoins d'avoir abandonné la droite clergie et
tourné à la philosophie ; il blâme les areiens d'avoir
délaissé les auteurs pour ne plus lire que les livres de
nature et de s'être faits les adversaires de la bone an-
cienetez. Quant à lui, il prend parti pour la grammaire
telle qu'on l'enseignait au temps de sa naissance ; il
regrette, il est vrai, que les auteurs aient mêlé tant de
fables à leurs vérités, mais il pense que leur étude peut
seule préparer les esprits à recevoir une instruction
solide ; en toute science, dit-il, le maître qui n'entend
pas bien ses pars (parties du discours) n'est qu'un ap-
prenti. La Logique fait plutôt illusion par son appareil
d'argumentation qu'elle ne possède de force réelle.
12
XO INTRODUCTION
Lorsqu'il nous la montre, dans l'ardeur de la lutte,
mettant en lambeaux sa robe dont les manches seules
recouvrent alors ses bras, il la compare plaisamment à
un couteau sans lame et ajoute :
De ses bras nous fet aparence,
Sor le cors n'a point de substance.
Et pourtant c'est de la Logique qu'on prétend nourrir
les jeunes intelligences non encore formées; eUe est
maintenant en vogue : on l'enseigne aux garçons qui
n'ont pas encore quinze ans ; Logique veut les faire voler
avant même qu'ils puissent marcher, dit-il finement, en
nous montrant la déconvenue de ce jeune messager qui,
envoyé par elle à sa rivale pour traiter de la paix, s'en
revint, a grant meschief^ sans avoir pu entendre la
reson des presenz ne des preteriz, conjugacions anor-
males, etc., pour avoir trop peu demeuré en la maison de
dame Grammaire. En lisant ce joli passage, on songe
aux critiques que Jean de Salisbury, près d'un siècle
auparavant, adressait aux novateurs de son temps ; il
les montrait ne gardant pas leurs disciples dans les
écoles plus longtemps qu'il ne faut aux petits oiseaux
pour se couvrir de plumes ; il raillait ces nouveaux
maîtres s'envolant de leurs bancs aussi promptement
que les oiseaux quittent leurs nids(l). Henri d'Andeli
(1) Jean de Salisbury. Metalogicus, 1. I, c. III, édit. Migne,
col. 849.
INTRODUCTION XCI
pensait que cet engouement pour la Logique n'était que
passager : li siècles vait par vaines^ dit-il en termi-
nant, et dans trente ans de nouvelles gens viendront
qui recourront comme autrefois à la grammaire.
Ce qui nous rend encore la Bataille des VII Ars par-
ticulièrement intéressante, ce sont les renseignements
que nous y trouvons sur les auteurs que l'on étudiait
dans les écoles de Logique et surtout dans celles de
Grammaire. Les philosophes et les auteurs anciens
enrôlés dans l'armée de la Dialectique sont Aristote,
dont les principaux ouvrages personnifiés figurent par-
mi les combattants, Platon, Socrate, Porphyre, Boëce
et Macrobe ; ils sont tous Grecs, à l'exception des deux
derniers ; mais il est bon de rappeler qu'on ne les étu-
diait pas alors dans leur langue; on ne les connaissait
que par des traductions latines faites sur les originaux
comme celles de Boëce, ou sur des versions arabes.
Socrate, on le sait, n'a laissé aucun ouvrage ; il n'est
cité là que sur sa haute réputation, ou plutôt parce que
son nom revenait sans cesse dans les exemples dont se
servait l'argumentation scolastique(l).Un seul ouvrage
appartenant au moyen âge figure à côté des œuvres des
philosophes anciens, le Sex Principia de Gilbert delà
Porrée, que l'on regardait comme le complément indis-
pensable des Prédicaments (Catégories) d' Aristote. Le
(1) Voir plus loin la note sur le vers 264 de la Bataille des
VII Ars.
XCn INTRODUCTION
V. 99 nous apprend encore que les œuvres des méde-
cins grecs Hippocrate et Galien, connues aussi par
l'intermédiaire des Arabes, servaient de base à l'ensei-
gnement de la médecine.
Dans l'armée de Grammaire, nous voyons d'abord
les grammairiens anciens Priscien et Donat, dont le
livre du Barbarisme a passé par trahison dans l'ar-
mée de Logique, allusion plaisante au stjle peu correct
des logiciens, puis le Grécisme {Agrecime) d'Evrard de
Béthune et le Doctrinal d'Alexandre de Villedieu, que
l'auteur appelle les deux neveux de Priscien, parce
que le fond de ces deux grammaires en vers latins
techniques était emprunté à son traité ; enfln^ Martia-
nus Capella, qui, dans son ouvrage De Nuptiis Philo-
logiœ et Mercurii, avait établi la fameuse classification
des sept Arts reproduite dans le Trivium et le Ouadri-
vium.
Quant aux auteurs proprement dits, ce sont : 1° des
poètes appartenant à l'antiquité païenne : Homère, Clau-
dien, Perse, Juvénal, Horace, Virgile, Lucain, Stace,
Térence, Ovide, Sénèque, Caton, Avienus; 2° des
poètes chrétiens du v« et du vi' siècle : Sedulius, saint
Prosper, Prudence, Arator ; 3° des poètes contempo-
rains : Jean de Hautville {Archithrenius), Mathieu de
Vendôme (Tobiade), Gautier de Châtillon (Alexan-
dréide), Pierre Riga [Aurora), Alain de Lille {Anti-
Claudien), Primat d'Orléans et Bernardin le Sauvage.
L'auteur mentionne aussi un Pamphile, qui composa
INTRODUCTION XCTtl
l'élégie amoureuse souvent citée au moyen âge et
connue sous la titre de Pamphilus de amore ou de
Pamphiîi liber de amore inter Pamphilum et Gala-
team.
Legrand d'Aussy a donc eu tort de dire que « parmi
les héros de l'armée orléanaise, Henri ne compte que
deux versificateurs latins de son temps, l'auteur du
Grecismus et aelui an Doctrinale puer or um, ce qui fait
présumer qu'il n'y avait que ces deux ouvrages moder-
nes employés dans les écoles d'Orléans. » Homère n'est
pas non plus, comme il le croit, le poète grec, « mis-
là... sur sa renommée. » On désignait sous ce nom, au
moyen âge, l'auteur inconnu de l'abrégé en vers latins
de la Guerre de Troie. Il dit encore, et cette interpré-
tation a été adoptée par Jubinal : « Parmi les poètes
françois, il (l'auteur) n'en cite qu'un seul : c'est Sau-
vages, l'auteur du Doctrinal. » Je crois, pour ma part,
que Bernardins li Sauvages ne représente point ici l'au-
teur du petit poème en vers français qui nous a été
conservé sous le titre de Doctrinal le Sauvage, mais
que son nom est la traduction de celui de Bernardus
Silvester qu'on identifie d'ordinaire avec Bernard de
Chartres (1). Je renvoie, d'ailleurs, aux notes pour les
renseignements que je donne sur ces auteurs, ainsi que
sur les personnages contemporains cités par Henri d'An-
deli, sur ceux du moins que j'ai pu arriver à connaître.
(1) Voir la note but le vers 328.
XCIV INTRODUCTION
Legrand d'Aussy a donné, en négligeant plus d'un
détail, la traduction en prose de la Bataille des VII Ars
précédée d'une introduction et accompagnée de notes
qui renferment, avec quelques erreurs , des explica-
tions intéressantes (1).
Jubinal a publié le texte de cette pièce dans les
deux éditions qu'il a données des œuvres de Rutebeuf,
la première en 1839, t. II, additions, p. 415; la
seconde, en 1874-1875, t. III, additions, p. 325-347. Le
texte de cette seconde édition présente quelques amé-
liorations, mais toutes les fautes de lecture n'y ont pas
été corrigées. De plus, Jubinal n'a pas, comme il le
prétend dans sa dernière note , donné toutes les
variantes, et même, quand il s'est écarté, quelquefois à
tort, du texte du ms. 837, qu'il a pris pour base, et
emprunté des leçons au ms. 19152, il a négligé de
faire connaître celles de l'autre manuscrit qu'il croyait
devoir rejeter.
(1) Not. et extraits des mss., etc., An vu, t. V, p. 496 et suiv.
INTRODUCTION XCV
VI
LES MANUSCRITS. — LE TEXTE
Les œuvres de Henri d'Andeli nous ont été conser-
vées :
1<' Par les quatre mss. français de la Bibliothèque
nationale : 837 (anc. 7218), 1593 (anc. 7165), 19152
(ancien S. G., 1830 et 1239) et 1104, nouv. acq. du
fonds fr. ;
2° Par le ms. 4333 de la Bibliothèque Harléïenne
(British Muséum);
3"» Par le ms. 113 de la Bibliothèque publique de
Berne, dont une copie existe à la Bibliothèque natio-
nale, ms. Moreau, 1727 (anc. 52 de la collection Mou-
chet).
Ces mss. ayant été décrits, je bornerai mon examen
aux textes qu'ils donnent des œuvres de Henri d'Andeli.
Le Lai d'Aristote est contenu dans les quatre mss.
de la Bibliothèque nationale désignés plus haut ; il y
occupe les folios et les colonnes suivantes : 837, f. 80 c
à 83 a; 1593, f. 154 a à 156 c?; 19152, f. 171 fk 173 f;
1104, nouv. acq. fr., f . 69 c à 72 b. Dans la discussion
qui va suivre, je désignerai, pour abréger, les mss.
XCVl INTRODUCTION
dans l'ordre où je viens de les indiquer, par les sigles
A, B, G, D.
Ces quatre mss., dont aucun ne donne un texte
complet, présentent à l'égard des leçons de notables
différences. On sait que les copistes ne se faisaient
aucun scrupule de modifier les idées et le style des
auteurs dont ils transcrivaient les œuvres, et que, à
moins de posséder le ms. original, ce qui n'arrive, on
peut le dire, jamais, on ne saurait se flatter de re-
trouver le texte exact de l'auteur; on ne peut le
reconstituer dans une certaine mesure que par des
inductions tirées de la comparaison des divers mss.
C'est ce que je vais tenter de faire pour le Lai d'Aristote.
Dans la Vie de saint Alexis, M. Gaston Paris,
établissant les règles qui doivent présider à la critique
des textes, a posé ce principe incontestable « que des
scribes différents, copiant un même texte, ne font pas
les mêmes fautes », et que « pour les œuvres du moyen
âge qui ont subi des renouvellements, des renouveleurs
différents, travaillant sur un même poème, ne font pas
les mêmes modifications » (1). Il résulte de là que, si
deux ou plusieurs mss. indépendants offrent des leçons
identiques, ces leçons ne sont pas autre chose que celles
d'un ms. antérieur dont ils procèdent directement ou
par intermédiaires ; de même, si comparés à un autre
ms. dont ils sont indépendants, ils manquent de
(1) Vie de saint Alexis, p. 10.
INTRODUCTION XCVII
certains passages et comblent certaines lacunes que
l'on trouve dans ce ms., la ressemblance qu'ils pré-
sentent à cet égard leur vient d'un ms. plus ancien sur
lequel ils ont été copiés. C'est sur ces considérations
que je m'appuierai dans le cours de cette discussion.
Les quatre mss. dont il s'agit ici appartiennent à la
dernière moitié du xui^ siècle ; ils ont été copiés peu
de temps après l'époque à laquelle Henri d'Andeli
composait son œuvre. La question de savoir quel est
le plus ancien a donc ici peu d'importance ; il peut
d'ailleurs se faire qu'une copie très voisine du temps
où écrivait l'auteur présente plus d'altérations qu'une
autre qui procéderait de plusieurs intermédiaires. Je
m'appuierai seulement pour classer les mss. sur l'éten-
due de leur texte et la diversité de leurs leçons.
Un examen, même superficiel, permet de reconnaître
que nos quatre mss. doivent se diviser ainsi : d'un côté
ABC qui forment, comme nous allons le voir, un groupe
bien caractérisé ; de l'autre D. Relativement à l'étendue
du texte, ABC, abstraction faite de leurs différences
que j'indiquerai plus loin, ont cela de commun qu'ils
manquent tous deux de certains passages que renferme
D, et qu'ils comblent de la même manière les lacunes
de D. On trouve seulement en D les vers 29-32 (1), 71-84,
(1) Ces chiffres, ainsi que tous ceux qui vont suivre, se rapportent au
texte que je publie, et non aux divers mss., qui sont tous incomplets.
Il faut donc chercher dans chaque ms. les vers qui correspondent
à ceux que désignent mes chiffres.
XCVm INTRODUCTION
121-136, 175-180, 191-214, 235-236, 251-252, 255-264,
269-270, 285-286, 299-300, 349-352, 422-423, 444-447,
458-461, 486-487; D n'a point les vers 145-146, 335-
336, 394-397, 470-471, 497-511, 520, 524-525, 534-535,
546 à fin.
Ce ms. offre encore quelques diflFérences dans le texte
des chansons que l'auteur met dans la bouche de la
jeune Indienne. Il donne six vers à la chanson Or la
voi et la fait débuter par celui-ci que seul il renferme :
C'est la jus desoz l'olive. Plus loin, entre les deux
vers : Ci me tienent amoretes. Bêle trop vos aim, il
intercale ce vers qui n'est pas dans les autres mss. :
Dras igaoit meschinete, et entre les deux vers : Ainsi
va quiamors mainent, Maistre musart me soutient, le
vers, Bêle doe ighee laine, qu'on ne trouve ni dans B
ni dans C et qui est remplacé dans A par celui-ci :
Pucele blanche que laine.
Semblables entre eux par les passages qui leur
manquent ou qu'ils renferment seuls, comparativement
à D, les mss. du groupe ABC diffèrent par les points
suivants :
A renferme seul les vers 472-473 : Qui H donast
trestout l'empire, Ne se tenist il pas de rire ; il n'a pas
le vers 385 : Dont elere est l'onde et blanche est la
gravele, non plus que les deux vers 462-463 que l'on
trouve dans les trois autres mss., mais que D donne
dans un autre ordre que B C. La chanson Or la voi a
six vers dans le ms. A; les deux derniers sont ainsi
INTRODUCTION XCIX
présentés : Or la voî, la voi la bêle Blonde, or la voi;
il est évident qu'il faut les lire : Or la voi, la voi [la
voi] La bêle blonde, or la voi.
B présente seul, après le v. 308, ces deux vers :
Alixandres estoit levez, A la fenestre iert escoutez ;
seul il transpose les deux vers 239-240 et les donne
dans cet ordre : Mes s'engins et sens ne me faut, Dit
la dame, se Dex me saut; il omet les vers 114, 374 et
383 ; il ne donne que cinq vers à la chanson Or la voi;
il réduit la chanson Ainsi va... à ces trois vers : Ainsi
va qui amours main/ne, Et ainsint qui la maintient,
Meistres musars me sostient.
G diffère des autres mss. du groupe principalement
par la suppression d'une bonne partie de la fin du
poème. Après ces deux vers : Et la dame est venue a
chief, De trestot quanques empris a, il coupe brusque-
ment le récit et ajoute six vers qu'on lira aux variantes
et dont le premier ne rime même pas avec le dernier
du texte conservé.
Le vers 50 a été omis par le copiste. De plus, le texte
de G paraît avoir subi quelques modifications caracté-
ristiques. Pas plus que AB, G ne présente les vers 269-
270 qu'on lit seulement en D ; mais il les remplace par
ces deux vers : Si en commença a noter Et ceste
chançon a chanter; à la suite, les paroles qu'Alexandre
adresse à sa maîtresse, et qui sont à peu de chose près
les mêmes dans les trois mss. A B D, sont converties
dans G en une chanson de six vers dont le premier est.
jC INTRODUCTION
Main se levoit bêle Erembours et dont les quatre
derniers sont en rimes croisées (1).
La chanson Or la voi... a huit vers dans le ms. C ;
si dans le septième, Or la voi, la voi, la voi, on rem-
plaçait le dernier la voi par m'amie, on retrouverait la
forme bien connue du rondel en huit vers à rimes
ainsi disposées ab aaabab, dans lequel le quatrième
et le septième vers sont les mêmes que le premier, et
le huitième le même que le second. Le ms. C est le seul
qui présente cette disposition qui me semble due plutôt
au copiste qu'à l'auteur; je ne connais pas en effet
d'exemple aussi ancien de rondel, et je rejette la leçon
de C aux variantes.
Une différence très importante du ms. C, c'est que,
seul de son groupe, il donne les vers 17-18, qu'on
trouve aussi en D. J'en tirerai plus loin la conséquence.
Enfin, C a les vers 462-463 qui lui sont communs
avec B et qui se lisent aussi en D, mais intervertis. Il
manque ainsi que B des vers 472-473, qu'on ne trouve
d'ailleurs que dans A.
Une première question se pose : Faut-il voir des
interpolations dans les passages que l'on trouve seule-
ment soit dans ABC, soit dans D? Sans doute, quel-
(1) Dans le ms. C, le texte des diverses chansons est toujours écrit
à lignes pleines ; au-dessus de chacune de ces lignes est un espace
resté blanc et qui était destiné à recevoir les portées musicales et
les notes.
INTRODUCTION CI
ques-uns ne sont pas tellement indispensables au sens
que le texte ne puisse s'en passer, mais ce n'est pas une
raison suffisante pour ne pas les admettre. Il en est
d'autres dont la suppression ne peut être acceptée.
Les mss. ABC omettent les vers 29-32, et donnent
ce même texte, sauf quelques variantes :
Certes c'est crueus vilonie
De blasmer les crueus félons
C'on puet apeler guenelons...!
N'est-il pas évident que cette leçon est mauvaise,
puisqu'elle est à la fois contraire au bon sens et à la
suite bien claire des idées de l'auteur.
Les vers 71-84, donnés seulement par D, me parais-
sent compléter par une suite bien naturelle l'éloge, si
cher aux trouvères, de la générosité et du désintéres-
sement d'Alexandre.
Après le passage dans lequel Aristote reproche à son
royal disciple sa faiblesse et l'oubli de ses devoirs, les
mss. ABC suppriment, v. 175-180, la réponse d'A-
lexandre s'engageant à ne plus voir la jeune Indienne
et disent tout de suite :
Alexandres ainsi demeure.
Or les vers qu'ils omettent sont une transition néces-
saire pour expliquer le changement de conduite du roi.
A B C ne donnent pas les vers 191-214 ; mais ce pas-
sage qui nous montre Alexandre se rappelant les charmes
cil INTRODUCTION
de sa maîtresse et délibérant en lui-même s'il doit obéir
àson maître ou céder à sapassion, est incontestablement
un des meilleurs endroits du petit poème. Qui donc,
après l'avoir lu, voudrait en proposer la suppression ?
Après ce vers :
Sire rois, or vous levez main,
ABC suppriment les vers 255-264 et disent immé-
diatement :
Aus fenestres de celé ter,
Et je porverrai mon ator,
n'y a-t-il pas évidemment une lacune?
Les vers 269-270, 422-423, omis par ces trois mss.,
me paraissent aussi appartenir bien réellement au texte
de l'auteur.
Je tiens pour établi que ces passages conservés par
D ne sont pas des interpolations.
La même preuve peut être donnée pour plusieurs des
passages qui nous sont fournis seulement par ABC.
D supprime les vers 145-146; mais il est évident que
le copiste a maladroitement altéré le texte de tout
cet endroit. La forme du dialogue entre Aristote et
Alexandre est changée en un discours indirect du
maître à son disciple ; la réponse d^ Alexandre devient
une réflexion de l'auteur qui ajouterait plus loin :
Aristotes.... vint au roi, comme s'il n'était pas déjà
en sa présence. Le texte donné par A B C est évidem-
INTRODUCTION CHI
ment le bon, et, dès lors, les vers 145-146 en font
nécessairement partie.
Les vers 335-336 ne sont pas moins indispensables.
Il en est de même des vers 470-471 ; il faut bien dire
qu'Alexandre, dont il n'a pas été question depuis le
vers 309, est présent, avant de mettre dans sa bouche
les paroles ironiques qu'il adresse à son maître.
D omet encore les vers 497-511, et donne ce texte :
Ce que j'appris et leû
M'a amors deffait en [une] eure.
Li rois fu liez en iceste eure.
La lacune est prouvée par la façon maladroite dont
ce raccord est fait.
Les réflexions morales qui terminent le fabliau dans
lesmss. A B, du vers 546 à la fin, pourraient àla rigueur
être supprimées; cette affabulation est d'ailleurs dans le
ton du poème et je n'hésite pas à croire que le copiste
de D, qui a mutilé en plusieurs endroits la dernière
moitié du fabliau, pressé d'en finir, a coupé là brusque-
ment le récit.
Les considérations que je viens de présenter m'au-
torisent suflBsamment, je crois, à attribuer à l'auteur
même les passages dont les divers mss. n'ont pas tenu
compte. C'est d'ailleurs ce que Méon a cru devoir faire
dans l'édition qu'il a donnée de ce fabliau, sans en
indiquer toutefois les raisons, et je n'hésite pas à faire
CIV INTRODUCTION
comme lui. Je rétablis même dans le texte quelques
vers du ms. D, qu'il a omis.
Il résulte de cette discussion que, puisque les pas-
sages conservés par D ne sont pas des interpolations,
ce ms. ne procède pas du groupe ABC qui ne les
contient pas, et que, par une raison toute semblable,
ce groupe ne peut avoir pour origine le ms. D.
L'examen des trois mss. qui composent le groupe
AB C (1) permettra d'établir de même qu'ils ne procèdent
pas les uns des autres. Je pourrais, en m'appuyant sur
la diversité des leçons, multiplier les preuves ; je me
bornerai, pour être bref, aux remarques les plus essen-
tielles.
A ne vient pas de B, parce qu'il donne les vers 114,
374, 383 que le copiste de B a oubliés, et qu'il a des vers
justes et de bonnes leçons là où B présente des vers
faux et des leçons inintelligibles. B ne vient pas de A,
parce qu'il a de plus que ce dernier le vers 385 appar-
tenant à la chanson de toile ou d'aventure, vers éga-
lement donné par C et D, ainsi que par le chansonnier
français ms. 20050 (anc. S. G. 1989, Bibl. nat.)qui
contient la chanson entière, et parce qu'il a les vers
463-464 absents de A et qui se lisent dans le ms. C, et
aussi, mais intervertis, dans le ms. I).
A B ne proviennent pas de C, parce qu'ils ont le vers
(1) Je rappelle qu'en comparant ces mss. je n'ai égard qu'au Lai
d'Aristote.
INTRODUCTION CV
50 oublié par le copiste de C, ainsi que la conclusion
du poème à partir du v. 507 que C a supprimée. C ne
vient ni de A ni de B, parce qu'il donne les vers 17-18
absents de ces deux mss. et qui appartiennent bien au
texte primitif, puisqu'ils se rencontrent dans le ms.
indépendante
A et B, ne renfermant pas les vers 17-18, proviennent
d'un ms. que j'appellerai z, qui comme eux ne les conte-
nait pas; z etC ont pour origine un ms. que je désigne-
rai par y; c'est de lui que ABC tiennent les passages
et les lacunes qu'on ne trouve pas en D ; il avait de plus
les vers 17-18 qui sont communs à C et D. Le ms. y est
donc le point de départ du groupe A B C ; les raisons
que j'ai données plus haut en comparant ce groupe au
ms. D s'appliquent de tout point à D et à y; ces deux
mss. viennent donc d'un ms. antérieur x qui contenait
les passages qu'on trouve seulement ou dans le groupe
A B C ou dans le ms. D. Il a donc existé au moins sept
mss. du Lai d'Aristote dont le tableau suivant indique
la ûliation :
œ
B
14
CVI INTRODUCTION
J'ai dit au moins sept mss. ; il n'est pas sûr, en eflFet,
que X soit le ms. même de l'auteur, et il peut y avoir eu
entre eux plusieurs intermédiaires que l'on ne connaît
pas.
Des considérations qui précèdent, il me semble ré-
sulter que le texte définitif, c'est-à-dire le texte du
ms. a?, au delà duquel nous ne saurions remonter, devra
se composer : 1° des leçons communes aux quatre mss.
A B C D; 2° des leçons communes à D et à l'un des
trois mss. ABC, cette ressemblance ne pouvant pro-
venir que du ms. x.
En cas de divergence entre le groupe A B C et le ms.
D, ce groupe n'aura pas plus d'autorité que D, puisqu'il
représente, en dernière analyse, le ms. y qui vient
comme D du ms. x, et qui, a priori^ n'a ni plus ni
moins de valeur que D. Pour reconstituer y (dans le
cas seulement où il diffère de D), il faut prendre : 1° les
leçons communes à A B C ; 2° les leçons communes à 0 et
à l'un des mss. A B, cette ressemblance ne pouvant leur
venir que du ms. y. S'il y a divergence entre les mss.
A B et le ms. G (toujours pour les leçons qui ne
sont pas en D), A et B représentant z n'auront ni plus
ni moins de valeur que C qui, comme z, vient d'y. Dans
ce cas comme dans le précédent, le choix entre les
leçons ne pourra être déterminé que par des raisons,
toujours un peu arbitraires, de langue et de goût. Je
donnerai d'ailleurs toutes les variantes de leçons.
Un exemple fera mieux comprendre la méthode que
INTRODUCTION cyn
j'ai suivie ; je le prends dans les vers 10-14 que les
quatre mss. donnent ainsi :
Ausi com li .j. le bien loent
Et vont la bone gent loant
Le despisent li mesdisant
Quant il pis ne lor pueent fere.
B
Ainsi com li bon le bien loent
Et vont les bonnes gens dissant
Les despisent li meldisant
Quant il pis ne lor puent faire.
c
Qu'ausi com li bon le bien loent
Et vont adès le bien disant
Le despisent li mesdisant
Quant il pis ne lor puent fere.
D
Qu'ausi con li bon le desloent
Et vont la bone gent prisant
La despisent li mesdisant
Quant il pis ne lor pueent faire.
Dans le premier vers, j'adopte qu'ausi donné par
C D, j'écarte li. j. qui ne se trouve que dans A, et la
leçon évidemment mauvaise de D, desloent.
CVIII INTRODUCTION
La leçon de 0 pour le second vers est excellente,
mais elle a le malheur d'avoir contre elle l'accord des
trois autres mss. qui ne diffèrent que pour le dernier
mot. Je fais remarquer que B est plus souvent qu'A
conforme à C, et que, pour cette raison, on peut, à tra-
vers ses nombreuses incorrections, entrevoir qu'il re-
produit plus fidèlement les leçons de z. Le vers de B,
Et vont les bonnes gens dissant, était sans doute dans z
et dans y ; le copiste de G, ne le comprenant pas, en a
changé la première partie en conservant le mot disant;
le copiste d'A l'a corrigé moins heureusement en rem-
plaçant disant par loant, difficile à admettre après le
mot loent qui termine le vers précédent. La leçon de
D est évidemment la vraie. J'adopte la bone gent et
non les bonnes g ens^ parce que les trouvères emploient
presque toujours ce collectif au singulier, tout en met-
tant au pluriel les pronoms qui s'y rapportent. Les
exemples abondent et Henri d'Andeli en fournit lui-
même plusieurs.
C'est pour cela que, au troisième vers, entre les
trois leçons A G ?e, D la, B Zes, je préfère la leçon les
conforme à l'usage et en rapport avec le pluriel lor du
quatrième vers.
L'écueil de la classification que j'ai établie plus haut,
ce serait qu'un des deux mss. A B coïncidât avec D,
tandis que l'autre présenterait une leçon commune avec
G. Dans ce cas, en effet, la ressemblance soit d'A, soit de
B avec D, ne pourrait venir que de x par l'intermé-
INTRODUCTION XHX
diaire d'y et de ;?, et celle soit d'A, soit de B avec C, ne
saurait résulter que d'y par l'intermédiaire de ^' ; il y
aurait là une contradiction. Je dois reconnaître que
ces circonstances se présentent plusieurs fois, mais il
me semble qu'elles peuvent être expliquées sans que
la classification soit ébranlée.
Le premier vers est dans A D i)e biaus mos conter
et retrere et dans B C De conter biaus moz et retraire.
Ici, pas la moindre difficulté, la transposition a pu fa-
cilement être faite par deux copistes indépendants.
Vers 149 : A Qui por fol m'en voudrent clamer,
D Qui por fol l'en vorroient clamer, B Qui fol me vo-
roient clamer, C Qui fol m'en vodrotent clamer. L'ad-
dition de por (fréquemment employé avec le verbe
clamer), machinale en D, où elle rend d'ailleurs le vers
faux, a été nécessitée en A par le changement de vo-
roient en voudrent ; il n^y a là qu'une ressemblance
fortuite.
V. 326 : A Hë, Biex ! fet il. ..T> Ha Diex ! fait il. . . B
Et dist : Hé Dex !.. Q Et dit : Ha Dex. J'admets que
la leçon de B C se trouvait en ^ et en y ; mais A a bien
pu revenir à la leçon de D; le changement de dit en fet
que les trouvères emploient constamment l'un pour
l'autre, n'a rien que de très naturel, aussi bien que la
transposition rétablie par A.
V. 342, A D font estuide du masculin : mon estuide,
B C le font du féminin : m'estuide. On trouve en effet
à cette époque ce mot employé dans les deux genres.
ex INTRODUCTION
La leçon B C était en z et en y Molt ai mol emploie
m'estuide. Le copiste d'A aura supprimé molt pour
faire estuide du masculin, comme il en avait sans doute
l'habitude. De là la coïncidence avec D ; elle s'arrête
d'ailleurs là, car A commence le vers par Bien ai em-
ploie... et D par Mal ai emploie...
V. 401, A D Dame, bien soiez vos venue, B C Dame,
vos soiez bien venue. La forme bien soiez vos est
très fréquente à cette époque ; les sources de B C l'ont
changée, A l'a rétablie.
V. 440, A Bien l'a mis amors a desroi, D Bien l'a
amors mis en effroi, B C Bien l'a m-is nature en ef-
froi. La substitution par A à' amors à nature s'explique
à mon sens facilement ; le mot est amené par le sujet
et aura paru au copiste plus précis et plus vif que
nature.
V. 465-466, A Ainsi va qui amors maine, Pucele
blanche que laine, D Ainsi va qui amors mainent.
Bêle Doe ighee laine. B C suppriment le second vers.
Il semble que le vers de D cache la bonne leçon; les
autres mss. ont dû avoir dans leur source un vers ana-
logue qu'ils n'ont pas compris. B et C l'ont supprimé,
A l'a refait.
Ce sont là les seuls passages qui présentent quelque
difficulté; on a vu que B C y coïncidaient; ces deux
mss. sont en effet plus souveiit d'accord entre eux que
l'un ou l'autre avec A. J'ai déjà dit plus haut que ni
l'un ni l'autre ne donne les vers 472-473 d'A et que
INTRODUCTION CXI
tous deux ont les vers 462-463 qui manquent à A ; d'où
je conclus qu'A a souvent modifié les leçons du ms.
dont il provient.
Pour l'établissement du texte, suivre principalement
le ms. D, en empruntant au groupe A B C les leçons
qui pouvaient paraître préférables, facilitait singuliè-
rement la tâche. Je n'ai pas cru, toutefois, devoir le
faire. Si D, pour la première partie du poème, est plus
complet que A B C, il l'est beaucoup moins pour la
dernière partie; il n'oflfre donc pas, à cet égard, d'a-
vantage ; d'aiUeurs je ne le crois pas plus rapproché de
l'original que les autres mss.; nous ne connaissons pas
ses intermédiaires, mais le texte en beaucoup d'endroits
y a été visiblement altéré, et il me semble résulter de
la comparaison des mss. du groupe A B C un texte
meilleur. De ces trois mss., Bme semble le plus fidèle,
à l'égard des leçons ; il est en effet d'accord soit avec C,
soit avec A, plus souvent que C et A ne s'accordent, et
l'on peut, à mon avis, retrouver maintes traces des
leçons primitives sous ses nombreuses incorrections.
B est en effet l'œuvre d'un copiste inattentif et inin-
telligent ; il laisse tomber des vers entiers, il omet fré-
quemment des mots et fausse ainsi la mesure ; il écrit
des mots dénués de sens ; il répète parfois à la rime le
mot qui termine le vers qui précède, v. 3-4 entendre,
27-28 villenie, 67-68 gent, 16^170 estrange, 367-368
ment y ce qui prouve qu'il ne s'est pas relu. Mais, à côté
de cela, il observe la distinction du cas-sujet et du cas-
CXII INTRODUCTION
régime plus généralement que les autres mss.; c'est
ainsi qu'il emploie constamment mes, ses au sujet mas-
culin singulier, tandis qu'A G D ne le font que rarement.
Cette copie a été exécutée dans l'est de la France,
comme le prouvent les particularités dialectales qui
vont suivre :
Le français a, à la 3® p. s. des verbes, est fréquem-
ment changé en ai : ai (habet), 23, 108, 233, 345, 480,
525, 539, 565; faudrai, 247, varrai, 248, ou en ei :
saurei, 252, jporrei, 314, irei, 318. On trouve aussi rê-
vait, 216, vet (va), 301. — Va est changé en e dans la
négation pas qui devient pes, 186, 280, 296, 541,
dans hes, 302, besse, 391, pesse (passe), 390, et dans le
verbe blasmer qui partout est écrit Mesmer. — a de-
vient quelquefois es au commencement des mots :
esprandre, 346, esprandant, 347, esprinsure, 541,
estande, 560. — La diphtongue ai est changée en ei :
malveis, 8, direi, 57, 92, raisons, 140, meistres, 165
et passim, seillie, 217, teist, 224, feit, 325, meire, 402,
metrei, 407, doutei, 488, feire, 516, afeire, 517. — a
est employé pour et, 53, 62, 101, 278, 336, 398, 525, et
réciproquement et pour a, 53, 63, 308. — au est réduit
ka: chevachier, 432, chevachant, 462, chevache, 475,
va# (vaut), 474. — ai est réduit à a ; revenra, 38,
/fera, 54, magres, 339.
L'é français venant de Ve et de l'è latin en position
devient a devant l ei t : hallement, 141, baie, 295,
ensaler, 450, entrematre, 25, cAawfowa^e, 309, maif.
INTRODUCTION CXIII
324, flùrates, 359, amorates, 363, seate (sagitta), 370.
On trouve aussi vargier, 433, élargie, 156. — ei est
changé en oi : mervoil, 19, mervoilUez, 226, esvoil-
lier, 279, oroille, 310, mervoille, 394. — ew devient
presque toujours an : entandre, 3, saw^, 5, errau-
mant, 9, eseussemant, 23, mortelmant, 24, prant, 93,
<iî*rewaw*, 170, co/nani, 222, ^awi, 310, emjpannée,
371, coviant, 428, dessant, ASÀjJovanf, 489, etc., etc.
La préposition ew est le plus souvent écrite aw, 8, 51,
70, 147, etc.
0 s'affaiblit en e dans les mots suivants : henorer,
64, henours, 335, henor, 568. ^ oi se réduit à o ;
poroent, 35, moroent, 36, blesmoent, 229, metroe, 328,
329, feroe, 330, ^oe, 561. — ow, très souvent au lieu
d'o ; majour, 87, séjour, 88, flours, 357, fowr, 265,
282, etc., a^owr, 266, ^owi, 68, 94, etc.; sow-s-, 282,
amot«r, passim, etc., mais aussi, tôt, 15, 112, etc.,
dotai, 237, tome, 493, mostre, 544, rover, 172, sos-
izmi, 467, sospirant, 387, vos, toujours, etc.
Les consonnes sont fréquemment doublées : cortois-
sie, 5, î^^me, 25, 150, 151, 381, dissant, 11, despissent,
12, meldissant, 12, poisse, 19, ossent, 137, chossent,
IS8 ^rancttnne, 152, mainne, 159, 465, sewatwwe, 160,
mechinne, 169, chemisse, 281 , mwse, 282, ros«e (rose),
289, taissiez, 418, sainne, 464, finne, 543, etc.
D est supprimé dans les mots : repanre, 243,
apanre, 343.
ZT est employée quelquefois sans raison étymolo-
15
CXIV INTRODUCTION
gique : huevre, 45, 51, vehu, 471, 475, 494. Elle est
supprimée dans aut, 302.
M est quelquefois substituée à n dans le corps et à la
fin des mots : vilaim, 50, omques, 148, 189, 330, 343,
am, 226, domques, 329, volumtiers, 438, volumtë,
514, 567.
S se trouve à la V^ p. du s. dans les mots suivants :
suis, 221, 491, pois (puis), 492.
!r final se rencontre aux 3^ p. s. des verbes : respon-
dit, 145, ott, 146, 268, abelit, 216, esjoî't, 267, et dans
le substantif ennuit, 22 {annuit, 319).
Je citerai encore les formes doispuis pour despuis,
411, 569, s'ahenoie pour s'esbanoie, 365, mesage pour
musage, 174, ^z pour leu, 59, /"rwi pour /V-weY, 59, es-
pice, 59, et Grice, 60, pour espèce et Grèce, tet pour
fawij 61, zVe' pour zme, 436, ^w^^?, 109, 275, mmle,
(peut-être numle, 540) (1). Certaines de ces formes
pourraient être des fautes du copiste plutôt que des
difi'érences dialectales. D'ailleurs l'orthographe du ms.
B est loin d'être uniforme ; on sent, ce que nous savons
de reste, que le copiste avait afiaire à un texte prove-
nant d'une autre province que la sienne et dont il a
souvent respecté les formes.
(1) M. Paul Meyer a déjà signalé cette orthographe {Notice sur
un ms. bourguignon, Romania, n" 21, janvier 1877, p. 45),
l'attribuant à une erreur de copiste. Les exemples cités ici per-
mettraient peut-être de conclure que c'était une habitude.
INTRODUCTION CXV
J'ai cru devoir mentionner ici quelques-unes des dif-
férences orthographiques de ce ms. trop nombreuses
pour figurer aux variantes. Je ne dirai rien des formes
des autres mss.; elles ne s'éloignent que rarement de
celles qui caractérisent le dialecte de l'Ile-de-France.
Les variantes les feront d'ailleurs suffisamment con-
naître.
La Bataille des Vins a été conservée par deux mss. :
le ms. 837 de la Bibl. nat., de f. 231 c à f. 232 c, et le
ms. 113 de la Bibl. de la ville de Berne, de f. 200 a à
f. 201 a. J'ai suivi de préférence le texte du ms. 837,
en empruntant toutefois plusieurs leçons qui m'ont paru
meilleures au ms. de Berne, dont la Bibl. nat. possède
une copie dans le ms. Moreau 1727 (anc. Mouchet 52).
M. le D' E. Bloesch, bibliothécaire en chef de la ville
de Berne, a bien voulu, à ma prière, collationner ce
texte sur l'original ; qu'il en reçoive ici mes vifs re-
mercîments. Les leçons de ce ms. que je n'ai pas fait
entrer dans mon texte se trouveront aux variantes.
Les formes suivantes indiquent que le texte du ms.
de Berne a été copié en Picardie : le pour l'article fé-
minin Za, 8, 71, 154, 168, do pour dw, 5, 69, 71,
85, 169, caseuns, 46, 152, 164, 170, 173, 186, cascun,
153, cacha, 60, 65, ocheist, 76. J'ajouterai, comme
particularités orthographiques, qu'on trouve rarement
la diphtongue ow, o est préféré : Anjo, 32, gotes, 56
(goûtes f 100), trestofe, 116, etc. ; vos, presque toujours;
ml't doit s'interpréter molt; ai est préféré à e ; fai-
CXVI INTRODUCTION
sons, 110, 147, repaissons, 112, mais, 149, jamais,
199, etc.-, on rencontre encore n et non m devant les
labiales, con et non com, car, 75, et non quar, j pour
g, jentil, 5, jesir, 150. Les variantes reproduiront les
formes de ce ms.
Le ms. 4333 de la Bibl. Harleïenne (British Mu-
séum) est le seul ms. connu qui contienne le texte du
Lit du chancelier Philippe. M. P. Meyer l'a publié
dans la Romania. Il serait téméraire d'oser y toucher
après un critique aussi sûr ; aussi, je le réimprime sans
y rien changer (1) avec les corrections qu'il y a faites,
et je le remercie d'avoir bien voulu donner à la Société
rouennaise de Bibliophiles l'autorisation de le repro-
duire.
Le Dit du chancelier Philippe s'étend dans le ms.
Harleïen de f . 98 ô à f. 100 a. M. P. Meyer pense que
ce ms. a été écrit dans la seconde moitié du xiii® siècle
et, à en juger par certaines formes, dans l'est de la
France (2).
La Bataille des VII Ars nous a été conservée par
les deux mss. de la Bibl. nat. 837, de f. 135 ô à f . 137 c,
et 19152, de f. 112 c^ à f . 114 h. Je reproduis le texte
du ms. 837, sauf quelques leçons que j'emprunte au
ms. 19152.
La critique des leçons est oeuvre toujours délicate,
(1) Sauf une correction faite au v. 220. V. Variantes et Notes.
(2) Romania, 1872, no 2, p. 206.
INTRODUCTION CXVII
mais celle des formes présente des difficultés bien plus
grandes, et parfois même insurmontables. Si les co-
pistes n'hésitaient pas à modifier le style et les idées
de l'auteur, ils prenaient des licences plus grandes
encore à l'égard de l'orthographe ; le plus souvent
d'ailleurs, ils cédaient sans le vouloir aux habitudes
qu'ils avaient contractées. La multiplicité des mss. ne
fait qu'augmenter le chaos, chaque scribe ajoutant aux
inexactitudes du manuscrit qu'il copie ses propres
inexactitudes. Ce qui me paraît ressortir de l'étude des
rimes, c'est que Henri d'Andeli, tout normand qu'il
était, n'a pas écrit ses œuvres dans le dialecte de son
pays. On sait qu'en normand les imparfaits de la
l'^ conjugaison ne rimaient pas avec ceux des autres
conjugaisons ; or nous trouvons dans la Bataille des
VII Ars les rimes suivantes : amoient, connoissoient
226-227, atendoient, amenaient 318-319, volaient,
prenaient 348-349. Nous sommes donc en présence
d'un texte écrit dans le dialecte de l'Ile-de-France, et
ce fait n'a rien qui doive nous étonner, puisque comme
je l'ai déjà dit, il est très probable, que notre trouvère
passa à Paris une partie de sa vie.
N'ayant pas à ramener les formes à celles du pays
qui vit naître Henri d'Andeli, ne trouvant aucun
indice de formes qui lui soient particulières, et dési-
reux de ne jamais substituer à la réalité mes conjec-
tures ou mes fantaisies, je me suis simplement con-
formé à l'orthographe des mss. J'ai suivi de préférence
CXVIII INTRODUCTION
le ms. 837 , le seul qui nous donne à la fois le Lai
d'Aristote, la Bataille des Vins et la Bataille des
VII Ars, et dont l'orthographe présente un caractère
satisfaisant d'unité et de régularité. Quant aux pas-
sages qui se trouvent dans le ms. 19152, je leur ai
conservé leurs formes, attachant peu d'importance aux
différences qu'on peut y trouver. Qu'importe, en effet,
qu'on écrive nos, vos, molt, tôt, etc., ou nous, vous,
mouUy tout, etc., puisqu'il est admis qu'on ne peut pas
conclure des premières formes à la prononciation réelle
de ces mots, et que l'o n'était dans l'ancienne ortho-
graphe qu'une notation paléographique représentant
tantôt notre voyelle o, tantôt nos diphtongues ou et
eu?
Je ne me suis permis qu'un petit nombre de cor-
rections. La principale modification apportée au texte
du ms. 837 est l'application plus constante de la règle de
l's; la comparaison des mss. me portait d'ailleurs à le
faire, puisque là même où l'un d'eux viole cette règle,
l'autre l'observe; le ms. 1593, si défectueux, comme
je l'ai dit, à d'autres égards, a maintenu générale-
ment ces formes que les autres tendent à oublier.
C'est ainsi, par exemple, que j'ai donné au sujet
Aristotes Ys étymologique que le ms. 837 supprime
et que les autres mss. conservent presque toujours.
L'usage primitif n'était pas de donner Ys au sujet
singulier des noms provenant des noms en er de la
seconde déclinaison latine, Alixandre, mestre, ou des
INTRODUCTION CXIX
noms dérivés de la troisième déclinaison. Plus tard, on
les assimila à ceux qui venaient des noms en us de
la seconde déclinaison et on ajouta 1'^. Henri d'An-
deli ne paraît pas avoir à cet égard de système bien
arrêté ; il conserve ou supprime Vs selon que la mesure
l'exige : Lai d'Aristote, Que ses mestre Aristotes rot
139, Ainsi chastoie son seignor Maistre Aristotes por
s^amor 175-176, Alixandres ainsi demeure 181, Mes
maistres et mi home ensanble 208, Ses mestre Aris-
totes d'Ataines 315, Qu>ifu mestre en toute science 570 ;
Bataille des Vins, Uns prestre Englois siprist s'estole,
49, ChascuMs lechierre i vousist estre 104, Li prestres
Englois les jugeait, 171 ; Dit du chancelier Philippe,
Bex, tes jugleres ai esté 45. J'ai maintenu Vs ou je
l'ai supprimée dans ces mots, comme le font les mss.
eux-mêmes.
Des notes et éclaircissements , que l'on accusera
peut-être de longueur , mais qui n'expliquent pas
cependant, comme je l'aurais voulu, toutes les obscu-
rités du texte, un glossaire oii j'ai fait entrer les mots
offrant quelque difficulté, ou méritant d'être signalés,
enfin une table des rimes, terminent cette publication.
Je ne finirai pas sans adresser l'expression de ma
vive reconnaissance aux personnes dont les conseils ou
les encouragements m'ont soutenu dans la préparation
de ce travail que j'aurais désiré rendre meilleur. M. G.
Paris a bien voulu sur quelques points m'indiquer la
voie et m'éclairer de ses avis. Je crains que les défauts
CXX INTRODUCTION
nombreux de cet ouvrage ne viennent attester que je
n'ai pas su les mettre à profit.
Je remercie le savant archiviste de la Seine-Infé-
rieure, M. Ch. de Beaurepaire, de la complaisance avec
laquelle il m'a communiqué plusieurs documents dont
j'ai fait usage dans la première partie de cette intro-
duction. Je remercie également les membres de notre
Société qui m'ont témoigné pour ce travail un intérêt
que rien ne justifiera peut-être, et surtout M. le pré-
sident Félix dont les encouragements ne m'ont jamais
fait défaut.
Mon collègue et ami, M. F. Vallois, a bien voulu
accepter la mission de me seconder dans les détails de
l'impression. Je le remercie moins encore de la com-
plaisance avec laquelle il s'est soumis à cette tâche
ingrate que de la sympathie que j'ai toujours trouvée
près de lui, et des nombreux renseignements qu'il m'a
fournis ou qu'il m'a mis à même de puiser dans la pré-
cieuse collection de livres qu'il a formée, et qu'il
enrichit chaque jour avec un goût si sûr et si
délicat.
Et maintenant, il ne me reste plus qu'un vœu à for-
muler : puisse le travail que j'ai entrepris valoir au
vieux rimeur normand un regain de popularité !
Pour moi, je ne sais si les sympathies que tout
éditeur éprouve pour l'esprit dans le commerce duquel
il a longtemps vécu ne m'abusent pas sur la valeur
INTRODUCTION CXXI
de Henri d'Andeli ; mais, par la finesse, la convenance,
l'habileté de composition et, enfin, la variété qui dis-
tinguent ses œuvres, il me semble digne d'être placé
à un rang élevé parmi les auteurs qui ont illustré le
xiu® siècle, époque à laquelle les lettres et les arts ont
brillé d'un si vif éclat. A mon sens, peu de fabliaux
méritent autant que les siens qu'on leur applique ces
vers du trouvère Cortebarbe :
Fablel sont bon a escouter :
Maint duel, maint mal font mesconter
Et maint anui et maint meffet (1).
(1) Des trois Avugles de Compiengne, v. 7-9. (A. de Moq-
taiglon, Fabliaux, t. I, p. 70.)
16
LI LAIS D'ARISTOTE
De biaus mos conter & retrere
Ne fe doit on mie retrere,
Ainz doit on volentiers entendre
Biaus mos, quar on i puet aprendre
Sens & cortoifie en Toir ,
Dont bien fe doivent ef^oïr
Li bon, quar c'eft droiz & couftume,
Mais li mauves en font l'enfrume
Efraument que il dire l'oent ;
Qu'aufi com li bon le bien loent
Et vont la bone gent prifant.
Les defpifent li mefdifant
Quant il pis ne lor pueent fere ;
Quar envie eft de tel afere
Qu'ele maint tout adès el cuer
De ceus qui font mis a tel fuer
Qu'il n'oent de nului bien dire
Qu'il ne le vueillent contredire.
Si me merveil por qoi lor poife.
LI LAIS d'aRISTOTE
ao Gent feloneffe & peu cortoife,
Por qoi metez vous for autrui
Voftre mefdit «& voftre anui ?
Ci a trop povre efcufement ;
Vous péchiez . ij . fois mortelment
2J L'une eft de mefdire entremetre.
Et Tautre û reft defus mètre
Voftre mefdit, vo félonie.
Certes c'eft crueus vilonie,
Mais envie point ne s'eftanche.
3° Je ne vorrai faire arreftance
Ne demorer ici endroit,
Ge croi que petit me vaudroit
De blafmer les crueus félons
Con puet apeler guenelons,
? 5 Qui retenir ne fe porroient
De mefdire, s'il ne moroient,
Tant i font mis & afetié.
Or revendrai à mon tretié
D'une aventure qu'emprife ai,
40 Dont la matere moult prifai
Quant je oi la novele oïe.
Qui bien doit eftre defploïe
Et dite par rime & retraite
Sanz vilonie &. fanz retraite,
45 Quar oevre ou vilonie cort
Ne doit eftre noncie a cort ;
6o
6$
70
LI LAIS d'arISTOTE
Ne jor que vive en mon ovrer
Ne quier vilonie conter,
Ne ne l'empris, ne n'emprendrai ;
Ja vilain mot n'entreprendrai
En oevre, n'en dit que je face ;
Quar vilonie û defface
Tote riens & toit fa favor.
Ne ja ne me ferai trovor
De nule riens en mon vivant
Ou vilains moz voift arrivant,
Ainz dirai de droit examplere
Chofe qui puift valoir & plere ;
G'ert en leu de fruit & d'efpece.
Nous trovons que li rois de Grèce
Alixandres, qui tant fii fire,
Et a tant prince mouftra s'ire
Por aus abeflîer & douter
Et por lui croiftre & amonter,
Soz lui fift larguece fa mère
Qui a toz avers femble amere
Et douce a toute large gent ;
Quar tant comme avers aime argent.
Le het larges a fouftenir,
Por ce que biens n'en puet venir
Por tant qu'il foit mis en eftui.
Onques n'ot pooir for ceftui
Riens qui venift d'argent ne d'or,
LI LAIS d\rISTOTE
Ainz fift de chevaliers trefor.
7j Ce ne font pas li autre prince,
Quar chafcuns recoppe & rechine
Et muce & repont fi le fien,
Hennor n'en a ne autre bien.
Cil que on apele Alixandre
80 Recuilli por par tôt efpandre,
Tôt ot, tôt prift & tôt dona,
Quar a largece abandona
Li frans por mielz fon pooir faire.
Repairer vueil a mon afaire.
8j Li bons rois de Grèce & d'Egite
Avoit defouz fes piez fougite
De novel Ynde la major ;
S^iert la demorez a fejor ;
Et fe vous me volez enquerre
90 Por qoi demoroit en la terre
Si volentiers, & tenoit qoi,
Bien vos dirai refon por qoi.
Amors qui tout prent & embrace
Et tout aert & tout enlace
95 L'avoit ja fi es braies mis
Qu'il ert devenuz fins amis,
Dont il ne fe repentoit mie,
Quar il avoit trovée amie
Si bêle comme a fouhaidier.
100 N'avoit cure d'aillors plaidier
LI LAIS D ARISTOTE
Fors qu'avoec li manoir & eftre.
Bien efl amors et fire & meftre
Quant du monde le plus poiffant
Fet li humble & obeiflant
'05 Qu'il ne prent nul conroi de lui,
Ainz s'oublie tôt por autrui.
C'eft droiz qu'amors eft de tel pris
Que puis qu'ele a . j . home pris
N'i doit il avoir nul defroi,
110 Qu'autant a amors for un roi
De droit pooir, ce eft la fomme.
Comme for tout le plus povre homme
Qui foit en Champaigne n'en France,
Tant eft fa feignorie franche.
"5 Li rois avoec s'amie maint ;
S'en parolent maintes & maint,
De ce qu'il en tel point s'afole
Et qu'il maine vie fi foie.
Que il d'avoec li ne fe muet
'20 Com cil qui amender nel puet.
Ainfi le velt amors & celé
Qui l'a point d'ardant eftancele ;
D'ardant eftancele l'a point
Celé qui fi l'a mis a point.
'»s Por quant ele n'en eft pas quite,
Ainz eft fi partie la luite
Que je n'en fai le meillor prandre.
LI LAIS D ARISTOTE
'3S
Garde quanque cuers puet efprandre,
Qu'eft la pucele enamorée.
Et fi fait iluec demorée
Ce n'eft mie molt grant merveille,
Puis que volentez li confeille ;
Il li covient, ce n'eft pas doute,
Por fornir fa volenté tote,
Ou il defferoit le commant
Qu'amors commande a fin amant.
Moult de fa gent parler n'en ofent,
Mes tant par derrière Ten chofent
Que fes meftre Ariftotes Tôt.
140 S'eft bien refons qu'il li deflot;
Bêlement a confeil Ta mis ;
Si dift : a Mar avez déguerpis
a Toz les barons de vo roiame
a Por Tamor d'une eftrange famé. »
'4j Alixandres li refpondi
Tantoft com dire li oï :
tt Quantes en i covient il donques ?
« Je cuit que cil n'amerent onques
tt Qui fol m'en vorroient clamer,
■ 5° « C'on n'en puet c'une feule amer
tt Ne n'en doit par droit plere c'une,
tt Et qui de ce home rancune
tt S'il maint la ou fes cuers li rueve
tt Petit d'amor dedenz li trueve. »
' s 5 Ariftotes qui tout favoit
léo
LI LAIS d'aRISTOTE
Quanques droite clergie avoit,
Refpont au roi & fi li conte
Con li atornoit a grant honte
De ce qu'en tel point fe demaine
Que toute entière la femaine
Eft avoec s'amie & ârrefte,
Qu'il ne fet ne folaz ne fefte
A fa chevalerie toute,
a Je cuit que vous ne veez goûte,
'^5 a Rois, » dift Ariftotes fes meftre,
« Or vous puet on bien mener peftre
« Tout iffî comme befte en pré.
« Trop avez le fens deftempré,
« Quant por une mefchine eftrange
'7° « Voz cuers fi durement fe change
« Con n'i puet mefure trover.
« Je vous vueil proier & rouver
« A deponer de tel ufage
« Quar trop i paiez le mufage. »
Ainfi chaftoie fon feignor
Maiftre Ariftotes por s'amor.
Et li rois debonnairement
Li refpondi honteufement
Qu'il s'en garderoit volentiers
Gomme cil qui ert fiens entiers.
Alixandres ainfi demeure
Et atent maint jor & mainte eure
ns
i8o
n
LI LAIS D ARISTOTE
Qu'a s'amie ne va, n'aproche
Por le dit & por le reproche
'8j Qu'il oï fon meftre reprendre;
Mes fa volentez n'eft pas mendre
Encor n'i voift il comme il feut.
Mes miex l'aime ore & miex li veut
Que il ne fift a nul jor mais.
'9^ Paor de mefprendre et efmais
L'en font élire fon gré tenir ;
Mais il n'a pas le fouvenir
Laiffié enfanble avec la voie,
Qu'amors li ramenbre & ravoie
"95 Son cler vis, fa bêle façon
Ou il n'a nule retraçon
De vilenie ne de mal,
Front poli plus cler de criftal,
Beau cors, bêle bouche, blont chief.
200 tt Ha ! fait il, con a grant meschief
(t Vuelent tote gent que ge vive !
« Mes maiftres velt que ge eftrive
« Vers ce qui enz el cuer me gift.
« Tant me deftraint, tant me fogifl
20 s « Autruis grez que m'en tieg por fol,
« Quant por autrui voloir m'afol.
« Ce eft folie, ce me fanble.
a Mes maiftres & mi home enfanble
« Ne fentent pas ce que ge fent,
210 « Et fe ge plus a ax m'afent,
LI LAIS D ARISTOTE
« Tôt ai perdu, ce m'eft avis.
« Vielt amors vivre par devis ?
a Nenil, mais a fa volenté. »
Ainfi s'eft li rois démente,
2'J Puis s''en torna veoir celi
Qui molt li plot & abeli.
La pucele eft en piez faillie
Qui moult eftoit defconfeillie
De la demorée le roi.
220 Lors dift : « De voftre grant defroi
a Sui bien aperceûe, lire,
a Finz amans comment fe confire
« De veoir ce que tant li pleft ? »
A ceft mot pleure, û fe teft.
225 Et li rois li refpont : « Amie,
« Ne vous en efmerveilliez mie,
« Qu'el demorer ot achoifon.
tt Mi chevalier & mi baron
« Me blafmoient trop durement
230 a De ce que trop efcharfement
tt Aloie joer avoec aus;
« Et mes meftres dift que c''ert maus,
« Qui laidement m'en a repris,
a Ne porquant bien fai qu"'ai mefpris
2jî tt Qu'onques por lui défis a mi
« La volenté de fin ami ;
tt Mes je doutai defpit & honte.
10 LI LAIS d'aRISTOTE
« — Sire, je fai bien que ce monte,
a Dift la dame, fe Diex me faut ;
240 a Mes s'engins & fens ne me faut,
a Par tens m'en voudrai bien vengier,
« Et miex le porrez ledengier
a Et reprendre d'uevre plus maie
« Voftre meftre chanu & pale,
345 a Se je vif demain jufqu'à nonne
« Et amors fa force m'en donne
« Qui poilTance ja ne faudra;
« Ne ja vers moi ne li vaudra
(c Dialetique, ne gra[m]aire,
2S0 « Se par moi nature nel maire,
ti Puis que je me fui aramie
« Donc saura il molt d'efcremie,
a Et fel perceverez demain.
« Sire rois, or vous levez main ;
2J5 a Si verroiz nature apointer
a Au maiftre por lui defpointer
« De fon fens & de fa clergie.
a Ainz de û tranchant efcorgie
a Ne fu feruz, ne de fi cointe
260 a Con il aura demain acointe,
a Se je puis ne aler ne eftre
<( Le matin devant fa feneftre.
a Mar nos a laidi ne gabé.
« Or foiez demain en abé
265 « Aus feneftres de celé tor.
LI LAIS D ARISTOTE 1 1
« Et je porverrai mon ator. »
Alixandres moult s'eijoï
De ce que dire li oi,
Puis racola eftroitement,
'7° Si le dift debonnairement :
« Moult elles vaillanz, biaus cuers dous,
« Et fe je aim autrui que vous
« Si me doinft Diex mauves acueil.
a Amors ai teles com je vueil,
275 « Si que en autres ne claim part, »
A tant de s'amie fe part,
Si s'en va & celé demeure.
Au matin, quant tens fu & eure.
Sans efveillier autrui fe lieve,
280 Quar li levers pas ne li grieve.
Si s'eft en pure fa chemife
Enz el vergier fouz la tor mife,
En . j . bliaut ynde goûté,
Quar la matinée ert d'elle
285 Et li vergiers plains de verdure.
Si ne doutoit pas la froidure.
Qu'il faifoit chah & dolz oré.
Bien li ot nature enfloré
Son cler vis de lis & de rofe,
29° N'en toute fa taille n'ot chofe
Qui par droit eftre n'i detift;
Et û ne cuidiez qu'ele elift
12 LI LAIS DARISTOTE
Loiée ne guimple ne bende.
Si Tembellift moult & amende
295 Sa bêle trefce longue & blonde,
N'a pas defervi qu'on la tonde.
La dame qui û biau chief porte
Par mi le vergier fe déporte.
Celé qui nature avoit painte,
J°o Nuz piez, defloiée, defchainte,
Si va efcorçant fon bliaut,
Et va chantant, non mie haut :
« Or la voi, la voi, la voi.
« La fontaine i fort ferie.
joj « Or la voi, la voi, m^amie,
a El glaiolai defouz Taunoi.
a Or la voi, la voi, la voi,
a La bêle blonde, a li m'otroi.
Li rois la chançonefte entent,
5 '0 Qui fon cuer & sbreille tent
A la feneftre por oïr.
Moult l'a fet s'amie efjoïr
De fon dit & de fon chanter.
Anqui fe porra bien vanter
JM Ses mettre Ariftotes d'Ataines
Qu^amors bones leaus lontaines
Se défirent a aprochier.
Ne mes n'en ira reprochier
LI LAIS d'aRISTOTE i3
Le roi, ne ne dira anui,
5*° Quar il trovera tant en lui
Et ert de volenté fi yvres.
Levez eft, fi fiet à fes livres,
Voit la dame aler & venir,
El cuer li met .j. fouvenir
5 'S Tel que fon livre li fet clore.
a Hé, Diex ! » fet il, « quar venift ore
« Cil mireoirs plus près de ci,
« Si me metroie en fa merci.
a Comment fi m'i metroie donques ?
3)0 a Non feroie, ce n'avint onques
a Que je, qui tant fai & tant puis,
« Tant de folie en mon cuer truis,
« C'uns feuls veoirs tout mon cuer ode.
a A mors veut que le tiengne a ofte,
3? s « Mes honors le tient a hontage
a Tel fovenir & tel outrage.
« Avoi ! qu'eft mes cuers devenuz ?
« Je fui toz viex & toz chenuz,
a Lais & pales & noirs & maigres,
340 « En filosofie plus aigres
a Que nus c'on fâche, ne ne cuide.
a Molt ai mal emploie m'eftuide,
a Qui onques ne final d^aprendre.
a Or me defaprent por miex prendre
H$ « Amors qui maint preudomme a pris.
« S'ai en aprenant defapris,
14 LI LAIS d'aRISTOTE
a Defapris ai en aprenant,
tt Puis qu'amors me va û prenant;
« Et dès que ne m'en puis refqueurre,
3S° a Au convenir foit & droiz queure,
« Ne ja por moi droiz ne remaigne.
a Viegne amors herbergier, or viegne
a En moi, ge n'en fai el que dire,
« Puis que je nel puis contredire. »
H j Si com li mellre fe démente,
La dame en .j. rainffel de mente
Fift .j. chapel de maintes flors.
Au fere li fovint d'amors ;
Si chante au cueillir les floretes :
î^o a Ci me tienent amoretes ;
« Dras igaoit mefchinete.
a Douce, trop vous aim !
« Ci me tienent amoretes ;
« Ou je tieng ma main. »
?6s Ainfi chante, ainfi sWbanoie ;
Mes Ariftote moult anoie
De ce que plus près ne li vient.
Ele fet bien quanqu^il covient
A lui efchaufer & atrere.
?7o De tel fa jeté le veut trere
Qui cointement foit empenée.
Tant s'eft traveillie & penée
LI LAIS d'arISTOTE i5
Qu'a fa volenté Ta atret.
Tout bêlement & tout a tret
575 Son chapel en fon biau chief pofe;
Ne fet famblant de nule chofe
Que le voie ne aperçoive ;
Et por ce que miex le déçoive
Et plus bel le voift enchantant,
380 Vers la feneftre va chantant
.j. vers d'une chançon de toile,
Quar ne veut que cil plus fe çoile
Qui tout a mis en la querela:
385
En .j. vergier, lez une fontenele.
Dont clere eft Tonde & blanche est lagravele,
Siet fille a roi, fa main a fa maiflele ;
En foufpirant fon douz ami apele :
a Hé ! biaus quens Guis,
La voftre amors me tôt folas & ris. »
390 Quant ele ot ce dit, fi près paffe
De la large feneftre baffe.
Que cil par le bliaut Taert
Qui trop cuidoit avoir fouffert.
Tant Va defirrée a merveille.
Î95 A ce coup cheï Teftincele
Toute jufqu'a terre au viel chat
Qui pris eft fanz point de rachat.
Et la damoifele s'efcrie :
18
l6 LI LAIS d'aRISTOTE
« Qu'eft ce ? » fet elle, « Diex aïe !
400 a Avoi ! qui m'a ci détenue ?
« — Dame, bien foiez vous venue, »
Fet cil qui provos eft & maire
De la folie qui le maire.
a Mettre, » ce dift la dame, « avoi !
40 s a Elles vous ce que je ci voi ?
— a Oïl, » dift il, a ma douce dame,
a Por vous métrai & cors & ame,
« Vie & honor en aventure,
a Tant m'a fet amors & nature
410 « Que de vous partir ne me puis.
— a Ha ! meftre, » fet ele ; « defpuis
« Qu'ainfi eft que vous tant m'amez
a Ja par moi n'en ferez blafmez;
« Mes la chofe eft moult mal alée.
415 a Ne fai qui m'a au roi mellée,
« Et li blafmé de ce que tant
a S'aloit avec moi déportant.
— « Dame, » dift il, « or vous tefiez,
« Que par moi fera rapefiez
420 « Et li mautalenz & li cris
« Et li blafmes & li eftris,
a Quar li rois m'aime & crient & doute
« Plus que s'autre mai f nie tote.
« Mes, por Dieu ! ceenz vous traiez,
425 ce Et mon defir me rapaiez
a De voftre cors gent & poli.
LI LAIS DARISTOTE IJ
— a Meftres, ainçois qu'a vous foli, »
Dift la dame, « vous covient fere
oc Por moi .j . moult divers afere,
4îo « Se tant eftes d'amor foufpris ;
« Quar moult très granz talenz m'eft pris
« De vous .). petit chevauchier
« Defus cefte herbe en ceft vergier.
« Et (i vueil, » dift la damoifele,
43 j « Que defor vos ait une fêle ;
tt S'irai plus honorablement. »
Li meftres refpont liement
Que ce fera il volentiers
Comme cil qui eft fiens entiers.
44° Bien l'a mis amors en effroi
Quant la fêle d'un palefroi
Li fet aporter a Ion col.
Or croi qu'il fanblera bien fol
Quant defor le col li eft mife,
44 s Et celé s'en eft entremife
Tant qu'ele li met for le dos.
Bien fait amors d'un viel rados
Puis que nature le femont.
Quant tout le meillor clerc du mont
4i° Fet comme roncin enfeler,
Et puis a .iiij. piez aler
A chatonant par defus Terbe.
Ci vous di example & proverbe,
Sel faurai bien a point conter. "■
ig LI LAIS d'aRISTOTE
4j} La damoifele fet monter
Sor fon dos & puis û la porte;
Et Alixandre fe déporte
En veoir & en efgarder
Celui qui fens ne pot garder
460 Qu'amors ne l'ait mis a folie.
Et la damoifele trop lie
Aval le vergier le conduit ;
En lui chevauchier fe déduit,
Si chante cler & a vois plaine :
465 « Ainfi va qui amors maine . \_
« Pucele blanche que laine ;
« Meftre mufars me fouftient.
« Ainfi va qui amors maine
« Et ainfi qui les maintient. »
470 Alixandres ert en la tor,
Bien ot veti treftout l'ator ;
(Qui li donaft treftout Tempire
Ne fe tenift il pas de rire.)
c( Meftre, » dift il, « por Dieu ! que vaut ce ?
475 « Je voi moult bien c'on vous chevauche.
« Comment, eftes vous forfenez
« Qui en tel point eftes menez ?
a Vous me feïftes Tautre fois
« De li veoir fi grant defoiz,
480 « Et or vous a mis en tel point
LI LAIS d'arISTOTE
« Qu'il n'a en vous de refon point,
« Ainz vous tenez a loi de befte. »
Ariftotes drece la tefte,
Et la damoifele defcent.
485 Lors refpondi honteufement :
« Sire, » fait il, « vos dites voir ;
« Mais or poez apercevoir,
« J'oi droit fe je doutai de vous
« Qui en fin jovent ardez touz
490 « Et en feu de droite jonece,
a Quant je, qui fui plains de viellece,
« Ne poi contre amor rendre eftal
« Qu'ele ne m'ait torné a mal
« Si grant com vous avez veti.
495 a Quanque j'ai apris & leii
« M'a deffet nature en une eure
« Qui toute rien taut & deveure.
« Et bien fâchiez certainement
« Puis qu'il m'eftuet apertement
500 « Fere folie û aperte,
« Vous n'en poez panir fans perte
« Ne fanz blafme de voftre gent. »
Moult s'eft refcous & bel & gent
Ariftotes de fon mefchief :
J°5 Et la dame eft venue a chief
De treftout quanques empris a ;
Et li rois forment l'en prifa
Quant de fon meftre l'a vengié
^9
20 LI LAIS D ARISTOTE
Qui Pot blafmé & laidengié.
S'o Mes tant s'en fu bien efcufez
De ce qu'ainfi fu amufez
Qu'en riant li rois li pardone,
Et fes meftres li abandone
Sa volenté a parfurnir,
5'5 Quar n'a refon au retenir.
Or vueil une demande fere
En ceft dit & en ceft afere,
Dont je trai Chaton a garant
Qui fet Tauélorité parant,
5^0 Qui bons clers fu & fages hom :
Turpe ejî doâori, cum culpa redarguit ipj'um.
Chatons dift en ceft vers la glofe
Que quant on eft repris de chofe
C'on a blafmé a fere autrui
s 2) Puis c'on en a blafmé & anui.
Ceft grant folie qui ce fet,
Son fens amenuife & deffet.
Voirs fu qu'Ariftotes blafma
Alixandre & mafaefma
H" Qui tant s'eftoit mis en amer,
Et puis fe leffa entamer
Si en amor a une foiz
Qu'il n'ot en lui point de defoiz ;
Et s'il l'ot par force entrepris
)"'5 En doit il eftre en mal repris ?
LI LAIS DARISTOTE 21
Nenil, quar amors l'efforça
Et volontez qui la force a
Sor toz & for toutes enfamble,
Dont n'a li meftres, ce me famble,
540 Nule coupe en fa mefprefure,
Ne l'a pas fait par aprefure
Mes par nature droite & fine.
Henris celle aventure fine
Qui dift & fi mouftre en la fin
J4$ C'on ne puet décevoir cuer fin
Ne oiler de fa volenté,
Puis qu amors l'a en volenté
Por emprifoner & deftraindre ;
Et cil qui de ce fe veut faindre
5 5° N'eft mie trop loiaus amere
Puis que s'amors li famble amere,
Quar miex ne puet on endurer
Amor que par defifavorer.
Por celui mal bien plere doivent
555 Qu'après les maux les biens reçoivent
Par maintes foiz le mal traiant
Qu'auffi amors vont effaiant.
Si fet ele raffeûrer
Qui puet en leauté durer
560 S'atende & fueffre en fon martire,
Quar a joie li revient s'ire.
Si puet on par ceft dit aprendre
22 LI LAIS DARISTOTE
C'on ne doit blafmer ne reprendre
Les amies ne les amanz,
565 Qu'amors a pooir & commanz
Par defeur toz & defeur toutes,
Et d'euls fet fes volentez toutes,
E tret a honor toz fes fez.
Defpuis que cil en fouftient fez
570 Qui fu meftre en toute fcience,
Bien devons prendre fapience
Selonc ce que nous mains favons
» Les maus que por amor avons,
Quar qui por amor fueflfre maus
575 Bien li fet merir fes travaus
Que loiaumant fueffre por li.
Veritez eft & je le di,
Qu'amors vaint tout & tout vaincra
Tant com cis liecles durera.
Explicit li lais d'A rîstote.
LA BATAILLE DES VINS
Volez oïr une grant fable
Qu'il avint Tautrier fus la table
Au bon roi qui ot non Phelippe,
Qui volentiers moilloit fa pipe
Du bon vin qui eftoit du blanc.
Il le fenti gentil & franc.
Si le clamoit fon ameor.
Por le bien & por la douçor
Que 11 vins avoit dedenz foi,
Li rois en but fanz avoir foi.
Li rois qui eft cortois & fages
Manda a treftoz fes meffages
Qu'il alaiffent le meillor querre
Qu'il trovaiffent en nule terre.
Premiers manda le vin de Cypre,
Ce n'eftoit pas cervoife d' Ypre,
Vin d'Auffai Si. de la Mouffele,
Vin d'Auni & de la Rocele,
19
^ . LA BAÏAILLÈ DES VINS
De Saintes & de Tailleborc,
20 De Melans & de Treneborc,
Vin de Palme, vin de Plefence,
Vin d^Efpaingne, vin de Provence,
De Montpellier & de Nerbone,
De Bediers & de Quarquaffonne,
aj De Moflac, de S. Melyon,
Vin d'Orchife & de S. Yon,
Vin d'Orliens & vin de Jargueil,
Vin de Meulent, vin d^Argentueil,
Vin de Soiffons, vin d'Auviler,
}o Vin d'Efpernai le Bacheler,
Vin de Sezane & de Samois,
Vin d'Anjou & de Gaftinois,
D'Yfoudun, de Chaftel Raoul
Et vin de Trie la bardoul,
î 5 Vin de Nevers, vin de Sancerre,
Vin de Verdelai, vin d'Auçuerre,
De Tornierre & de Flavingni,
De S. Porchain, de Savingni,
Vin de Chablies & de Biaune,
40 .j. vin qui n'eft mie trop jaune ;
Plus eft vers que corne de buef.
Toz les autres ne prife .j. oef.
Treftuit vindrent en .j. conroi
Seur la table devant le roi.
45 Si comme Diex parla au cigne,
Chafcuns des vins fe fift plus digne
LA BATAILLE DES VINS 25
Par fa bonté, par fa poifTance
D'abevrer bien le roi de France.
Uns preftre Englois fi prift s'eftole,
jo Qui moult avoit la tefte foie,
S'efcommenia dant Mauvais
Qui eftoit du clos de Biauvais,
Et dant Petart de Chaalons
Qui le ventre enfle & les talons,
5J Et mefire Rogel d'Eftampes
Qui amaine les goûtes crampes ;
Cil troi vin amainent la roingne.
A grant honte & a grant vergoingne,
Bâtant, ferant d'un ballon cort,
^ Les cacha li preftres de cort
Et lor dift que jamès n'entraiffent
La ou nul preudomme hantaiffent.
Les . ij . vins & de Biauvoifins
Et dans Clermons li tiers voifins,
65 Ces . iij . vins n'en chaça il pas
Qu'il les fenti de bon compas.
Li vin commun, li vin moien
N'erent prifié un pois baien.
Vin du Mans, de Tors retornerent
70 Por ce qu'a efté s'atornerent
Por la paor du preftre Englois
Qui n'ot cure de lor jenglois.
Vin d'Argenches, Chambeli, Renés
8o
a6 LA BATAILLE DES VINS
S'en fuirent tornant lor refnes,
7J Quar fe li preftres les veïft,
Je croi bien qu'il les oceift.
Primes parla vins d'Argentueil
Qui fu clers comme lerme d'ueil,
Et dift qu'il valoit miex d'au s toz.
a Or te tais, filz a putain glouz, »
Ce dift li vins de Pierre frite,
« Tu jeues a la defconfite ;
« Ices trives feront enfretes ;
a Je vail moult miex que vous ne fêtes,
^5 a A tefmoing le vin de Marli,
« De Duoeil, de Monmorenci.
Lors dift bée fane Dé Meulent,
« Argentueil, Je fui moult dolent
« Que tu defpis tes compaignons ;
9° a Saches de voir nous en plaignons,
« Qui fez dant Croe de Soiffons
oc Le vin de Laon, de Tausons,
a Icil dui pafl"ent Vermendois,
« Cil doivent bien seoir au dois. »
95 Efpernais dift a Auviler :
« Argenteuil, trop veus aviler
a Treftoz les vins de cefte table ;
a Par Dieu trop t'es fez conneftable.
« Nous paffons Chaalons & Rains,
'00 « Nous 'oftons la goûte des rains,
lOJ
"J
•2J
LA BATAILLE DES VINS
« Nous eftaignons toutes les fois. »
Dont saut en piez li vins d'Aufois,
Li bons gentiz vins & roiaus :
a Efpernai, trop es defloiaus !
« Tu n'as droit de parler en cort.
« Je fui cil qui la gent fecort ;
« Entre moi à ma damoifele
« Longue tonne de la Mofele,
a Nous fecorons les Alemanz,
« Nous fefons treftoz noz commanz ;
« Aux Coloingnois prenons l'argent
« Dont nous repeffons notre gent. »
Lors dift li vins de la Rocele :
« Vous, Auflai, & vous, la Moufele,
« Se vous paiffiez celé gent herre,
« Je repais treftoute Engleterre,
« Bretons, Normans, Flamens, Galois,
« Et les Efcos & les Irois
a Norois & cels de Danemarche ;
« Jufques la dure bien ma marche;
a Je fui des vins li febelins,
« J'en aport toz les efterlins. »
Li vins S. Jehan d'Angeli
Si dift a Henri d'Andeli
Qu'il li avoit crevé les ex
Par fa force, tant eftoit prex.
Engolefme, Bordiaus «& Saintes,
Cil i firent bien lor empaintes ;
2^7
àS LA BATAILLE DES VINS
Et li bons vins blans de Poitiers
no Qui n'a cure de charretiers ;
Ceft cil qui toute gent acroche
Par la froidure de fa roche ;
Tant eft fors que par fon orgueil
Se fet coftoier au foleil.
' 55 Ne fai qui en but plus qu'affez,
Par qoi il ot les iex quaffez.
Chauveni, Montrichart, Laçoy,
Chaftel Raoul & Befançoi,
Monmorillon & Yfoudun
140 Furent devant le roi tôt un
Por abatre le bobançois
De treftos nos bons vins françois.
Vin françois bien fe deffendoient
Et cortoifement refpondoient :
'4S « Se vous eftes plus fort de nous,
« Nous fommes fade, favorous ;
tt Si ne fefons nule tempefte
a A cuer, n'a corz, n'a oeil, n'a tefte.
« Mes Vermentun, S. Brice, Auçuerre
• 50 « Si font les genz gefir au fuerre. »
Qui la veïft vins eftriver,
Et chafcun fa force aviver.
Et chafcun mener fon defroi
Sor la table devant le roi,
'55 Ce n'est ore ne plus ne mains
Se vin etiffent piez ne mains
LA BATAILLE DES VINS 29
Je fai bien qu'il s'entretuaiflent,
Ja por le bon roi nel leflaiffent.
Qui veïft comment eftrivoient,
'^° Et com li vin eftinceloient,
Si que la grans fale & la chambre
Sambloit plaine de bafme & d'ambre.
Ce fambloit paradis terreftre ;
Chafcuns lechierre i vousift eftre,
'6j Chevalier, clerc, borgois, chanoine,
< Contraint, muel, mefel & moine,
^1 hurtaiflent a tel quintaine,
James n'eiiflent la quartaine.
Lî rois du blanc bien fe paia,
•70 Et chafcun des vins eifaia.
Li preftres Englois les jugoit
Qui volentiers les engorgoit.
Et a chafcun donoit .j. bout.
Et puis fi disoit: « Ife goût ;
'75 a Bi S. Thomas qui fu martin,
« Goditouet, ci a bon vin. »
Treftoz feuls lut celé leçon ;
Guerfoi drinçoi fu fon clerçon.
S'efcommenia la cervoife
180 Qui eftoit fête delà Oife,
En Flandres & en Engleterre,
Puis geta la chandeille a terre.
30 LA BATAILLE DES VINS
Et puis fi ala fommeillier
. iij . nuis, . iij . jorz fanz efveillier.
'85 Li rois les bons vins corona
Et a chafcun fon non dona.
Vin de Cypre fift apoftoile
Qui refplendift comme une eftoile ;
Dont fiftchardonal & légat
'90 Du bon gentil vin d^Aquilat ;
Puis fift . iij. rois & puis . iij . contes.
Et puis en dura tant li contes
Qu'il en fift . xij . pers en France
Ou li rois out moult grant fiance.
'9S Qui . j . des pers porroit avoir,
Ne por argent ne por avoir,
Defor fa table a fon mengier.
Moult s'i feroit bon arengier ;
James maladie n'auroit
^0° Jusques au jor que il morroit.
Qui miex ne puet, fi n'a pas tort,
Adès o fa vielle fe dort.
Soit vin moien, per ou perfone.
Prenons tel vin que Diex nous donc.
Explicit la Bataille des Vins.
LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
Il n'eft nus qui la mort ne fente ;
Tuit s'en iront par celé fente :
Et fort & feble & fol «& fage
Pafferont tuit par cel paffage.
Nus ne feit Toure de fa mort.
Por ce mefprent cil qui s'amort
A faire chofe qu'il ne doie ;
De vie a mort n'a que . ij . doie.
Le jor de la Nativité
Ot il a Paris la cité
Grant joie & grant duel, ce fu voirs.
Bien dut eftre joious ci foirs
Por ce que Jhefu Criz fu nez;
Bien redut eftre duez menez
Quant li Chanceliers trefpaffa.
Dolors fu quant fi tôt quaffa
La mors lou chancelier Phelippe
Qui eftoit flors & rofe & pipe,
Duis & fontainne de fcience.
Bien puis dire par m'efcience
20
32 LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
Que nul clerc ne voit on or tel.
Oiez qu^il dit ou lit mortel :
Li Chanceliers, en icel point
Que la mort temporel le point,
25 Un fuen privé clerc apela,
Son penfé pas ne li cela :
a Di moi, » fit il, « quele ore il eft ;
« Je fui cil qui ceft fiecle lès ;
a G'i ai affez elle entant. »
50 Quant li clers la parole entent,
De pitié li cuers li fondi ;
En fopirant li refpondi :
a Sire, il eft entor mienuit. »
Dift li prodon : « Gui qu'il anuit,
5 5 a De ceft fiecle me vuel partir ;
« Je m'en vois après lou martir
a Que félon Juif lapidèrent,
a Por ce qu'il forent & cuiderent
« Que par lui fuffent formonté
40 (i Et de fcience & de bonté. »
Ce fâche bien chacuns qui m'ot
Qu'il dit encore . j . autre mot
Ou clerc fe doivent affentir,
Quar ceft mot dit il fanz mentir :
4J a Dex, tes jugleres ai efté
« Toz tens, & yTer{s) & efté.
« De ma viele feront rotes
a En cefte nuit les cordes totes.
LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE 33
a Et ma chançons dou tout faudra ;
5° « Mais, se toi plait, or me vaudra.
« Dieus, or me rent lou guerredon ;
« De mes péchiez me fai pardon :
« Toz jors fai en chantant fervi ;
« Rent m'en ce que j'ai defervi.
H- « Ne te demant or ne argent,
« Mais acuel moi avuec ta gent
« Qui font en pardurable joie.
a Doz Dieus, otroie moi que j'oie
« Tel vérité de ma chançon
6° <i Que je ne chiece en contençon ;
« Enfeigne moi la droite voie
« Biau fire Diex, que je te voie. »
Lors li Chanceliers s'areftut.
Plus ne parla, tranûr Teftut.
6 s Je ne di mie qu'il morift;
Je diroie ançois q'il florift
La fus es ciez par fa deferte.
A toz clers fit fa mors grant perte.
Li Chanceliers parti dou fiecle
En tel point & en tel meniere
Com vos m'oez ci devifer.
Hom mortez ne porroit conter
Ses bones mors ne fa meniere :
De tos clers eftoit la baniere,
11 ert fonteinne de clergie,
70
$4 LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
Il eftoit flors de compaignie,
Il iert plus larges qu^Alixandres.
Toz jors voloit eftre li mandres
En compaignie, par S. Gile,
8° QuMl ovroit felonc l'ewangile
Qui dit, û com il bien favoit :
Li graindres com li mendres foit.
Si faifoit debonairetez
Dont fes cuers ert enheritez.
85 II ne feït mal a nul fuer.
Tant par avoit liberau cuer,
Que toz biens s''i ert herbergiez.
Ce puet bien dire li clergiez
Et jurer Dieu le fil Marie
9° Qu'or eft la fonteinne tarie
Ou fcience puifier foloient
Tuit cil qui aprendre voloient ;
Et de rechief dire vos puis
De voir qu'or eft fechiez li puis
9S Ou on pooit puifier toz biens.
An Chancelier ne failloit riens :
C'ert des clers li plus liberaus.
En . vij . ars eftoit generaus.
Dieus ! quel dolor & quel damage
100 i3ou plus vaillant & dou plus fage
Qui fut en la creftienté !
CheU font en grant enferté
Tuit cil qui li apartenoient.
LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE 35
Dou Chancelier tuit bien venoient ;
'01 Au fiecle ne remaint fom per;
Sa mort trop durement comper.
Mes duez fovent en renovele ;
Por ee faiz proiere novele :
Biaus fire Deus, rois glorieus
1 10 Qui par ton faint fane precieus
Et par ta fainte paflîon
Nos meïs a rédemption.
Qui au tiers jor refufcitaz
Et tes amis d'enfer getas,
' ' 5 Qui de niant toz nos feïs,
L'ame qu'el Chancelier meïs
Reemz la devant toi en glore
Quar il t'ot toz jors en mémoire.
Ta chançon chanta bien & lut ;
'20 Tant com il pot, tant com li lut,
A ta viele viela.
Deu, remet le en vie la
Ou vit S. Pieres & S. Pois :
C'eft li perdurables repols.
'*! Bien eft refons que ta pès ait :
De fa viande repeffait
Les armes plus fovent & meax
Que nus clers que l'en voie aus eax.
Viande as âmes, c'eft efcrit ,
'3° Et la parolle Jhefu Crit.
36 LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
Hé Deus ! que porai devenir ?
Qu'avoit cil prodom a morir ?
Molt devroie la mort reprendre
Quant ele ofai celui forprendre
' ? s Qui de tote fcience eftoit
Li muedres clers que jamais foit.
Marie, mère de pitié,
Cil que fon cuer & s'amiftié
Del tôt en tôt t'avoit donée,
140 Virge roïne coronée,
Se met del tôt en ton conduit,
Car il fift de toi maint conduit.
De toi mie ne fe taifoit.
Mais fovent biaus dis en faifoit
'4S Et en romans & en latin.
Totes hores, foir & matin.
Plus biau qu'autres te ialua
De toi fon cuer
Verge Marie, deine. . .
MO Se li boins Chanceliers. .
Que il vet droit en paradis,
Por ce que il t'ama toz dis
Ce me vendra a grant mervelle.
Douce dame, a lui falver velle.
'55 Sains Efteines, que premerains
Martirs fuz, for toz foverains,
LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE 3 7
Del Chancelier aiez pitié
Que mors a del fiecle chacié
Gel jor que paiïïon foffriz
'60 Et ton cors a martire offris
Et de pieres fus lapidez.
Gel jor nos chainja molt 11 dez,
Que li boins Chanceliers morut.
Sor clers grant tempefle corrut :
'^J Emblez lor fu 11 grans trefors.
Sain[s] Nicholais, boens confeflbrs,
Boens clers, ton clerc n'oblie pas ;
Proie pour lui ifnel [l]ou pas
Ha ! dame fainte Katerine,
170 Virge pure, martire fine,
Lou Chancelier n'oblie mie
Car molt te tenoit a s'amie.
Si bien, fi bial, de toi parla
Nus n'en feuft dire par la
'75 Ou il en dift, ne fi très bien.
Un condut ou il ne faut rien
Fift : Agmina milicie
Que li cler n'ont mie oblié.
Twit li faim & totes les faintes,
180 Dq vos dift il paroles maintes ;
Cuer & cors vos abandona
38 LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
Et de VOS oevres fermona.
Et de vos parla mex que nuz.
Li Chanceliers avoit en uz
'8j S avoit
biens favoit.
Clers i a qui philofophie
Sevent et Tetimologie
De nonz, & uns m'en dift jadis :
'9° « Philippus c'eft os lampadis. »
Je li pria molt de defcrire
Que bouche de lampe vuet dire.
Il me refpondi une chofe:
Qu'em lampe fi a molt grant chofe
'95 Lampe c'eft . j . vairrins veffiaz,
Flebes eft mais clers eft & biaz.
En lampe eftuet uile & plonjon,
Et s'i convient & feu & jon ;
Ce font cinc ; drois eft que je die
200 Que chafcune d''als fenefie ;
Jel vos dirai del tôt en outre :
La lampe ceft fiecle démontre ;
Clers veffas eft conme de voire :
Et de tant me poez bien croire
»0 5 Qu'ele eft brifie en éle pas,
Ne cift fiecle n'eft c'uns trefpas.
Sachiez de voir que je fu la
Ou j'oï dire qu'en ule a
LE DIT DU CHANCELIER PIULIPPE 39
Douce liquor & douce gote.
î'o Vuile eft haute chofe, fans dote ;
Ule médecine demande.
J'ai dit de Tule & de la lampe ;
Par Deu qui eft mifericors,
Li plonjons dedans, c'eft li cors
2' s Qui eft plungiés es grans devices
De ceft fiecle & es grans délices ;
En la douçor, en la melite
Tant fe defdut & fe délite
Qu'il ne redoute point enfer.
"° Li cors c'eft li plonjons de fer,
Et li fes jons qui eft boutez
El plonjon, de rien ne doutez,
Ceft li cuers qui el cors eft mis.
Li uns & l'autre eft boins anmis :
"5 Se li cors aval traï tans
Dont eft li cu[e]rs amont ardans.
Li jons art & fi gite flanme :
La flame fenefie Tame
Et dit a[u]tant com efperis ;
*3o Mas quant en ceft fiecle eft péris.
En Tautre lou covient aler :
Monter l'eftuet ou avaler.
Malement art cil qui avalle.
Cil qui monte en la haute fale
^5 ) Art devant Deu conme chandoile ;
Si eft plus clers que nule eftoile.
21
4© LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
Phîlîppus ai defcrit très bien.
Ne vos en ai menti de rien.
Cil Phelippes que je tant lo,
240 Et bien & bel conmença VO,
Loquens O O, c lavis David,
Et au quint jor nos fu ràvid.
Es ciez fe repofe foef.
Hautement apella la clef
*4j Que paradis oevre & deferme.
Qui de fa mort vuet favoir terme,
. M . & ce . & xxxvj.
Joigne enfemble, & tôt iffîs
De fa mort faura vérité,
250 L'andemain de Nativité.
Et icil clers qui ce trova
De celu que bien fe porta
Par Deu qui maint en Trinitei,
Por ce quMl eft de vérité,
2SS Ne l'apele mie flablel ;
Ne l'a pas efcrit en tablel,
Ainz Ta efcrit en parchamin.
Par bois per plains & par chamins
Par bors, par chateals, par citez,
séo Vorra qu'il foit bien recitez.
Ceft dit fift Hanris d'Andeli.
Deus ait del Chancelier merci !
LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
41
265
S'aurai il, quMl Ta defervi.
Or l'ait Deus par fa merci
Qui vit & règne & régnera
In feculorum fecula. Amen dicant omnia.
LA BATAILLE DES .VII . ARS
Paris & Orliens ce font . i j . :
C'eft granz domages & granz deuls
Que li uns a Tautre n'acorde.
Savez por qui eft la defcorde ?
Qu'il ne font pas d'une fcience ;
Car Logique, qui toz jors tence,
Claime les au6lors autoriaus
Et les clers d'Orliens glomeriaus.
Si vaut bien chafcuns . iiij . Oraers,
Quar il boivent a granz gomers
Et fevent bien verfefier
Que d'une fueille d'un figuier
Vous feront il , 1 . vers ;
Mes il redient que por vers
Qu'il claiment la dyaletique
Par mal defpit quiquelique,
Cil de Paris, li clerc Platon,
Ne les prifent pas un bouton.
44 LA BATAILXE DES .VII. ARS
Logique a les clers en fes mains,
20 Et Gramaire s'eft mife au mains.
Gramaire s'eft moult coroucie ;
Si a fa baniere drecie
Dehors Orliens, en mi les blez;
La a el fes os affamblez.
»! Omers & li viex Claudiens,
Donaet, Perfe, Preciens,
Cil bon chevalier autoriftre
Et cil bon efcuier meniftre,
S'efmurent tuit avoec Gramaire
i° Quant ele ilïî de fon aumaire.
Li chevalier d'Orliens s'efmurent
Qui des armes aus autors furent :
Meftre Jehans de S^ Morilfe,
Qui fet fes autors a devife,
5 5 Oede, Garniers & Balfamon
Qui avoit efcrit .j. faumon
Sor fon efcu entre . ij . dars
D'un poivre chaut o le pain ars
Plus noir que coille de provoire,
4° Por les poifons roiaus de Loire
Et por boivre les vins d'Orliens
Qui neffent fanz creffe de fiens.
Lors n'i ot il ne geu ne ris ;
Lor chemin tindrent vers Paris.
LA BATAILLE DES .VII. ARS ^5
45 Dame Logique l'oï dire ;
Si cria toute plaine d'ire :
a Laffe ! j'ai perdu mes confors
« Quant Raoul de Builli eft mors. »
Ses genz manda devers Tornai
5° Par dan Pierron de Cortenai.
Uns logiciens moult très fages
La fu meftre Jehans li pages.
Et Point Tafne, cil de Gamaches,
Meftre Nichole aus hautes naches,
5 5 Cil troufferent trive, cadruve
Sor .), grant char en une cuve;
Li bedel traioient le char.
Robert le Nain par grant efchar
Les poingnoit toz d'un aguillon ;
6o Cheron le viel point el coillon.
Lors fe miftrent tuit a la voie.
La ot maint paveillon de foie
Soz Mont Leheri lez Linoies ;
La fe firent de cruels plaies.
^5 La Loi chevaucha richement
Et Décret orguilleufement
Sor treftoutes les autres ars.
Moult i ot chevaliers lombars
Que Redorique ot amenez.
70 Dars ont de langues empanez
Por percier les cuers des genz nices
Qui vienent joufter a lor lices ;
46 LA BATAILLE DES .VII. ARS
Quar il tolent mains héritages
Par les lances de lor langages.
75 Auguftin, Ambroife, Grigoire,
Giroime, Bede & Yfidoire,
Diftrent a la Divinité
Qu'ele efchivaft lor vanité.
Ma dame la Haute Science,
80 Qui n'avoit cure de lor tence,
Lefla les ars tençant enfamble.
A Paris s'en vint, ce me famble,
Boivre les vins de fon celier,
Par le confeil au chancelier,
^i Ou ele avoit moult grant fiance
Quar c''ert li mieldres clers de France ;
Mes d'un petit la tient a foie,
Que quant el defpute en s'efcole
El leffe la droite clergie
90 Et torne a la philofophie,
Et li arcien n'ont mes cure
Lire fors livre de nature ;
Et la gent Gramaire perverfe
R'ont leffié Claudien & Perfe,
9 s . ij . moult bons livres anciens.
Les meillors aus gramairiens ;
Tuit font la contralietez
De la bone ancienetez,
Fifique, Ypocras, Galien,
LA BATAILLE DES .VII. ARS /^"J
'00 Et cil hardi cirurgien.
Cil de rue nueve, Robert,
Et cil de Glatini, Hubert,
Et mettre Pierre li Lombars
Qui Paris triche par fes ars,
'05 Et Giraut, .j. autres deables,
Et meftre Henri de Venables,
Et Raoul de la Charité,
Petit Pont & lor vanité,
Treftuit tornaiffent au gaaing
' 'o S'il i veiffent nul mehaing.
Cirurgie, la vilenaftre.
Se feoit lez .j. fanglent aftre.
Qui moult amoit miex les defcordes
Qu'el ne fift les gentiz concordes.
' ' 5 Boiftes portoit & oingnemenz.
Et granz plentez de ferremenz
Por fachier les quarpaus des pances.
Moult avoit toft retaconnez
Les ventres qu'el vit baconnez.
'20 S'eft celé fcience del mains ;
Mes ele a fi hardies mains
Qu'ele n'efpargne nule gent
Dont ele puift avoir argent.
Je les tenilTe por moult preus
•'5 S'il m'eûffent gari des iex ;
Mes il cunchient mainte gent,
22
^8 LA BATAILLE DES .VU. ARS
Que des deniers & de l'argent
Qu'il reçoivent de lor poifons
Font il a Paris granz mefons.
150
De Toulete vint & de Naples, .
Qui des batailles fot les chaples,
A mienuit la Nigremance,
Qui lor dift bien lor mefeftance,
Que chafcuns ait la telle armée,
13 j Qu'ele avoit garde en refpée.
En . j . quarrefor fift . j . feu.
Lez . j . cerne, entre chien & leu.
La ot . ij . chas facrefiez
Et . ij . coulombiaus forviez
'40 Par la malifne deité
Por encerchier la vérité.
La fille dame Aftrenomie,
Qui de lor maus lor fu amie,
Lor dift moult bien que la bataille
Ert Tendemain fanz nule faille.
Arismetique fift en l'ombre.
Ou ele dit, ou ele nombre,
Que .X. &. ij . & . j .font .xiij.,
Et puis . iij . après ce font . xvi . ;
. iiij . & . iij . «Se puis . ix . arrière
Refont . xvj . en la lor manière ;
. xiij . & . xxvij . font . xl .,
Et . iij'^ . par eus font . lx . ;
'45
LA BATAILLE DES .VU. ARS 49
. v'='' . font . c . & . x": . mil.
' i 5 Monte plus li contes ? Nenil.
L'en puet bien conter . m . milliers
Par le conte qui eft premiers
Du nombre qui monte & defcent,
Qui en contant vient d'un a . c ..
léo De la fift la dame fon conte,
Que uferier & prince & conte
Aiment miex hui la conterreffe
Que la chançon de la grant mefle.
Arismetique fi monta
"^î Sor fon cheval & fi conta
Treftoz les chevaliers de Toft ;
Et ele avoit a fon acoft
Sa compaigne Giometrie
Qui la refefoit fa meftrie,
170 Qu'entre . ij . os en une place
Fift . j . compas de brieve efpace,
Et û dift qu'en . m . piez de terre
Seroit finée celé guerre.
Ma dame Mufiqueaus clochetes
'75 Etfi clerc plain de chançonnetes
Portoient gigues & vieles,
Salterions & fletiteles ;
De la note du premier fa
Montoient dufqu'en ce fol fa.
'80 Li douz ton diatefalon,
Diapante, diapafon.
50 LA BATAILLE DES .VII. ARS
Sont hurlées de divers gerbes
Par quarreûres& partrebles.
Par mi Toft aloient chantant,
'85 Par lor chant les vont enchantant.
Celés ne fe combatent pas ;
Mes Donaet ifnel le pas
Ala tel cop ferir Platon
D'un vers berfé rez el menton
'93 Qu'il le fift treftout efbahir ;
Et dans Platon par grant aïr
Le referi fi d'un fofifme,
Sor Pefcu, par mi une rime
Qu'il le fift trebuchier el fane
'95 Et le couvri treftout de fane.
Ariftotes fiert Precien
Noftre haut preudomme ancien
Qu'il le fift a terre voler ;
Du cheval le volt défouler.
200 Mes Preciens ot . ij. neveus
Qui moult eftoient biaus & preus ,
Dant Agrecime & Dodrinal ;
Li efcloperent fon cheval ,
De fon cheval firent trepié.
20J Ariftotes, qui fu a pié,
Si fift cheoir Gramaire enverfe.
Lors i a point mefire Perfe,
Dant Juvenal & dant Orace,
LA BATAILLE DES .VII. ARS 5l
Virgile, Lucan & Eftace,
*"> Et Sedule, Propre, Prudence,
Arator, Orner & Terence :
Tuit chaplerent for Ariftote,
Qui fu fers com chaftel for mote.
Preciens o fes . ij . neveus
*'5 Li voloient crever les iex.
Quant Elenche & les . ij . Logiques,
Perealmaines & Topiques,
Et livre de nature, Etique ,
Dame Nigromance, Fifique,
"o Et dans Boices & dans Macrobe
Veftu d'une chetive robe.
Et Porfire vindrent le cors
Por fere Ariftote fecors.
Li Lombart dame Redorique
"S Poinftrent après Dialetique ;
Ja foit ce que pas ne l'amoient,
Quar de petit la connoiflbient.
Mes maint preudomme i mehaignierent
Por ravoir qu'il i gaaingnierent.
^'0 Predicamenz & Sex Principes,
Dui bon achateor de tripes,
Poinftrent après dant Barbarime
Qui chevauchoit foi cinquantime.
S'ert il homme lige Gramaire
»5 5 Des meillors genz de fon aumaire,
Mes il maintenoit celé guerre,
5a LA BATAILLE DES .VII. ARS
Qu'el païs Logique avoit terre.
Par trahifon eftoit tornez
Por ce qu'il ert de Poitou nez.
240 Icele pefme gent amere
Poinftrent for Gramaire lor mère.
Qui la veïft lances lancier
Por ces bons au6tors efpancier,
Hochier teftes & batre mains,
24s Et aus langues lafchier les frains.
. M. quarriaus voloient enfamble
Peorsquede fauz ne de tramble.
Qu'il a plus venin en paroles
Qu'en . c . M . maçues foies.
*so Et li au6lor fe deflfendoient
Qui de granz plaies lor fefoient,
De caniveçons & de greffes,
De longues fables & de beffes.
Lor chaftiaus fuft bien deffenfables,
2SS S'il ne fuft fi garnis de fables
Qu'il ajoingnent lor vanitez
Par lor biaus mos en veritez.
Gramaire lor fiert . j . defciple
Parmi le cors d'un participle
260 Qui le fift a la terre eftendre,
Puis li dift : « Or alez aprendre. »
Puis en fift , V . cheoir for l'erbe
Par la pointe de fon a verbe ;
Mes dans Sortes la fift repondre,
LA BATAILLE DES .VII. ARS 53.
2^5 Qu'el ne pot pas a toz refpondre.
Vers ceux d'Orliens s'eft adrecie,
Qui Tont longuement effaucie.
En la parfondece d'un val
Li alafchierent fon cheval
*7o Qui fouftenoit Ortografie,
Le fondement de la clergie ;
Puis fift arrière fes retors
Dame Gramaire a fes auélors.
Qui veïft logicieniaus
*75 Comme ils tuoient auéloriaus
Et fere ces deftrucions
Sor ces gentilz construcions.
Li fofiflre les defpifoient
Por ce que pas nés entendoient,
280 Que tant i ot de contredit
Que pou fet Tun que l'autre dit.
. j . chevalier Parealmaine
Tua mon feignor Architraine,
. j . des barons de Normendie ;
*85 Emprès ce fi tua Tobie.
. iiij . en tua en . j . randon.
Et Gejla ducis Macedum
Et la Bible verfefiée
R'a il d'un grant mail efmiée.
^90 Mes quant vint aus Patrenomiques,
Onques la mefnie Topiques
Nés porent percier par efifors.
54 LA BATAILLE DES .VII. ARS
Tant font Patrenomiques fors.
Dant Jujiè & Preterea
295 Si tuèrent Pr opter ea.
Le bon Ego mei vel mis,
Qui eftoit trop lor anemis,
Qu'il ne forent dont il venoit
Ne comment il fe declinoit.
}oo Quant Logique ot fet fa proefce,
Si s'en revint a grant leefce
A l'eftendart, a fa baniere ;
Lor fe treftrent li oft arrière.
Aftrenomie & Redorique
505 Diftrent a la Dyaletique,
Ainçois que il fuft aferi
Entraiffent en Mont Leheri.
Les dames, qui moult fages erent,
Dedenz Mont Leheri entrèrent,
J'o Et nel firent pas por cremor,
Ainz le firent tout por Tamor
Qu'els voudrent le chaftel avoir ;
Et de ce firent els fa voir,
Qu'els aiment les chofes hautaines,
3 ' i Et Gramaire aime les fontaines.
Li audor furent moult troublé
Qu'enfamble fe font aflamblé,
Que l'arriére ban atendoient.
Que dui chevalier amenoient.
LA BATAILLE DES .VII, ARS 55
320 Le Primat d'Orliens & Ovide
Ramenoient en lor aide
. X . M . vers de grant randon
Embrievez en lor gonfanon,
Qu'Ovide teffi de fes mains
î*s En l'eflil ou il fu du mains :
Marciacop & Martien,
Seneque & Anticlaudien
Et dans Bernardins li fauvages.
Qui connoilToit toz les langages
350 Des efciences & des ars.
Cil ne venoit pas comme gars,
Ainz amenoit iffi grant route
Que la terre en couvri treftoute.
Eftacez, Achileidos,
5; $ Qui avoit fort pis & fort dos
Menoit par devant foi les hez.
La fu li fages Chatonez,
Avionès & Panfîlès ;
La portoit dans Theaudelès
540 Une baniere mi partie ;
Toiflu i fu par grant meftrie
Dans Sextis percié fon efcu
Que Alicia ot vamcu,
Qui painte eftoit de l'autre part.
545 La baniere comme liepart
Sivoient tuit cil tupinel ;
Si legier font & fi ifnel
23
^ LA BATAILLE DES .VII. ARS
Par . j . pou que il ne voloient.
Par . j . pou que il ne prenoient
jio Par mi les piez dame Logique,
Aftrenomie & Reaorique.
Mes els font fi haut herbergies
Qu'els les fièrent de lor corgies
Et des langues l'air & le vent.
? s s Lor clers en encreffent fovent,
Qu'eles en font treftoutes quaffes.
Les dames ont les langues laffes ;
Logique fiert tant en fa main
Qu'elea mis fa cotele au pain.
560 Coutel nous fet fanz alemele,
Qui porte manche fanz cotele ;
De fes bras nous fet aparance,
Sor le cors n'a point de fubftance.
Reaorique li vait aidant,
36s Qui a les deniers en plaidant.
Autentique, Qode, Digefte
Li fet les chaudiaus por fa tefte ;
Quar ele a tant d'avocatiaus
Qui de lor langues font batiaus
570 Por avoir l'avoir aus vilains
Que toz li pais en eft plains.
Uns des garçons dame Logique
Fu envolez a Gramatique ;
Lettres portiot por la pès fere.
LA BATAILLE DES .VII. ARS
J7S Mes de ce ne me puis pas tere,
Que quant il vint a la mefon
Qu'il n'entendi pas la refon
Des prefenz ne des preteriz,
La ou il ot efté norriz ,
j8o Que poi i avoit demoré.
N'avoit pas bien aflavoré
Conjugacions anormales
Qui a décliner font moult maies,
Averbes & pars d'oroifons
jSj Articles & declinoifons,
Et genres & nominatis.
Et fupins & imperatis,
Cafés, figures, formoifons,
Singulers, plurers, . m . refons,
390 Qu'en la cortGramaire a plus d'angles
Qu'il n'a en Logique de jangles.
Li gars n'en fot venir a chief ;
Si s'en revint a grant mefchief.
Mes Logique le conforta,
Î9J En fa haute tor l'en porta.
Si le voloit fere voler
Ainçois que il peûft aler.
Aftrenomie, qui haut vole,
N'a mes ne recet ne efcole,
400 Ne en païs, ne en contrée ;
Ele fuft ja toute efgarée,
Ne fuft mettre Gantiers li preus,
58 LA BATAILLE DES .VII. ARS
Qui de petit en fet fes preus,
L'Englois qui lut for Petit Pont,
40J Qui por povreté fe repdnt.
Et Gramaire û ert alée
En Egypte, ou ele fu née.
Mes Logiquje eft ores en cors,
Chafcuns garçons i cort le cors
4'o Ainçois qu'il ait paffé . xv . anz ;
La Logique eft ore aus enfanz.
Logique eft de moult mal ator
Sor Mont Leheri en la tor ;
La demaine ele fa meftrie ;
4' 5 Mes Gramaire la contralie
De fes auélors & d'autorez
Sentencieus & legerez.
Eqo fi refpont en la tor
Des granz cops que Ten fiert entor>
420 Quar toute jor getent lor rimes.
Ele fe deffent de fofimes :
Sovent les fet cheoir envers
Et il li relancent lor vers,
Si que toz li airs en eft nubles.
42! Ele fe deffent d'iflblubles,
De foluces & de fallée.
Li autorel font teus rabée
Qui ilueques font alfamblé,
Quant il auront tant voleté
LA BATAILLE DES .VII. ARS 5g
4îo Que ja d'iluec ne partiront
Defi au jor que il charront ;
Et s'eles chiéent en lor mains.
Il les menront du plus au mains.
Por noient i font lor atentes,
43 5 Quar Aftrenomie a lor tentes.
Qui defor els geta la foudre ;
Toz les pa veillons mift en poudre,
Et li autorel s'en fuirent,
Qui la Gramaire déguerpirent.
440 Verfefieres li cortois
S'enfui entre Orliens & Blois.
Il n'ofe mes aler par France,
Qu'il n'i a nule connoiffance ;
Q.uar arcien & difcretiftre
445 N'ont mes que fere de lor giftre.
Li Breton & li Alemant
Font encore . j . poi fon commant ;
Mes fe li Lombart le tenoient,
Icil le par eflrangleroient.
45° Seignor, li fiecles vait par vaines ;
Emprès forment vendront avaines,
Dufqu'a . xxx . anz û fe tendront,
Tant que noveles genz vendront.
Qui recorront a la Gramaire,
455 Aufi comme l'en foloit faire
6o
LA BATAILLE DES .VII. ARS
460
Quant fu nez Henris d'Andeli,
Qui nous tefmoingne de par H
C'on doit le cointe clerc deftruire
Qui ne fet fa leçon conftruire ;
Quar en toute fcience eft gars
Meftres qui n'entent bien fes pars.
Explicit la Bataille des . VII . Ars.
VARIANTES
(1)
LAI D'ARISTOTE
A. Paris. Bibl. nat., f. fr., ms. 837 (anc. 7218), f. 80 c à 83 a.
B. » » » ms. 1593 (anc. 7165), f. 154 a à 156 d.
C. » » » nouv. acq. m. 1104, f. 69 c à 72 h.
D. » » » f. fr., ms. 19152 (anc, S. G. 1830 et 1239),
f. 171 r à 173 f.
V. 1, B C. De conter biaus moz. D heax, de même v. 4,388. Le D
initial n'a pas été exécuté en B par le rubricateur. — 2, C l'en, de même
V. 3. 4. — 3, D reprandre. — 4, B quant. . . entandre. — 6, A De bien,
B C Des biens. A B se doit on esjoïr. — 7, A Li bons, B Li bons cors
soit. — 8, A B C Et. A la frume, B l'anfurne. — 9, D Ausi tost
con. — 10, A Ausi. B Ainsi. A li.j. . D le desloent. — 11 , A loant.
B les bones gens dissant. C Et vont adès le bien disant. — 12, A C
le. D la. — 14, A de lor. — 15, B en. — 16, A A ceus. . . en tel. — 17-18.
Ces deux vers manquent à A B. — 19, A por qoi il. B omet por qoi. —
20, B po. C pou. D poi.
22, A meffet. — 23, A fol. B Cil ai. D Molt en ovrez vilainement.
— 24,1) Si péchiez. C mortement. — 25, D L'un. — 26, A Et li autre
s'est. C Et li autre rest. D li autres c'est. — 27, A vilonie. B vos
vilenie. C As genz la vostre felonnie. D voz. — 28, A c'est cuers
de félonie, B cruel villenie. D cruez. — 29-32. Ces quatre vers manquent
(1) On donne ici toutes les variantes de leçons, mais seulement les
principales variantes de formes.Voir, à l'égard du ms. B., Y Introduction,
p. CXII-CXIV.
62 VARIANTES
à A B C— 31, D demorez, corr. demorer. — 33, D A. — 34, C Qu'en,
de même, v. 171, 341. — fô, B Que.— 36, B se ne. — 37, B issont.
— 38, D Oe. C D revenrai. B revenra. A ditié. B trader. — 39, D
D'un affaire que g'enpris ai. B omet le B initial. — 40, B C
matire. D l'aventure.
41, B j'oi la verte. C j'en oi la reson. D ge oi la matere. — 42, B
Que. D desploiée. — 43-44, A. B C Et dire par rime et retrere, sanz
vilonie (B C vilenie) et sanz retrere. Retraire écrit d'abord en B au
V. 44 a été ensuite remplacé par contraire. — 46, B en. C contée en.
D escoutée a. — 47, B lors. A rimer. D Ne ja jor que je vive en
m'uevre. — 48, A de vilonie ouvrer. B Ne quier je vilenie nommer.
C vilennie. D Norrois vilanie remuevre. — 49, A Ne le l'empris.
B ne enpanrei. C Nonc ne l'empris n'empenrai. D Qu'ainz ne. —
50, B ja a vilaim ne respondrei. D Ne vilain mot n'i reprandrai.
C omet ce vers. — 51, A En dit n'en oevre. — 52, A B C se. — 53, A
Et toute riens a. B A tote riens et sa seur. C Et toute chose a sa
saveur. D saveur. — 54, B Ne ne m,e fera troveur. C troveur. D Ne ne
quier estre troveur. — 55, A C De rien que voie. B De riens que
vive. — 56, A Quar vilain mot vont anuiant. D vilain mot. B va. C voit .
— 57, C D essamplaire. — 58, A doit. B peust. C puet. — 59, A S'ert.
B Si ert en H de frut et d'espice. — 60, A dresse. B Qrice.
61, A si. B tet fu sires. — 62, A Qui. B mostra s'ires. C mostra.
D princes monstra. — 63, D ax. De même v. 210, 231. B etbessier. C dan-
ter — 64, B henorer. — 65, A B C Ce li. — 66, A est. D Qui as autres
sanble estre. — 68, A Que tant. B Et tout. B C ainme, de même v. 188.
— 69j A larguece. D por. C maintenir. — 70, D bien. — 71-84. Ces
quatorze vers manquent à A B C. — 76, D chascun, corr. chascuns.
83, D Le franc, corr. Li frans ; poir, cor. pooir. — 85, D Li sires. A
Gresse. B D Egipte. — 86, C sozgite. D sozgipte. — 87, B De novel
vice le majour. D Inde. — 88, A Om ert. B S'ert la demorée a séjour. C
assejor. — 89, A Se vous me voliiez. B voliez. D omet vous. — 90, B
Par quoi. — 92, B Si vos direi. — 93, C tant. — 96, A en buies. B en
brade. C en braie. — 96, B iert. — 98, A B trové. — 99, A c'on pot.
D si bêles.
VARIANTES 63
101, B C Fors avec. B a estre. — 102, B Moult. A C poissanz.
B puissant. — 103, D -Que. B des monte les plus puissant. — 104,
B omet et. C obediant. — 106, B oblie. D obeist tôt a. — 107, B haut
pris. — 108, D Puis qu'el. A empris. D sorpris. — 110, B Qu'atant. D
Que tant. B sei*r. — 111, B povoir. — 112, D Quant sor trestout le plus
preudome. — 114, omis par B. — 116, B moult H tesmaint. — 117, A
De ce que. — 118, A que. — 119, A Oncques d'avoec. D Que d'avuec lui
ne se remuet. — 120, A refuser. B qu'amander ne lo puet. C nu.
121-136. Ces seize vers manquent à ABC. — 137, B Moût. D ses
genz. — 138, A Mes par derrim-e moult. B le. C Mes en derrière
tant. — 139, A Quant son mestre. B ses meistres. C son mestre. D
son maistre. — 140, A Si est bien droiz. D C'est bien raison. B
que il deslot.
141, B consoil. D consaill. — 142, B Dit li moult. D Et dit mar
avoir. C avez ariens mis ; Yn a été pointé et l'abréviation ' écrite
au-dessus. — 143, D Les bachelers de son reaume. B de nos reaumes.
C roiaume. — 144, C Por une seule. D d'une feme baude. — 145-146.
Ces deux vers manquent à D. — 146, C Qui autrement ne s'escondi. —
148, D Ge croi. — 149, A Qui por fol m'en voudrent. B me. C vodroient,
D Qui por fol l'en. — 150, B omet n'en. B soûle. — 151, B Nan n'an.
C Ne m'en. D Par droit n'en doit paire. — 152, C Et qui de celé me.
D Et qui de ce le roi. — 153, B Si maint. D Si fait ce que. — 154, A
d'amors, B d'amours de treuve. D en son cuer trueve. — 156, D Ce
qu'en... estait. C Quanqu'en. B tote élargie estoit. — 157, A B se. C
sil. D Vint au roi et puis. — 158, A Que on li tomoit. B atoment. —
159, B que en. .se mainne. D Que il en. — 160, B tôt. D Et que trestote.
161, C Maint avec. — 162, B Que il ne fait solaz. D Ne ne fait.
— 164, D Or croi. — 165, D fait. A C D son. — 166, D Si vos porra on.
C en. — 167, B Ainsi com une. .proie. C Aussi comme une. D Ausi con
autre. — 168, B le san fors de voie. C destrempé. — 169, D pucele. —
170, C Vo. D Le vostre cuer. B estrange. — 171, D raison. — 172, B
prier. C voit. B C rover. — 173, A A départir. C Que guerpissiez si
fet. — 174, B mesage. — 175-180. Ces six vers manquent à A B C.
181, C einsint. D Ainsi Alixandre. B demu^re. — 182, B Et
24
64 VARIANTES
s'estint mainz jors et mainte huere. C D et maint. D heure. — 183, C
vait. B n'apruche. C D n'aprouche. — 184, B repruche. D reprouche. —
185, B Que il ost. — 186, B volunté. D volenté. B pes. — 187, C Ne qu'il
seul. — D selt. — 188, A l'en aime et miex l'en. B C l'ainme. D Que
mielx. . . mielx la velt. — 189, A Que il ne feist onques mes. B Qu'il
ne fist omques mais. C Plus qu'il ne fist onques mes. — 190-216 sont
remplacés en A B C par les trois vers suivants :
Hontes et m,esdiz et esmès (A mefÇès)
L'en fet tenir (A couvrir) tant qu'a ccli
Rêvait (A revaj qui tant (C molt) li abeli. " '
217, A Et la dame. B La dame estait. C Et la bêle est em,. — 218,
B Que. C ère. — 219, A Par. — 220, D Puis dist. A por vostre.
221, D Me sui bien perceue. — 222, B. se porsuire. — 223, A D'aler
veoir ce que. B De tant veoir ce que. D De veoir chose qui. — 224, D
puis. — 226, B Ne vos am mervoilliez vos mie. D Or ne vos en mer-
veilliez mie. — 227, B Qu demorer. D El demorer. — 229, D hlasmerent.
C molt. A malement. D laidement. — 230, B eschaufemant. — 231, A
Aloie et venoie. D Esloie sovent avuec ax. — 232, A mon mestre. B C
c'est. D max. — 233, B Que. — 234, B sai que. D Et ge sai bien que
g'ai. — 235-236 ne sont pas en A B C. — 235, D amis, corr. a mi. —
237, D ge douta. — 239, D fait. — 240, D Mais s'arz et enging. B
a interverti les deux vers 239-240.
241, B verroiz. C Je me voudré de lui. D Qe m'en saurai molt
bien. — 242, B li porroiz. C Si que miex porroiz. D Que mielx li
porroiz reproschier. — 243, A Et prendre de honte. B Et repanre de
mute. — 245, B dusqu'a. — 246, C me. D force abandonne. — 247, A
Qui ja poissance. B Que puissance ja nu faudrai. C ja ne ne. — 248,
D Ja contre moi. B varrei. — 249-252 sont remplacés en A B C par ces
deux vers : . . . i .
Dialetique (A Dyaletique) ne clergie.
Dont (B Dan, C Ou) saura il (B saurei. C il saura) trop d'escremie.
VARIANTES 65
— 253, B si l'apercevrez. C parcevei-es. D si le parcevroiz. — 2Sâ-264,
Ces dix vers manquent à A B C.
2fô, B es. C D as. — 267, D s'esbahi. — 269-270. Ces deux vers
manquent à A B ; C donne à leur place :
Si en commença a noter
Et ceste chançon a chanter.
— 271, D fins cuers dolz. — 273, D Dont me. — 2Th, A B Si qu'a nul
autre. B n'an. — Au lieu des cinq vers 271-275, C donne ;
Main se levait bêle Erembours.
Moût estes vaillanz, biaus cuers douz.
D'autre ne quier avoir regart.
Si me doinst Dex mauves escueil.
Amors ai te [/es] con je veil
Si qu'a nule autre ne daim part.
— 277, C vet. — 278, A fu tens. B A matin. — 279, B esvoillier dancrin.
D La bêle la blonde. — 280, C Et H. D Mais li. B pes.
281, D Lors s'est. — 282, C Enz ou. D El vergier desoz. — 283, D
inde et goslë. — 284-287. Ces quatre vers sont remplacés en A B par
les deux, suivants :
En la matinée d'esté
Si fesoit douz (B coi) et qoi (B douce) oré.
et en C par ;
Car la matinée d'esté
Estoit douce et de qoi oré.
— 288, A B l'avoit. D flore. — 290, D En tote. — 291, B ne. — 292, B
Et si cuidiez qu'ele n'eust. C Si ne cuidiez pas. D Ne ne cuidiez qu'ele
eust. — 293, A Loié. B Lié. C Liée. D JVe guinple loié. — 294, B Ci. —
295, B La baie. A treche. C Sa tresce grosse. D blonde et longue. —
66 VARIANTES
296, A le. B pes. — 297, D bîax. — 299-300. Ces deux vers manquent
à A B C.
301, B Si vet. C Si vait. D S'en vait. — 302, B Chante voiz bes.
C Chantant vait bas. D Chantant basset. — 303-308. Ce couplet diffère
beaucoup dans les mss. ; les vers 307-308 se lisent ainsi dans A :
Or la voi, la voi la bêle
Blonde, or la voi.
Leçon de B :
Or la voi, la voi, la voi
La fontenne i cort série
A glaiolai desoz l'anoi :
Or la voi, la voi, la voi,
La baie blonde, et H m'ostroi.
Leçon de D :
C'est la jus desoz l'olive,
La la voi venir m'amie.
La fontaine i sort série
El jaglolai soz l'atinai.
La la voi, la voi, la voi,
La bêle la blonde, a H m'otroi.
Leçon de C :
Or la voi, la voi m'amie,
La bêle blonde, a li m'otroi.
La fontainne i sort série.
Or la voi, la voi m'amie.
Une dam,e i ot jolie
Ou glaiolai desouz l'aunoi.
Or la voi, la voi, la voi,
La bêle blonde, a li m'otroi.
VARIANTES 67
Après le vers 308, B donne ces deux vers qui ne sont pas dans
A CD :
Alixandres estait levez
A la fenestre iert escautes...
— 309, A Quant fi rois la chançon. B Ou la chançonate. D sa. —
310. A l'oreille et li cuer i. B Car son cuer et s'oroille i. — 312, B le.
C li. D S'amor le fait tôt resjoïr. — 313, D et son, — 315, A C D Son. —
316, A bone leaus lontaine. B loigtennes. C lointainnes. D fines loiax
loigtaignes. — 317, B apruchier. C aprouchier, D Sont molt bones
a raproschier. — 318, D Ne mais ne Vira. C D reproxtchier. — 319, A
ne n'en rendra. — 320, Tant saura de folie.
321, B Et iert de voluntë. C Qu'il ert de volenté toz. D Et tant ert
de volentez. — 322, C Levez s'erl et sist. D Levez est et. — 323, C la
bêle. D Voit celui. — 324, A Au. B mat el. — 3:fô, D Tex que ses livres.
— 326, BC Et dist hé (C ha) Dex car venist ore. D Ha. — 327, B mireours.
G mireors. D miroers. — 328, B metroe. — 329, A B se. B metroe. — 330, B
feroe. — 331, B tôt sai et tôt puis. C QwXntje. — 332, A De ma folie.
— 333, A C'un seul. B Qui sans. C C'un setts. D sels. — 334, B vueil
que je teigne. C D velt. C je tiengne a hoste. D gel tiegne. — 335-336.
Ces deux vers manquent à D. — 385, A honor. — 336, B a. A hommage.
— 337, A mon cuer. D mes sens. — 338, A Que je sui toz viez et chenuz.
— 339, B pelez. D Tains et noirs et 'pales. — 340, A Et plus en sui
aspres et.BEtplusen filorpres et. C Et plus en filosophie egres. D agrès.
341, B Qu'on ne sache ne cuide. C ne qu'en. D ne qu'an. — 342, A
Mal ai emploie mon. D Bien ai emploie mon. — 343, B Que. D cessai.
B apanre. — 344, B desprant. — 345, B tant. — 346, A aprendant .
B esprandre. D En aprenant ai. — 347, B \esprandant. — 448, C vait.
— Les vers 348-355 sont réduits aux quatre suivants en A B :
Puis qu'amors me va si prenant (B prendront)
Que je (B supp. jej ne le (B laj puis contredire.
Ainsi li mestres se detire
Et moult (B moût) durement se démente.
(58 VARIANTES
en C :
Pus qu'amors me vaît sî prenant '
Que je ne H puis contredire
Ne son valoir pas escondîre. •
Ainsi H mestres se démente.
— 356, D chapel. — 357, D / assenbla de plusors. — 358, B A faire. —
359, A en cueillant. B en coillir les florates. — 360, B teignent
amorestes.
361 manque dans ABC— 362, B doucetes. A bêle. — 363, B teignent
amorales. — 364, B m'amiate. — 365, B s'abenoie. — 366, A Meslre.
B s'esmoie. — 367, A De ce qu'ele plus près né vient. C De ce que près
de li ne vient. — 368, B quanque H vient. — 369, D De lui. A retrere. —
370, B seate li vuet. C li. C D velt. — 371, B C empanée. — 372, A Moult.
C D travaillie. — 373, A Que sa volentez. B Qu sa volunté. C Qu'a sa
volentez. — 374 manque à B. — 375, D sor son Mon. — 377, B Qu'elle
voie. D Que maistre Aristote. — 378, D Mais. — 379, D beau. B vost.
C voit. D vait. — 380, D Vint vers la fenestre. C vient. B sa fenestre
en chantant.
381, A Les vers. B .j. ver d'unne chançon descuevre. C .j. ver d'une
chanson atoile. D chaçon. — 382, A pas que cil se. B vuet. C velt.
B cuevre. C caille. D Quar nature que cil se cueille. — 383 manque à B.
— 384, A Lez .j. D fantele. — 385, B omet et. D Dont l'aive est bêle et
clere la. Manque à A. — 386, B Siest fille en sa main. D ses dels li
renouvelé. — 388, A Ahi quens Guis. D quans. — 389, B mi. D omet
me tôt. — 390, A si s'en. D Quant ot ce dit, si très près. — 391, A Lez
la. B longue. T> De la fenestre qui ert. — 392, A Et cil. D Que maistre
Aristote. — 393, B Qu'il cuide trop. C Qui cuide trop. — 394-397. Ces
quatre vers manquent à D. — 394, A o desirré la pucele. — 395, A
A cest mot. B A cesl col. C la chandoile. — 396, C jus a. A vil.
B jusqu'à terre l'abat. — 397, B Que prins. — 398, D Bien fait senblant
d'estre marrie. — 399, B C Qui est ce Diex fet ele aie. D Celé puis a
dit Diex aïe, — 400, A A foi. D Qu'est ce qui ci m'a. A retenue.
401, B C vos soiez bien. — 402, D prevoz ert. — 404, A Sire, —
VARIANTES W
406, B fait il. D amie. — 407, D et vie. — 408, D HoMur et tôt en. —
411, A Ha sire. C dit. D fist. B dois puis. — 413, B ne. D seroiz. —
415, B que. — 416, A Et moult. — 417, A o moi esbanoiant. D avuec
moi arestant. — 418, B fait il. D Bist Aristotes, or laissiez. — 419, D
Quar. B apaiez. C apesiez. D abaissiez.
421, B escris. — 422-^3. Ces deux vers manquent à A B C. — 425, B
desier. D E mon desirrer m'apaiez. 426, B Gent cors et. — 427, B Mes-
tres avant que vos. D Ha maistre avant. — 428, C la bêle. D Fait. —
429, A Avant .j. — 430, A B d'amors. C estes por moi. — 431, A Quar
uns mentit granz. C molt talent très grant. — 433, B «Sus ceste herbe
en cest vargier. G Sor ceste herbe en cest biau. D Desor cet. — 434, D
fait. — 435, A B Qu'il ait sor vo (B vos) dos. — 436, A Si serai plus
fionestement. B S'iré plus honoreemcMi. D S'iere plus. — 437, A H
respont briefment. D Li viellarz. — 439, A Com cil. . . toz entiers.
B C Si com cil. — 440, A a desroi. B C nature. D l'a amors mis.
441, C du. — 442, A comporter. D Aporte el vergier en. — 443, ABC
Bien fet amors de (B du. C d'un) sage fol. — 447-447. Ces quatre vers
manquent à A B C. — 449, A Que tout. B Quant lo meillour clerc de
cest mont. — 452, D Tôt chatonant par desor. — 453, B Si. C Prenez
essample a cest. D Ci convient. — 454, B S'an. C Que bien saurei.
D Gel saurai. — 456, A le. — 457, A Parmi le vergier. B C La da/moisele.
— 458-461. Ces quatre vers manquent à A B C.
468-463. Ces deux vers manquent à A et sont intervertis en B C :
En lui chevauchier (B ctievachantj et déduit (B deduist).
Par mi le vergier le (B se) conduit (B eonduist).
— 464, D Et chante haut. B sainne. — 4ô5, CAinsint vait. B qu'amours.
D mainent. — 466 manque dans B C. D Bêle doe ighee laine. — 468, C
Ainsint vait. D mainent. — 469, C Et ainsint. D Et qui bon amor. —
En B, 467-469 sont réduits à ces deux vers ;
Et ainsit qui la maintient
Meistret miusars me sostient.
70 VARIANTES
— 470-473 manquent en D. — 470, D iert. — 471, B le tour. — 472-J73
manquent en B C. — 474, B que vat ce. C Mestres, ce dist li rois, que
vaut ce. D Maistre, dist li rois, que volez. — 475, B Bien ai vehu que
vos chevache. C Je voi bien que on. D Qe voi bien que vos chevachiez.
— 477, D vos maintenez. — 479, A veir.
482, A B metez. C Einz estes mis. — 483, B lieve. D dreça. — 485, D
Puis. A honestement, — 48(5-487. Ces deux vers manquent à A B C. —
488i C Droit oi. D Ge oi droit et. — 489, A Que en droit. B Que. A vous.
— 491, D qui plains sui. — 492, D ne puet. — 493, D mené. — 495, D Ce
que. — 496, A Me. D M'a amors dejfait en eure. — 497-511. Ces quinze
vers manquent à D qui ajoute ce vers de raccord ; Li rois fu liez en
iceste eure. — 497, B trestot devoure. C prent. — 499, C Pus qu'il.
501, B C pouez. — 502, B nostre. — 503^ B Moût se rescuet. — 506, B
quanqu'ele enprise a. — A partir du vers 507, C supprime la fin du poème
et la remplace par ces six vers :
Miex velt estre sanz compaingnie
Qu'avoir compaingnon a amie.
Par cest lai vos di en la fin :
Tex cuide avoir le cuer molt fin
Et molt sachant tôt sanz essoine
Qui l'a molt povre a la besoingne.
— 507, A l'em. B l'an, corr. l'en. — 510, B Mes bien s'an fu tant. —
511, B De ce que si. — 512, D son maistre. — 514j D parfornir. — 515, B
au tenir. D el. — 516, B [0] r. — 518, B Caton. — 519, B Qu'a fait.
D Qui fist. — 520 manque à D. B hons.
521, D Turpe est doctum. — 522, A Gâtons dit en ce vers. D et cist
vers le glose. — 523, D Fox est qui blasme a autri chose. — 524-525. Ces
deux vers manquent à D. — 524, B a force. — 525, B a tmnui. — 526, B
que. D Dont est repris et qui. — 528, B Alixandre. D est. — 529, B
Aristotes et mesama. D Son seignor et mesaama. — 532, D En amor
si. — 533, B Qu'i. D Qu'il n'i misl onques nul deffaiz. — 534-535. Ces
deux vers manquent à D. — 534, A B cil, corr. s'il. — 535, B a. — 536, B
VARIANTES 71
la força. D Ce fist amors qui l'efforça. — 537, A B Qui sa volenté H
dona. D volenté, corr. volentes. — 538, D De toz et de tûtes. — 539, B
moi. — 540, B Nuule (ou nunlej corpe.
541, D Quant ne mesprit par. B esprinsure. — 542, A B droiture.
— 543, D cest. — 544, D Si dist et demonstre. — 545, D dessevrer. Le
poème finit en D à ce vers, au-dessous duquel on lit ; Explicit d'Aristote
et d'Alixandre. — KO, B laiaus arriéres. — 563, A B Amors, corr.
Amor. — 556, A H mal. B traient. — K7, B Qu'ainsi amoiirs vont et
essaient. — 559, B loiauté. — 560^ B S'estande et suffre.
561, B joe. — 562, B par déduit. — 567, B Et deffait ses volwmtez.
— 569, B Bois puis. — 573 et 574, A amors. B amotirs, corr. amor. —
574, B soffre. — 575, B siet merir cest. — 576, A Que H amant sueffrent.
B soffre. — 577, B lo. — 579, A duerra. B cis. — B Explicit d'Aris-
totes.
25
72 VARIANTES
BATAILLE DES VINS
A. Paris, Bibl. nat., ms. fr. 837 (anc. 7218), f. 231 c à232 c.
B. Bibl. de Berne, ms. 113, f. 200 a à 201 a (1).
V. 1, B Segnor oies. — 2, B Qui avint jadis sor. — 3, B Felipe. —
7, B aumaçor. — 10, B qu'il avait soi. — 11, B qui fu. — 12, B me-
sages. — 13, B C'alaissent le mellor vin. — 15, B Primes... Cipre. —
16, B Ipre. — 17, B Ausais... Mosele. — 18, A Anni. B Rochele. —
20, B Melen. . . Treveborc.
21, B Plaisence. — 22, B Espagne. — 23, B Monpellier. — 24, B
Carcasone. — 25, B Mosac. . . Saint Melion. — 26, B Saint Tion. —
27, B Jarguel. — 28, B Argentuel (de même v. 77, 88, 96). — 31, B
Sesane. A . vij. mois. — 32, B Vin d'Anjo, vin de. — 33, B Chastel
Raol (de même v. 138). — 34, A vins. B le Bardai. — 35, B Sansuere.
— 36, B Verselai... Auçuere. — 37, B Tonaire... Flaveni. — 38, B
Saint Porçain. . . Soveni. — 39, B Chabliues.
41, A vert. — 42, B uef. — 43, B Trestat vinrent. — 44, B Sor. —
45, B cisne. — 48, B abuvrer. — 49, A B Un, corr. Uns. B Vestale. —
51, B S'escumenia (de même v. 179). A dans. B Mavel. — 52, B Qui
craist ens es clos de Biavès. — 55, A Rogoel. — 56, B gâtes cranpes. —
57, B rogne. — 58, B vergogne. — 60, A Les amainent feront a cart.
B prestre. B transpose les deux vers 59-60.
61, B jamais n'entrassent. — 62, B La u nul prodome. — 63, B
Mae liu/i-e ii Biauvoisins. — 64, B lor cher. — 65, B Ces .ij. vins n'en
cacha il pas. — 67, ^ Le vin . — 68, B Ne proisa il. — 70, B Par ça qu'en
esté se tornerent. — 73, B Vin d'Arjenees, Chanhwre, Resnes. — 76, B Je
sai. . . acheist. — 78, B larme d'uel. — 79, B qu'i. — 80, B fix... glas.
(1) V. quelques formes signalées dans Vlntraductiqn, p. cxv-cxvi.
VARIANTES 73
— 82, B sues. — 83, B Iceste trives sont enfraites. — 84, B val. — 85,
B Au tesmoing do. — 86, B Dueil. — 87, B sac. — 88, B trop. — 90, B
Saces. . . plenons. — 91, B Que fait. A d'Auçuerre. — 92, A 2^ vin de
Laucei de Tauçons. — 93, B Icil . ij. pèsent. — 94, B dotent. . , seir. —
95, A Espemai. B et. — 96, B /« aces aviller. — 98, B Par Deu trop
te fais conestable. — 99, B Nos paissons. — 100. B les goûtes.
101. B Nos estagnons. — 102, A le vin. — 103, B li roiax. — 104, B
desloiax. — 105, B a cort. — 108, B Longe tone. — 109, B Si secorons.
— 111, B Les Colonois prendons d'argent. — 113, B Lors dist Aunis de
la Rochele. — 114, B Vous Ausois et vos la Mosele. — 115, A fiere. —
117, A Bretons, Flamens, Normcms, Englois. — 119, B ciaus.
122, B Estrelins. — 123, B Jehans. A supprime Vs avec raison, le
sens étant : Li vins de S. Jehan... — 125, B Qui li avoit crevés les
eus. — 126, A piez. — 127, B Agolesmes. — 128, B Si i. — 129, A Et
le bon vin blanc. — 133, A fort. B orguel. — 134, B Se fait il toster au
solel. — 135, B c'aisès. — 136, B coi. — 137, A Channi, Montrichart,
Laçoy. — 138, A Betesi. — 139, B Montmorellon et Tsodun. — 140-
142, A:
Et cil d'entor tout de commun
Purent devant le roi tout cois
Por abatre le bobançois.
141, B beubançois. — 143, B Li vin françois se desfendoient. —
144, B Qui. — 145, B que nos. — 146, A sades. B Nos somes sade.
— 148, B N'a cuer n'a cors, n'a uei. — 149, A Vermendois. B Auçurre.
— 150, B la gent jesir. — 156, A vins. B et mains. — 157, B s'en-
tretuassent. — 158, B no laissasent. — 159, B con il.
161, A grant. B cambre. — 163, B C'estoit un. — 164, B vosist. —
165, A Chevaliers, clers. B caloine. — 171, A i estoit. — 173, B A
cascuns vin. A .j. baut. — 174. A ysebaut. — 175, A Bien. — 176, B
Giditoet. — 117, A Trestout seul. B Trestos sols, corr. Trestoz seuls.
— 178, B Hersoi. A dunque. — 180, B faite par de l'Oise.
74 VARIANTES
182, B jeta la chandoile. — 183, B si s'ala someller. — 184, B Trois
jors trois nuis sans esveller. — 186, B son don. — 187, B Chipre fut.
— 188, B con vraie. — 189, B Puis fist cardonal. — 190, B D'un bon. —
191, B .V. contes. — 194, B J7. . . ot. — 195, B poroit. — 197, B mangier.
— 199, B n'aroit.—200, B Des ci a l'ore qu'il moroit.— 204, B Buvons
tel vin con Dex nous done. — B Explicit.
VARIANTES 75
LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
Bibl. Harlèienne (British Muséum), no 4333, f. 9S b à 100 a.
(Le texte de cette pièce est celui qae M. P. Meyer a donné dans la
Romania, no 2, avril 1872, p. 210-215 ; les corrections faites ou proposée s
par lui sont ici reproduites.)
V. 10, Ot, ms. ou. — 11, ce, ms. se; de même v. 14, 88, 153, etc. —
12, ms. joioivs ,- il a de même au v. 22, on pour ou. — 17, lou, ms. Aou.
— 51, me, corr. m'en ? cf. 54. — 59, corr. mérite ? ms. v'ite. — 73, Ses
ms. Sez. — 84, Ses, ras. ces. — 96, An pour Au, mais il faudrait plutôt
ou, et de même au v. l(fâ. — 98, En, corr. Es ? — 110, Qui par, ms. Que
por. — 114, tes, ms. tas, faute occasionnée par la finale de getas qui suit.
— 115, Qui, ms. que. — 125, pês, ms. pas. — 126, sa, corr. ta. — 127,
sovent, ms. sevent. — 132, 138, 234, Cil, ms. SU. — 134, ele, ms. il. —
141, met, corr. mit ? — 146. Les deux dernières lettres de ce vers et des
parties plus ou moins grandes des suivants ont été enlevées par une
coupure. — 179. Le commencement des vers manque par suite de la
coupure mentionnée dans la note sur le v. 146. — 193, chose, corr. glose ?
— 208, Ou, ms. si. — 213, gui, ms. que. — 224, corr. a l'autre ? —
224, anmis, ms. amis ; de même v. 227, flanme est écrit flâme ; v. 235
conme, ms. 9me,'etc. — 225. La fin de ce vers est peu intelligible ; p. ê.
corr. trait toz tans ? — 233, cil, ms. st. — 25S. Il y a per en toutes
lettres ; partout ailleurs par ou le plus souvent p barré. — 263, S', ms.
Si, mais Vi a été ajouté postérieurement.
Note de l'éditeur. — V. 230, ms. d'enfer, corr. de fer. Voir la raison
de cette correction dans la note sur les vers 190 et suivants.
76 VARIANTES
BATAILLE DES VII ARTS
A. Paris, Bibl. nat., ma, fr. 837 (anc. 7218), f. 135 b à f . 137 c.
B. » » ms.fr. 19152 (anc. S. G. 1830 et 1239), f. 112 d
à 114 b.
V. 2, B Et grant domaiges et granz dels. — 7, B autoreax. — 8, B
gomereax. — 9-16. Ces huit vers manquent à B.
23, B De fors. — 25, B vielz. — 26, A Denaoît. B Doneet, corr.
Donaet, écrit ainsi v. 188. — 29, B ovuec. A Qraumaire. — 30, B eZ ; de
même v. 78, 88, 89, 167, 186, 260, 265, 368.-32, B as; de même v. 54, 96,
174, 245, 290. — 33, B Maistre Johan de S. Morise. — 35, B Que de
Oarnîer. — 38, B o les pennars. — 40, B poissons reax. A Laire.
42, B gresse. — 43, B geus. — 44, B tinrent. — 47, B perduz. —
48, B Quar Raoul de Bulli. — 50, B dont Perron. — 52, B Johans.
— 53, A Poilasne. — 54, B Nicole. — 55, B Cil troi sevent trive et
quad/rwoe. — 57, B trahiuent. — 58, B Naim. — 59, B poignoit.
63, B Lunoies. — 64, B cruex. — 65, A Le lai. — 66, B Et Degrez
orgueilleusement. — 69, B out. — 70, B enpennez. — 76, B supprime et.
81, B Laissa tençant les arz ensanble. — 83, B Qui H livra tôt son
celier. — 86, A le meillor clerc. B Que. — 87, B tint. — 88, B despuste.
— 90, A supprime a. B filosophie. — 92, B Booir fors livres. — 96, B
livre encians.
101-102. Ces deux, vers manquent à B. — 105, B Girar. — 106, B
Et maistre Henricus de Naples. — 109, B tornassent au gaaig. —
110, B venissent nul mahaig. — 113-123. Ces treize vers manquent à B.
Après le vers 117, un vers manque à A ; la ligne qu'il devait occuper a
été laissée en blanc dans le ms. — 114 et 119, A B il, corr. el.
124, B Ge. — 125, B elz ; de même v. 215. — 126, B Mais i con-
chient. — 130, B Tolete. . , Naple. — 131, B Qui de bataille sol la
VARIANTES 77
chaple. — 132, B A une nuit vint Nigramance. — 135, B Ele s'estait ja
tote armée. — 136, A Qu'en. — 139, B coulonbeax forniez.
142, B Astronomie; de même v. 304, 351, 435. — 144, B Lors. —
146, A Armietique. B l'omdre. — 151, B a la. — 152, B .xcciij. et .ocvij.
— 153, B ax ; de même v. 436. — 155, B le conte.
161, B usurier.- — 462, B mielz... conereese. — 164, A Arimetique.
— 168, B Géométrie. — 170, B Entre. — 171, B de bone. — 176, B vieeles.
— 177, C flaùteles. — 179, B jusqu'en. — 180, B diatesaron. A dont
dans le texte, douz en marge.
182, B hurtez de diverses janbes. — 183, B trangles. — 186, B Qu'el
ne se conbatissent pas. — 187, B Mais Doneet en es le pas. — 189, B
ver. A borseo'ez. — 191, B dont. — 192, B sofismes. — 194, B tresbuchier.
— 195, B Et qu'il covri trestot. — 197, B baron ancien. — 200, B Pre-
cians ot .ij. nevoz.
201, B beax et proz. — 202, B Agrioine. — 207, B mi sire. — 208, A
Orasce. — 209, A Etasce. — 210, B Sedile. — 213, B fier. — 214, B Pri-
ciens. — 216, B ses. — 217, B Periarmenes. — 218, B supprime et. —
219, B Nigramance et. — 220, A dan... dan. B dant... dant, corr.
dans... dans.
222, B vinrent. — 224, B Retorique ; de même v. 351. — 2^, B
Poindrent ; de même v. 232, 241. — 227, B Que. — 228, B preudon i
mMaignerent. — 229, B Por lor avoir qu'il gaaignerent. — 230, B Pre-
dicament et ses. — 231, B acheteor. — 232, A dau. B Barbarisme. —
.233, B .L. ime. — 235, B armaire. — 238, B tratson. — 239, A Poitau.
— 240, B arrière.
242, B lever. — 243, B autors ; de même v. 250, 273, 316, 416. —
244, B Hoschier. — 246, B quarreax. — 247, B poiors. — 248, B venim.
— 249, B Que il n'a en .c. menues folles. — 262, B Et de caniviax et de
grefes. — 2ô4, B chastel fu. — 256, B Qu'il maniuent. — 25tT, B beax.
— 258, B fiert et deciple. — 260, B Qu'el les fist.
261, B Puis lor dist n'i. — 262, B . j . — 265, B El. — 266, B Olliens. —
267, B longuement Font. — 270, A Otographie. — 273, B Dama. — 274,
B logicienneaz. — 275, B Con il tenaient autoriax. — 276, B ses. A des-
78 VARIANTES
tructions. — 277, A contrictions. B Et ces gentiz construcions. —
278, A Li Suffit el.
282, B Perearmeine. — 283, A omet seignor. — 285, B Thobie. —
287, A Et geta ducis Macidum. B Et gita envers Marcidon, corr. Et
Qesta diicis Macedum. — 289, B asomée. — 297, B Cil estait moult lor
bons amis. — 298, B donc. — 299, B desclinoit.
303, B A donc se retrais t l'ost. — dOb, B Dialetique. — 311, B Ençois
le firent por. — 312, B vorrent. A B il, corr. els ; de même v. 313, 314,
352, 353. — 317, B Ensanble.— 318, B Qui lor riere ban. — 320, B 01-
liens.
322, B Bien .x. milliers en .j. randon. — 323, B Enbrevez en lor
gonfenon. — 324, B choisi. — 325, B En eissil. — 326, B Maraacop et
Marcien. — 322, B si très grant. — 333, B en couvri toute. — 334, A
Etacet. — 336, B Le menoit par devant les ez. — 338, A Faufilés. —
339, A dan. B dant Tyodolez, corr. dans ; de même v. 342.
343, A B Que Malicia ot, corr. Alicia. — 342, B Sonoient tuit
acupinel. — 348, B poi. — 349, B Et par .j. poi qu'il. — 352, A her-
bregies. — 353, B corgiees. — 355, B Lor eles encroissent sovent. —
356, B totes quasses. — 359, B Qu'il. — 360, B alumele.
361, B portes manches. — 363, B sustance. — 367, B chaudeax ; de
même v. 369. — 368, Yi el a tant d'avocadiax. — 369, B au vileins. —
372, B Ver de garains. — 374, B Letre§ porta. — 376, B en la. — 377, B
Qu'il n'entendait.
382, B ennarmales. — 383, B desclinier. — 385, B desclinaisons. —
389, B pluriers. — 390, B En la. — 396, A Se li. — 398-411. Ces quatorze
vers manquent à B.
414, B La meine ele. — 417, B lierez. — 419, B cax. — 420, B toutes
i gietent.
421, B deffent de sa fismcs. — 426, A D'issalubles.B fallaces.— 427, B
Li autores font tex rabaces. — 431, B De si alors que il cherront. —
433, B métrant. — 436, B gita. — 437, B Toz lar paveillon. — 438, B
s'enfoirent. — 440, B Versefierres. — 441, B S'enfoi. — 443, B II n'i a, —
VARIANTES 79
444, B discretire. — 445, B giste. — 447, B encore poi. — 451, B Après
formenz vinrent aveines. — éb2,B Jttsqu'a... cil se tenant. — 453,
B venront, — 455, B Ansi. — 456, A B Henri, corr. Henris. — 458, B
despire. — 459, A contruire. — B Explicit.
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
LAI D'ARISTOTE
Page 1, vers 1. — Il n'est pas rare de trouver cette
idée développée au début des fabliaux ; les trouvères se
plaisent souvent à annoncer qu'ils se proposent un but
moral. Le fabliau du Présure et des . ij . Rihaus (A. de
Montaiglon et G. Raynaud, Fabliaux, t. III, p. 58)
comfnence par ces vers, qui présentent beaucoup
d'analogie avec le début du Lai d'Aristote :
Qui biaus mos set conter et dire,
Il ne les doit pas escondire
Entre bone gent ne repondre,
Ainz les doit volentiers despondre
Des meillors et des plus massis
Quant il voit qu'il sont bien assis
Et que chascuns volentiers l'ot,
Si qu'en la fin du tout se lot.
P. 3, V. 59. — Notre trouvère veut dire ici que son
fabliau pourra tenir lieu de ces friandises, fruits et
82 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
épiceSf qui composaient le dessert ou qu'on offrait aux
visiteurs. Et nous croyons que la pensée de taxer de
présomption l'aimable poète ne viendra pas à l'esprit
du lecteur aussi charmé que pouvaient l'être les con-
vives de Scarron, quand celle qui devait être plus tard
M""® de Maintenon remplaçait le rôt absent par un de
ces contes qu'elle savait si bien dire.
Nos pères n'appelaient pas seulement épices les con-
diments nombreux dont ils faisaient usage beaucoup
plus que nous pour relever la saveur des mets et en
faciliter la digestion ; ils donnaient encore ce nom aux
confltures et conserves de toute espèce, dragées, etc.,
qu'on ne manquait jamais d'offrir avec le vin dans les
visites et les réceptions. Il en est question très fré-
quemment dans les chroniques.
P. 3, V. 61. — Voir, sur les rapports d'Alexandre et
d'Aristote et sur les fables dont on s'est plu à entourer
ces deux grands noms dès l'antiquité et pendant le
moyen âge, la Légende d'Aristote au moyen âge,
publiée par M. Ch. Gidel dans \ Annviaire de l'Asso-
ciation pour l'encouragement des études grecques en
France, 1874. L'auteur de cette intéressante notice y
parle (p. 43-44 du tirage à part) de Henri d'Andeli et
du Lai d'Aristote.
P. 3, V. 65. — Rapprocher de ce vers le passage
suivant du poème de Lambert li Cors et d'Alexandre
de Bernay :
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 83
E! bons rois conquerrans, seur tous houmes hardis,
Largece estoit ta mère, tu estoies ses fils.
{Alexartdréide, etc. 1861, in-8, p. 475).
P. 3, V. 72 et suiv. — Les trouvères laissent rare-
ment échapper l'occasion de célébrer la générosité
d'Alexandre ; elle était passée en proverbe au moyen
âge , et nous voyons Henri d'Andeli , dans le Dit du
chancelier Philippe, s'en servir comme de terme de
comparaison, v. 77 :
Il iert plus larges qu'Alixandres.
P. 5, V. 102. — On trouve dans la deuxième version
de Floire et Blanche flor, publiée par M. Ed. du Méril
(Bibl. elzév., 1856, p. 172), un développement analogue
sur la puissance de l'amour :
Trop est amers de grant pooir.
Qui si tost a home plaissié,
Et si rniié, et si changié.
Et si l'a tost en ses laz mis.
En poi d'ore l'a si conquis :
Ja n'ert de si grant poesté
Qu'il ne face sa volenté.
P. 14, V. 357. — Sur les chapels (couronnes) de
fleurs, dont parlent très souvent les trouvères et qui
figurent fréquemment sur les monuments du moyen
84 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
âge, voir Viollet-le-Duc, Dict. du Mobilier, t. II,
p. 473-474, et t. III, p. 119-122. Il y avait à Paris une
confrérie de fabricants de chapels de fleurs. — Un
détail curieux témoignera de la passion de nos ancêtres
pour les chapels de fleurs et particulièrement de roses.
M. A. de Bonnechose, dans ses Recherches historiques
sur les jirogrès de l'horticulture et de l'étude de la
botanique dans le Bessin, p. 15-16, nous apprend
que au xii^ et au xiii^ siècle, des maisons étaient fieffées
pour la simple redevance d^un chapel de roses.
P. 15, V, 384. — M. P. Paris a publié dans son
Romancero français, p. 37-38, cette chanson de toile
ou d'aventure, sous le titre de Cuens Guis (comte Gui)
et sans nom d'auteur, d'après le ms. fr. 20050 (anc.
S. G. 1989) de la Bibliothèque nationale. Elle est com-
posée de six couplets, dont le premier est celui que
chante la maîtresse d'Alexandre. M. P. Paris a cité
encore ce couplet dans l'Histoire littéraire de la
France, t. XXIII, p. 811. J'en donne ici le texte,
qui diffère un peu de celui du Lai d'Aristote :
En un vergier, lez une fontenelle
Dont clere est l'onde et blanche la gravelle
Siet fille a roi, la main a sa maxele,
En souspirant, son dous ami rapele :
« Aé ! cuens Guis, amis,
« La vostre amer me toit solas et ris. »
P. 17, V. 447. — Ce passage est peu clair. Rados
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 85
paraît vouloir dire cheval ; il fait penser à redos, redon
(bas-lat. redossius) qui signifie un cheval malade et
vicieux. On trouve aussi dans Du Gange : « Rado. Polj-
ptychus S. Remigii Remensis : Donat annis singulis in
pastione de spelta mod. 1 pull. 2 ova 15. lign. carr. 1
ad scuriam reficiendam Radon. 5 ad fœnum vehendum
quartam partem de carr. » — Si rados signifie cheval de
peu de valeur, l'auteur aurait voulu seulement montrer
la puissance de l'amour, en disant qu'elle peut changer
un vieillard en mauvais cheval, quand nature le semont.
P. 20, V. 518. — Ce Chaton qui, au dire de Henri
d'Andeli,
. . . bons clers fu et sages hom,
et que, dans sa Bataille des VII Ars^ il appelle Cha-
tonez (Catonnet), est, croit-on, le rhéteur Dionysius
Caton, contemporain des Antonins, dont la vie est
d'ailleurs complètement ignorée. L'ouvrage qu'on lui
attribue est un recueil de sentences morales, écrit en
distiques et divisé en quatre livres ; il est accompagné,
dans les mss. et dans les éditions imprimées, de quelques
brèves sentences en prose , qui, si elles n'appartiennent
pas au même auteur, paraissent cependant être de la
même époque. Cette œuvre, qui a été en grande faveur
pendant tout le moyen âge, était attribuée alors soit à
Caton le Censeur, soit à Caton d'Utique. Elle a été
très souvent traduite ou imitée ; la plus ancienne tra-
86 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
duction est celle que fit, avant 1145, Everard, moine
de Kirkam.(V. Hist. litt.de laFrance, t. XIII, p. 68-70,
et t. XVIII, p. 826-830). Je ne parlerai pas des autres
traductions ou imitations qui en ont été faites; elles
ont été mentionnées par Leroux de Lincy dans son
Livre des Proverbes français., 2^ édit., in-12, 1859,
1. 1, p. xxi-xxvn. Je dirai seulement que, parmi les tra-
ducteurs, on trouve Jean Le Fèvre, de Ressons-sur-
Matz, qui, dans son Matheolus, s'est souvenu de la
légende d'Aristote (V. Introduction, p. xlii) et qui
traduisit encore VEcloga Theoduli, dont Henri d'An-
deli parle sous le nom de Theaudelès dans la Bataille
des VII Ars, v. 340.
-t.<scN?yry3ooo—
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 87
BATAILLE DES VINS
P. 23, V. 3. — Ce bon roi qui ot non Phelippe est
pris ordinairement pour Philippe-Auguste (V. Daunou,
ffist. un. de la France, t. XVI, p. 218 ; E. Littré, Ibi-
dem, t. XXIII, p. 227). Legrand d'Aussy, dans ses Notes
sur la Bataille des Vins {Fabliaux, t. III, p. 42), va
jusqu'à préciser l'époque du règne de Philippe-Auguste
où ce fabliau aurait été composé. «Ce conte, dit-il, a été
fait sous Philippe-Auguste, avant les conquêtes de ce
prince sur Jean-sans-Terre, et lorsque les rois d'Angle-
terre possédoient la Guyenne, la Saintonge, l'Angou-
mois, le Poitou, etc. Les vins de ces provinces sont ici
réputés étrangers; le poète les met en opposition avec
quelques-uns de ceux des provinces soumises immédia-
tement au roi. Il nomme ceux-ci françois et leur fait
soutenir entre eux la rivalité qui régnoit entre les deux
couronnes. » Il est à remarquer que les vins français,
et par là le trouvère entend uniquement les vins de
l'Ile-de-France, et encore principalement ceux du voi-
sinage de Paris, sont mis en opposition non-seulement
avec les vins des provinces qui appartenaient à l'Angle-
terre avant 1204, mais encore avec ceux de la Bour-
gogne, de la Champagne, de la Lorraine, de l'Alsace
27
88 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
{Aussai, que Legrand d'Aussy interprète à tort par
Auxois) . Rien ne témoigne donc ici « de la rivalité qui
régnoit entre les deux couronnes », et quand même le
poème aurait été écrit pendant le règne de Philippe-
Auguste, on n'aurait aucune raison d'en faire remonter
la composition à une date antérieure à 1204.
D'autre part, M. Antony Méray (la Vie au temps des
Trouvères, p. 35) pense que, dans ce fabliau, il s'agit de
Philippe le Hardi. La question est délicate à trancher.
Quand on identifiait notre trouvère avec le chanoine
de Rouen, le roi désigné dans ce conte ne pouvait être
que Philippe-Auguste ; mais je crois avoir démontré que
cette identification ne saurait être maintenue. Si l'au-
teur du fabliau est ce Henricus de Andeliaco que cite
le Regestrum Visitationum d'Bude Rigaud sous la
date de -r^, rien n'empêche d'admettre qu'il ait vécu
au delà de 1270 et que le poète ait voulu désigner ici
Philippe le Hardi. Je crois cependant qu'il s'agit plutôt
de Philippe- Auguste.
P. 23, V. 5. — Ce vers, Du bon vin qui estoit du
blanCy et les vers 169-170, Li rois du blanc bien se
paia, Et chascun des vins essaia, semblent indiquer
qu'il ne s'agit dans cette pièce que des vins blancs.
Cela peut surprendre, parce que beaucoup des crûs
cités ne nous sont connus aujourd'hui que par leurs
vins rouges, le Beaune et le Saint-Emilion,par exemple.
Remarquons toutefois que notre poète désigne le Beaune
comme un vin d'un blanc verdâtre :
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMEhTTS 89
. j . vin qui n'est mie trop jaune
Plus est vers que corne de buef. . . .
et qoe Jofroi de Waterford, dans le chapitre du Segré
des Segrez, que j'ai reproduit dans l'introduction, parle
du vin blanc de Saint-Emilion. On sera moins étonné
si l'on se rappelle que le raisin noir peut donner du vin
blanc ou tirant sur le blanc ; tout le secret consiste à
ne pas laisser la pellicule, qui seule est colorée, fer-
menter avec le mcût. C'est un procédé de fabrication.
Il se peut qu'on l'ait suivi de préférence à cette époque
du moyen âge. Voici ce que dit Olivier de Serres dans
son Troisième Lieu du Théâtre d'Agriculture et Mes-
nage des champs, 1804, in-4°, t. I, p. 275 :
< n n'est de nécessité d'avoir des raisins blancs pour
les vins blancs, d'autant que les noirs satisfont à cela,
rendans le moust blanc, la couleur des raisins ne péné-
trant plus avant que la pellicule, sans toucher au moust.
Toutes-fois la blancheur n'en est du tout si naïfve, que
des seuls raisins blancs : mesme y a il des terroirs et
des espèces de raisins qui ne se ployent guières bien à
cela. Aucuns vins blancs sont aussi clers qu'eau de
fontaine, autres demeurent tousjours troubles, et en-
cores s'en trouvent de couleur de laict : toutes lesquelles
diversités sont agréables, pourveu que le goust res-
ponde au désir, selon le proverbe : vin pour saveur,
drap pour couleur. »
P. 23, V. 15 et suivants. — J'ai donné dans l'intro-
90 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
duction le curieux chapitre du Segré des Segrez, dans
lequel Jofroi de Waterford compare et juge diflférents
vins. J'ai cité la Besputoison du Vin et de l'Iaue, où
sont mentionnés les vins de Beaune, de Clamecy,
d'Auxerre, de Nevers, d'Anjou, de Saint-Jean (d'An-
gely), de la Rochelle, de Gascogne, de Saint-Pourçain,
et le vin français, qui se disputent la prééminence
devant un tribunal où siègent, sous la présidence du
dieu d'amour, le vin grec, le vin de Grenache, le vin
de Chypre, le vin muscadet et le vin rinois. Voici
encore deux passages où l'on trouve une nomenclature
intéressante à rapprocher de celle de Henri d'Andeli.
Le premier est tiré du Roman de Fauvel, commencé
sous Philippe le Bel par François de Rues et terminé
par Chaillou de Pestain ; il a été cité par M. Paulin
Paris dans le 1. 1 des Manuscrits français de la Biblio-
thèque du roi, p. 320-321 :
Vins i ot bons et precieus,
A boire moult delicieus,
Citouandés, rosés, flores ;
Vins de Gascoingne colorés,
De Montpellier et de Rochele,
Et de Garnache et de Gastele ;
Vins de Beaune et de saint Pourçain,
Que riche gent tiennent pour sain,
De saint Jangon et de Navarre,
Du vinon que l'en dit Labarre,
D'Espaigne, d'Anjou, d'Orlenois,
D'Auceure et de Laonnois,
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 91
Et de saint Jehan, de Biauvoisin,
Du vin François d'iluec voisin ;
Il eut piment et bons clarés.
Les miex vaillans, les miex parés
Ménjoient le plus gloutement. . . .
Le second passage appartient à Eustache Deschamps ;
il a été publié par Crapelet dans l'introduction précé-
dant le choix qu'il a donné en 1832 des oeuvres de ce
poète :
Or lui refault de plusieurs vins :
Vin de saint Jehan et vin d'Espaigne,
Vin de Ryn et vin d'Alemaigne.
Vin d'Aucerre et vin de Bourgongne,
Vin de Beaune et de Gascongne,
Vin de Chabloix, vins de Givry,
Vins de Vertus, vins d'Irancy,
Vins d'Orliens et de Saint Poursain ;
Avoir tel femme n'est pas sain ;
Vin d'Ay, vins de La Rochelle,
Garnache fault, et Ganachelle,
Vin grec et du vin muscade.
Marvoisie elle a demandé ;
Vergus veult avoir, vin goués.
Ms., p. vcxvj.
P. 23, V. 16. — Henri d'Andeli parle ici assez dé-
daigneusement de la cervoise, et, plus loin, il la fait
excommunier par le prêtre anglais. Il était sans doute
de l'avis de son contemporain le Normand Henri
d'Avranches, qui lui a lancé cette boutade citée par
82 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
G. Camden dans sa Britanniœ descriptio (in-4**, 1600,
p. 495) :
Nescio quod stygiaemonstrum confonne paludi
Cervisiam plerique vocant : nil spissius illa
Dum bibitur, nil clarius est dum mingitur, unde
Constat, quod multas fèces in ventre relinquit.
Un autre contemporain, Jofroi de Waterford, porte
un jugement moins absolu. Dans le chapitre LXV de
son Segré des Segrez, intitulé de diverses manières de
beverages (Bibl. nat., fonds fr., 1822, f. 114, r° 2«col.
à f. 114, v" l""^ col.), il distingue plusieurs sortes de
boires faits de froment, d'orge et d'avoine, condamne
certaines cervoises, en approuve d'autres, suivant leur
nature ou leur mode de préparation.
La bière a eu aussi ses partisans, qui , de leur côté,
n'ont pas ménagé le vin. Le médecin Jean-Henri
Meibom s'est déclaré hautement en faveur de la bière
dans son savant traité De cervisiis potibusque et
ehriaminihus extra vinum aliis Commentarius
(Helmstadt, 1678, in-4°). Après avoir cité les opinions
contraires de Dioscoride, de Galien, d'Aetius, d'Ori-
base, de Paulus d'Egine, de Siméon Seth, d'Avicenne,
il s'écrie : « Verum hos experientia hodie omnes re-
fellit, quse taie quid in zytho aut cervisia inveniri
negat, ut ea potius constet Germanos, Angles, Belgas,
totiusque septemtrionis incolas alios, cervisiae potores,
saluberrimos fere, robustissimos et pulcherrimos esse,
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 93
ac bene habitos, et in annosam senectutem incolumes,
nuUis uspiam gentibus vino utentibus colore, forma
aut valetudine cessuros, privatim vero fœminas fœ-
cundiores aliis reperiri. » Ch. XXV, 15.
Il est déjà bien beau que la bière donne la force et la
beauté, fasse parvenir à l'extrême vieillesse et rende
les femmes plus fécondes. Hugo Grotius va encore plus
loin, s'il est possible, et fait de la bière le breuvage des
Muses (cité par Meibom, ch. XXVII, 24) :
Ipsae te sitiunt novem Sorores,
Nec Permesside proluuntur unda,
Ex quo Graecia Barbaro sub hoste est.
Enfin, pour finir comme j'ai commencé, par un
Normand, Adrien Turnèbe, dans son De vino libellus
(publié à la suite du traité de Meibom), oii il attribue
au vin tous les maux qui affligent l'humanité, dit :
< Vinum et staturae juxta et valetudini officit. Illa
autem quae sibi septemtrionales populi ex frugibus
humore maceratis in acorem vitiata conficiunt, minus
utrique nocent. Argumente sunt corpora illis in locis
salubriora et auctiora, Nam ex habitu corporum, cer-
tissima ducuntur hujus rei , ut opiner , argumenta :
quanquam in eo potu putredine quaesita acrimonia ,
quae mentem etiam sauciat nonnihil, laedit minus
tamen, quam vinum. »
J'ai donné quelques pièces du procès : à chacun de
juger suivant ses préférences. Je tiens pour ma part
\Mt NOTES ET ECLAIRCISSEMENTS
qu'il serait sage d'appliquer aux boires en général la
maxime philosophique par laquelle Henri d'Andeli
termine son petit poème :
Prenons tel vin que Diex nous done.
P. 23, V. 17-39. — J'ai dit dans l'introduction qu'il
était dilBcile d'identifier plusieurs des noms de lieux
cités par Henri d'Andeli, parce que ces noms sont
portés par des localités différentes. Je crois cependant
avoir trouvé un critérium qui permet d'arriver le plus
souvent à une identification sinon certaine, du moins
très acceptable. Le poète me paraît, dans la longue
nomenclature qui s'étend du v. 15 au v. 39 et qui
comprend quarante-cinq noms, énumérer les vins par
région, c'est-à-dire réunir dans un même vers ou dans
deux vers qui se suivent, les vins de localités relative-
ment voisines, appartenant à une même province ou à
deux provinces limitrophes ; et cet ordre apparaît
encore dans la plupart des autres passages oii le trou-
vère associe plusieurs noms de lieux. Du reste, quelques
leçons du ms. de Berne, différentes de celles du ms.
fr. 837 de la Bibl. nat., s'accordent avec le système
que je propose et que j'essaierai de justifier dans les
notes qui vont suivre.
P. 23, V. 17. — Après avoir cité, v. 15, tout d'abord
le vin de Chypre, qui doit plus tard obtenir le premier
rang, et qui n'a aucun rapport, ajoute plaisamment le
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS Ô5
poète, avec la bière flamande (cervoise d'Ypre)^ Henri
d'Andeli réunit dans ce vers les vins de la Moselle et
de l'Alsace (Aussai), c'est-à-dire les vins tout à fait
voisins de la Moselle et du Rhin.
P. 23, V. 18-19. — Dans ces deux vers sont réunis
les vins de l'Aunis et de la Saintonge, provinces voi-
sines qui ont formé le département de la Charente-
Inférieure. La Rochelle était la capitale de l'Aunis ;
Saintes et Taillebourg étaient dans la Saintonge.
P. 24, V. 20-21. — Melans (ms. de Berne, Melen);
Treneborc (ms. de Berne, Treveborc). Legrand d'Aussy
voit dans Melans un Meulan qui se trouve, dit-il, en
Poitou (Notes sur la Bataille des Vins, p. 48). Il ne
connaît pas Treneborc (Ibidem, p. 48). A l'égard de
Palme et de Plaisance, il s'exprime ainsi (Ibidem^
p. 48): « Je ne sais où placer Palme. Est-ce celui da
Languedoc ou la capitale de l'île Majorque ? Le Plai-
sance du fabliau est-il le Placentia d'Espagne, le
Plaisance d'Italie, du Languedoc, de Guyenne, du
Rouergue ou du Poitou? Je croirois volontiers que
c'est celui de Lombardie, parce que, dans une ordon-
nance de Charles V, année 1369, je vois les vins de
cette ville assujettis à des droits particuliers. >
J'ai fait remarquer plus haut que, dans sa nomen-
clature, le poète mentionne les vins par groupe géo-
graphique, et je crois que dans ces deux vers il a réuni
les noms de quatre vins italiens. Melans est pour moi
Milan, la capitale de la Lombardie; il m'est impossible
28
96 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
d'identifier Trenneborc. Je trouve bien dans le Théâtre
c?w>wowc?e de Blaeu, Bipartie, 1644, une carte du Dwcaio,
omro Territorio di Milano, qui porte un village de
Trenno à l'ouest et à peu de distance de Milan ; mais
cela ne suffit pas, c'est Trennoborgo qu'il faudrait
trouver. Quant à Plaisance, point de difficulté. A
l'égard de Palme, je reproduirai en entier un passage
du livre v, p. 255-256, de l'ouvrage d'Andréa Baccio
intitulé : De naturali vinorum historia, de vinis
Italiœ et de conviviis antiquorum lihri septem,
Romse, 1596, in-f°. Voici ce que dit cet auteur sous la
rubrique Palmesia vina in Picenis :
« Prsedicta in Picenis generosa vina commémorât
Plinius, lib. XIIII, cap, III, ubi scribit : Ex reliquis vinis
a supero mari, Prsetutiana sunt, et Ancone (1). Ubi de
loco (ut ego ex ipso Palmae nomine conjicio) intelli-
gendum videtur in agro Firmanum castellum ad oram
maritimam, quod ab antique (ni fallor) nomine Turris
de Palma cognominatur, ab uvse scilicet hujus génère,
oui vetusta sub illo jugo esset origo, de quo haud levis
haec alia conjectura sit, non aliud extitisse, mutatis
alioqui nominibus, quam quod hodie a Picenis Mara-
num appellatur, a Marano non procula Palma oppido,
in cujus vinetis frequens propagatur id vitis genus,
(1) Baccio a cité incomplètement le passage de Pline. En voici
le texte tel que le donne l'édition Nisard : Ex reliquis autem a
supero mari Praetutia atque Ancone nascentia, et quae a palma
una forte enata Palmensia appellavere. — L. XIV, c. VIII, 7.
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS (W
jamque ceteris Piceni vinetis factum est pro suavitate
communissimum. Nisi quia lapsa temporum, sicut et
ipsaram frugum quidam est proventus, et nominum
varietas, Palma cum jam sit parrus vicus,. a vicino
Marano induit nomen, et genus Maranae uvae, quod
succosum et gralum gustui, colore albicans, et cum
maturuerit luteolo, tenuissimo cortice, ac dulce. Hodie
vero cum non adeo in vinis habeat usum, sed in esca-
riis omnem obtineat gratiam, persuasos velim colonos,
ut copiose magis Maranas vites repastinent, sicque
Palmesium tantae gratise vinum instaurabunt. »
Est-il téméraire d'admettre que le vin de Palme
dont parle Henri d'Andeli était originaire de cette lo-
calité, qu'on trouve encore désignée sous le nom de
Torre di Palma, au bord du rivage de l'Adriatique,
entre Ancône et Ascoli, au nord de la rivière Asone,
dans la carte intitulée Marca d'Ancona, olim Pice-
num, du Théâtre du Monde de Biaeu , 3^ partie ,
1634?
P. 24, V. 22. — L'Espagne et la Provence sont asso-
ciées naturellement dans ce vers, puisque la dernière,
après avoir été placée longtemps sous la suzeraineté
des empereurs d'Allemagne, était passée par mariage
dans la maison des comtes de Barcelone, qui la possé-
dèrent jusqu'en 1245.
P. 24, V. 23-24. — Dans ces deux vers sont réunis
les noms de quatre villes du Languedoc : Montpellier,
ch.-l. de l'Hérault ; Narbonne, ch.-l. d'arr. de l'Aude ;
98 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Bediers = Béziers, ch.-l. d'arr. de l'Hérault ; Carcas-
sonne, ch.-l. de l'Aude.
Pline l'Ancien, dans l'énumération qu'il fait des vins
estimés de son temps, y comprend celui de Béziers et
s'exprime ainsi : « Baeterrarum intra Gallias consistit
auctoritas (la réputation du vin de Béziers ne s'étend
pas au delà des Gaules). » Hist. nat., 1. XIV, c. VIII, 8.
P. 24, V. 25. — Nous restons dans le midi avec ces
deux vins de la Guyeùne : Mossac = Moissac, ch.-l.
d'arr. de Tarn-et-Garonne ; S. Melyon = Saint-Emi-
lion, Gironde, arr. de Libourne.
Saint Melion est la forme usitée au moyen âge. Voir
dans l'introduction le chapitre du Segrédes Segrez. En
voici un autre exemple :
Cilz vous est mieudres que d'Irvois
Ni que vins. de Saint Melion.
[Des .iij. Dames de Paris, v. 122-123. — MM. A. de
Montaiglon et G. Raynaud, Fabliaux, t. III, p. 149).
On trouve Saint Millyon dans le Débat des Héraulx
d'armes de France et d'Angleterre, Débat français,
§ 61, p. 24. Paris, 1877.
P. 24, V. 26-27. — Encore quatre vins de même
région : Orchise =: Ôrchaize, Loir-et-Cher, arr. de
Blois, canton d'Herbault; Orléans, ch.-l. du Loiret;
Jargueil=r Jargeau, Loiret, ch.-l. de canton de l'arr.
d'Orléans; Saint-Yon , Seine-et-Oise , arr. de Ram-
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 99
bouillet, canton de Dourdan, au sud du département,
dans le voisinage du Loiret.
Le vin d'Orléans est un des plus fréquemment cités
au moyen âge. Voir les témoignages réunis par Le-
grand d'Aussy dans son Histoire de la vie privée des
François, t. III, p. 2 à 20, passim.
P, 24, V. 28. — Ici deux vins de l'Ile-de-France
tout à fait voisins. Meulent= Meulan, Seine-et-Oise,
ch.-l. de canton, arr. de Versailles ; Argenteuil (Seine-
et-Oise), ch.-l. de canton, arr. de Versailles.
P. 24, V. 29-31. — Soissons, Aisne, ch.-l. d'arr. ;
Auviler = Hautvillers, Marne, arr. de Reims, canton
d'Ay ; Epernay, Marne, ch.-l. d'arr.; Sezanne, Marne,
ch.-l. de canton de l'arr. d'Epernay ; Samois (ms. 837,
. vij . mois), Seine-et-Marne, arr. de Fontainebleau.
L'arrondissement de Soissons est voisin de ceux de
Reims et d'Epernay. Aujourd'hui les vins blancs que
produisent les coteaux de CufiSes et de Crouy au nord
de Soissons sont en médiocre estime.
n y a dans le Loiret, arr. d'Orléans, un Semoy que
Legrand d'Aussy, dans ses Notes sur la Bataille des
Fm5, p. 47, a cru pouvoir identifier avec la localité indi-
quée dans le fabliau. La leçon mal orthographiée du
ms. 837 s'accorde mieux avec le Semoy du Loiret;
mais celle du ms. de Berne me semble préférable pour
trois raisons : 1" Samois est plus voisin que Semoy des
autres lieux cités dans ces deux vers ; 2" la forme an-
cienne et la forme moderne du nom sont identiques ;
100 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
3° le vin de Samois jouissait d'une certaine notoriété,
comme le prouvent les passages suivants extraits du
Compte général des revenus tant ordinaires qu'extra-
ordinaires du Roy pendant Vannée 1202, publié par
Tàv\ji&&Q\diSinB%onNouvel examen de l'usage général des
fiefs en France pendant le XP, le XIP, le XIIP et le
XIV^ siècle,\121, in-4»,t. II. On lit, en effet, p. cxlii,
sous la rubrique Moretum et Samesium (Moret et
Samois formaient une prévôté sous Philippe-Auguste) :
« De xxxvui modiis vini Samesii, quatuor sestariis
minus xviii 1. », et plus loin, p. cl, sous la rubrique
Prœpositi Moreti et Samesii : « De xxxiii modiis et
XV sestar' et dim' vini ad modium Samesii xxiiii 1. et
VI s. et dim' De pressoragio Samesii xii 1. et dim'.»
P. 24, V. 32. — Dans le Combat de trente Bretons
contre trente Anglais, 2" édit., in-4o, 1836, p. 26, c'est
avec le vin d'Anjou que les chevaliers bretons se dé-
saltèrent :
Et toux par ordenance firent petticion
Daller toux querre a boire sans nulle arrestezon *
Chascun en sa boutaille vin d'Anjou y fu bon.
Le Gastinois est-il l'ancien pays du Gâtin ais partagé
entre l'Ile-de-France et l'Orléanais, ou bien la Gâtine,
partie du Poitou voisine de l'Anjou? La Gâtine est
appelée Gastinois dans la carte du Poictou, sive Pic-
taviœ descriptio, de l'Atlas de Mercator, 1619, et dans
la carte portant pour titre Pictaviœ Ducatus descrip'
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 101
iio, vulgo le pais de PoictoUy du Théâtre du Monde de
Blaeu, 2* partie, 1644. J'ajoute que d'ailleurs les trou-
vères modifient quelquefois les syllabes finales pour la
rime. Le fabliau Du Chevalier quifist sa famé confesse
(A. de Montaiglon,- Fabliaux, t. I, p. 179), dont la
scène est placée En Beesin, moult près de Vire, se
termine par ces deux vers :
Granz risées et granz gabois
En feirent en Bescinois.
Il se peut que l'Anjou. et la Gâtine du Poitou aient
été rapprochés dans le vers de Henri d'Andeli.
P. 24, V. 33. — Ysoudun = Issoudun, Indre, ch.-l.
d'arr. ; Chastel Raoul = Châteauroux, ch.-l. de l'Indre.
P. 24, V. 34. — Trie la Bardoul (ms.de Berne, Trie le
Bardol)=:Trilbardou, Seine-et-Marne, arr. deMeaux,
canton de Claye. On lit Trillebardou dans la carte de
V Tsle-de-France, Parisiensis agri descriptio, auctore
F. Gruilloterio Biturigi, de TAtlas de Mercator, 1619,
et dans la carte du Gouvernement de l'Isle-de-France,
par Damions de Templeux, escuyer, sieur du Frestoy,
du Théâtre du Monde de Blaeu, 2^ partie, 1644. Il ne
s'agit donc pas ici , comme l'a prétendu Legrand
d'Aussy {Notes, etc., p. 47), du Trie de Guyenne (ou
plutôt de Gascogne).
Dans la charte de commune accordée en 1197 aux
habitants de Meaux par le comte de Champagne et de
Brie, on lit (art. 26) : « In hac libertate hujus commu-
102 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
nise apposai Trii-Lorhardun, et Charmentre, salvo
jure Domini Simonis, et Chamberi, et Cungi et Nan-
thoil, et omnes alios homines de potestate Meldis, in
quibus tailliam et Justitiam habui. » — Brussel, Nou-
vel examen de l'usage général des Fiefs en France
pendant le XI% le XIP, le XIIP et le XIV^ siècle,
1727, in-40, 1. 1, p. 185-186.
Trie la Bardoul que l'auteur cite entre Ysoudun et
Cbastel Raoul d'une part, Nevers et Sancerre de
l'autre, contredit un peu mon système ; mais il faut
bien accorder quelque chose aux nécessités de la rime.
Le nom n'est d'ailleurs associé à aucun autre dans ce
vers.
P. 24, V. 35-37. — Six localités voisines sont réunies
dans ces trois vers. Sancerre, ch.-l. d'arr. du Cher,
n'est qu'à deux kilomètres de la Loire, qui le sépare du
département de la Nièvre, dont le ch.-l. est Nevers. —
Auxerre et Vezelay, ch.-l. de canton de l'arr. d'Avallon,
sont dans l'Yonne, au nord de la Nièvre. — Tonnerre,
ch.-l. d'arr. de l'Yonne, est sur l'Armançon ; Flavigny,
dans la Côte-d'Or, sur les coteaux qui dominent cette
rivière. On trouve d'autres Flavigny dans l'Aisne, le
Cher, la Marne, la Meurthe, etc. ; mais le vin de Fla-
vigny venant à la suite des vins de Vezelay, d'Auxerre
et de Tonnerre qui se trouvent dans l'Yonne , il est
très probable qu'il s'agit ici du Flavigny de la Côte-
d'Or, qui d'ailleurs est encore renommé pour ses vins.
Le Tornière du ms. 837 est Toneire dans le ms. de
NOTKS ET ÉCLAIRCISSEMENTS 103
Berne. Cette dernière forme ressemble plus à la forme
moderne ; mais celle du ms. 837 est excellente ; elle
répond à la forme latine du mot dont le Dictionnaire
topographique de l'Yonne donne les variantes qui
suivent : Tornodoronse castrum, Tornotrinse castrum,
Tornodorum, Tornedrisus, Tornetrinse castrum, Tor-
nedurum.
Vezelay est écrit Verdelay dans le ms. 837, Verselay
dans le ms. de Berne. Ces deux formes correspondent
aux formes latines Verdiliacus et Verziliacus. LV de
Verselay et IV de Tornierre ont disparu dans les formes
modernes. Le Dict. top. de l'Yonne donne ces formes
latines : Vidiliacus, Viziliacense monasterium, Verzi-
liacum, Verselayum, Vizeliacum. Il ne mentionne pas
Verdiliacus non plus que Vercelliacum qu'on trouve
dans une traduction du xni^ siècle de la légende latine
de Girart de Roussillon, où il est rendu par Verzelai
(Romania, n° 26, avril 1878, p. 190-191).
Le vin d'Auxerre est un de ceux dont il est le plus
fréquemment question au moyen âge ; il était en haute
estime et c'est lui que les taverniers faisaient le plus
souvent crier pour attirer les chalands :
Ci a bon vin frès et novel,
C'a d'Auçoire, c'a de Soissons,
Pain et char, et vin et poissons
(Cortebarbe, Les trois avugles de Compiengne. —
A. de Montaiglon, Fabliaux, t. I, p. 72).
29
104 - NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Chaiens, fait bon disner, chaiens ;
Chi a caut pain et caus herens,
Et vin d'Aucheurre a plain tonnel.
(Jean Bodel, C'est li Jus de Èaint Nieholai. —
L.-J.-N. Monmerqué et Francisque Michel, Théâtre
français au moyen âge, p. 166).
C'est au vin d'Auxerre que s'applique, dans la même
pièce, ce joli couplet du crieur Raoulès :
Le vin aforé de nouvel,
A plain lot et a plain tonnel,
Sage, bevant, et plain et gros,
Rampant comme escuireus en bos,
Sans nul mors de pourri ne d'aigre ;
Seur lie court et sec et maigre,
Cler con larme de pecheour,
Groupant seur langue a lecheour :
Autre gent n'en doivent gouster.
{Ihid., p. 180.)
Le passage suivant du Couronnement de Renart
témoigne encore du cas qu'on faisait de ce vin (Méon,
Renart, t. IV), v. 1541-1544 :
Cil n'est de fin or ne d'argent,
De riches pieres ne de dras,
De viandes, de morciaus cras,
De vins d'Auchoirre ne de Biaune .
n serait facile de multiplier les citations. Voir parti-
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 105
culièrement la Lesputoison du Vin et de l'Iaue (Jubi-
nal, Fabliaux, 1. 1, p. 293-311).
P. 24, V. 38. — Saint-Pourçain, Allier, ch.-l. de
canton, arr. de Gannat. — Le vin de Saint-Pourçain est
fréquemment mentionné par les écrivains du moyen
âge. « Un de nos poètes du xin" siècle, dit Legrand
d'Aussy sans le désigner autrement, parlant d'un
homme qui étoit devenu fort riche, dit de lui pour nous
donner une idée de son luxe, qu'il ne buvoit plus que
du vin de Saint-Pourçain {Hist. de la vie privée des
François, t. III, p. 5, note).
Le miracle intitulé : L'evesque a qui Nostre Dame
s'apparut (Miracles de Nostre Dame, t. II, 1877),
contient, vers 288-293, le passage suivant :
SECOND CLERC
Et OU en pensez vous aler
De ci endroit?
PREMIER CLERC
Chiez Baudet de l'image droit.
Pour boire de ce Saint Poursain,
Qui me fait souvent le cuer sain
Et en bon point.
L'autre nom que cite le vers 38 est Savingni dans le
ms. 837, Soveni dans le ms. de Berne. Il y a en France
un grand nombre de villages et de hameaux qui portent
le nom de Savigny; celui auquel le vers de notre
106 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
fabliau s'appliquerait le mieux, est le Savigny de la
Côte-d'Or, arr. de Beaune, situé à cinq kilomètres au
nord de cette ville et qui produit d'excellents vins. —
Voir les témoignages extraits de Salins et de l'abbé
Gaudelot par Legrand d'Aussy dans son Hist. de la
vie privée des François, t. III, p. 41 et note.
La leçon du ms. de Berne pourrait toutefois être
préférée. Au nord de Saint-Pourçain, se trouve, égale-
ment dans l'Allier, à seize kil. environ au sud-ouest
de Moulins, un chef-lieu de canton du nom de Souvigny ,
où a existé autrefois une célèbre abbaye de Bénédictins
et oii se trouve encore une église que l'on regarde
comme un spécimen remarquable de l'art gothique.
Je trouve les vins de Saint-Pourçain et de Souvigny
cités ensemble dans le passage suivant extrait des
Impositions faites à Paris du consentement de la ville
et pour un an seulement par le roy Philippe de Valois
(Félibien, Hist. delà ville de Paris, in-f°, 1725, preuves
et pièces justificatives, t. III, p. 425) : « Item, la queue
de vin de S. Porcian et de Souvergny payera ii s. et
l'achepteur pour revendre autant. » II est vraisem-
blable que la leçon du ms. de Berne est la bonne et que
le poète a réuni dans ce vers les noms de deux crus du
Bourbonnais.
P. 24, V, 39. — Chablis, Yonne, ch.-l. de canton,
arr. d'Auxerre; Beaune, Côte-d'Or, eh.-l. d'arr. — La
Besputoison du Vin et de l'Iaue (Jubinal, Nouveau
Recueil, 1. 1, p. 296-297) contient un éloge pompeux du
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 107
vin de Beaune, qui est représenté comme le vin favori
du pape :
le pappe Tama tant
Que beneison li donna
Et s'amour li abandonna.
Legrand d'Aussy [Hist. de la Vie privée des Fran-
çois, t. III, p. 6-7) rappelle que cette prédilection était
partagée par les cardinaux. «Pétrarque, dit-il, écrivant
en 1366 à Urbain V, pour l'engager à revenir dans
Rome, et réfutant les diverses raisons qui retenoient
au-delà des monts les cardinaux, dit : Je leur ai en-
tendu alléguer quelquefois qu'il n'y avait point de vin
de Beaune en Italie. »
Selon notre poète, Beaune est un vin
. . . qui n'est mie trop jaune,
Plus est vers que corne de buef.
D'après l'auteur de la Lesputoison, Beaune
n'est trop rouge ne trop tainte (pâle).
Olivier de Serres, dans son Troisième lieu du. Théâtre
d'Agriculture et Mesnage des champs {in-4°, 1804, t.I,
p. 209), vante « les excellens vins blancs d'Orléans...
d'Anjou, de Beaune. . . d'Aunix. »
Au XVII® et au xviii® siècle, un débat s'éleva entre les
médecins de Paris et ceux de Reims sur les qualités
du vin de Beaune et des vins de Champagne. Les
108 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
poètes français et latins se mirent de la partie. Un
professeur au collège d'Harcourt, Grenan, fit une ode
saphique en l'honneur des crûs de Bourgogne. Les
vins de Champagne ne restèrent pas en arriére ; ils
eurent leur ode alcaïque composée par Coffin, pro-
fesseur au collège de Beauvais. Le Recueil de poésies
latines et françaises sur les vins de Champagne et de
Bourgogne, publié en 1712 par l'imprimeur Thiboust,
contient les pièces auxquelles ce débat a donné lieu.
P. 25, V. 49-62. — Icile prestre englois escommunie
et chasse à grands coups de bâton les vins de Beauvais,
de Châlons et d'Etampes que le poète appelle plaisam-
ment Bant Mauvais, Dant Petart et Mesire Rogoel
ou Rogel (ms. de Berne). Le sobriquet de Bant Petart
appliqué au vin de Châlons se comprend aisément ; le
poète l'explique d'ailleurs par ces mots : qui le ventre
enfle. . . Quant à celui de Rogoel, je le crois dérivé de
rogue au sens de âpre, rude ; un passage des rues de
Paris, p. 356, cité par Roquefort {Glossaire de la
langue romane), fournit à l'appui l'exemple suivant :
Mon chemin ne fu pas trop rogue,
En la rue Nicolas Arode
Alai, et puis en Mauconseil.
Les Beauvais sont nombreux en France, et, dés lors,
l'identification est difiîcile. Legrand d'Aussy (iVb^es sur
la Bataille des Vins, Fahliauoo, t. III, p. 40) ne cite
que celui du Quercy et celui de la Saintonge, et ajoute :
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 109
« C'est sans doute de l'un des deux qu'il s'agit, la
capitale du Beauvoisis ne produisant pas de vin. »
Legrand d'Aussy oublie que, au moyen âge, on récol-
tait des vins bien au delà de la limite actuelle de leur
production ; la Normandie, la Picardie, l'Artois, les
provinces belges, l'Angleterre même en produisaient.
On a cessé de cultiver la vigne dans ces régions, quand
la facilité des communications a permis d'y introduire
à peu de frais les vins du centre et du midi de la France.
D'ailleurs, Legrand d'Aussy, à l'endroit du t. II de son
Hist. de la vie privée des François, p. 397-399, où il
parle du fabliau de Henri d'Andeli, dit qu'il résulte
d'un compte des revenus de Philippe-Auguste pour
l'année 1200, rapporté par Brussel, que ce roi « possé-
doit des vignes à Bourges, à Soissons, à Compiègne, à
Laon, à Beauvais. ... » Il paraît bien s'agir ici de la
capitale du Beauvaisis. Rien n'empêche donc d'admettre
que notre poète a eu cette ville en vue, d'autant plus
que le vin de Beauvais est jugé de mauvaise qualité, ce
qui n'a rien que de naturel en raison de la latitude.
Quel est le Chaalons qui produisait Dant Petart?
Etait-ce Châlons-sur-Marne ou Chalon-sur-Saône, ou
une autre localité, car on trouve encore un Châlons-
sur-Vesle dans la Marne, un autre dans la Mayenne,
sans parler du Châlons de la Drôme et du Châlon de
l'Isère que j'exclus tous les deux, notre poète ne citant
aucun autre vin de cette région? La question ne me
paraît pas pouvoir être résolue.
110 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Quant au vin d'Etampes, Henri d'Andeli n'est pas
seul à le mépriser. On lit les vers suivants dans la
violente satire contre les femmes qui est intitulée Le
Dit Chastie-Musart (v. 77-81) :
L'amors ne la haïne ne prise pas . j . pois,
Et se ge l'ai prisiée, c'a esté sor mon pois.
Sens de feme et bontez poise bien au droit pois
A la valor des vins du vignou d'Estampois.
Se li vins valent pou, sens de feme valt mains;...
(Jubinal, Œuvres de Ruteheuf, Bibl. elzév., t. II,
p. 385, additions).
P. 25, V. 63-65. — Le texte est corrompu dans les
deux mss. :
Bibl. nat., ms. 837 :
Les .ij. vins et de Biauvoisins
Et dans Clermons li tiers voisins,
Ces .iij. vins n'en chaça il pas
Ms. de Berne :
Moe liure ii Biauvoisins
Et dant Clermons lor cher voisins
Ces .ij. vins n'en cacha il pas...
Je ne puis deviner ce que cache la leçon du ms. de
Berne. Quant à celle du ms. 837, que j'ai laissée
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 111
subsister dans le texte, je hasarde ici la correction
suivante :
Les .ij. vinet de Biauvoisins. . .
vinet au sens de petit vin. Je trouve dans Littré
vinette, vinelle, avec la signification de petit vin, pi-
quette. Le comte Jaubert, dans son Glossaire du centre
de la France, donne vinaut avec l'explication sui-
vante : vin, petit vin d'un cru modeste : « Voilà du
bon vinaut, un bon petit vinaut. » Roquefort, dans
son Glossaire de la Langue romane, donne aussi
vinot, qu'il traduit par petit vin, vin très faible. Je n'ai
pas trouvé d'exemple de vinet. Avec cette correction,
le passage s'expliquerait facilement : Le prêtre anglais
ne chassa ni les deux petits vins de Beauvoisins ni leur
voisin dans Clermont, qui était le troisième. 11 resterait
toujours à trouver ce qu'étaient ces deux petits vins de
Beauvoisins.
Legrand d'Aussy (Notes, etc., p. 40) dit, à propos de
ce passage : « Beauvoisins est en Bourgogne ; Clermont
est la capitale de l'Auvergne ; l'Agénois et le Lan-
guedoc en ont aussi chacun un. » 11 aurait pu ajouter
qu'il y a aussi Clermont-en-Argonne et Clermont-en-
Beauvaisis, et qu'on trouve encore des Beauvoisins dans
la Drôme, le Gard et le Jura. Rappelons que, dans le
passage du Fauvel cité plus haut (note du v. 15), le
vin français est dit voisin du vin de Biauvoisin :
30
112 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Et de saint JehaQi de Biauvoisia,
Du vin François d'iluec voisin ;
Le Biauvoisin est donc ici le Beauvaisis. On lit aussi
dans l'Atlas de Mercator, en tête de la description de
cette région : Le pays de Beawoais ou Beauvoisin. Si,
dans notre vers, le Biauvoisins est le pays de Beauvais,
Clermont son voisin est Clermont-en-Beauvaisis. Quant
à la contradiction apparente avec les vers 51-52, où
nous voyons le mauvais vin de Beauvais excommunié,
on pourrait dire que le Beauvaisis produisait sans doute
deux autres vins de quelque qualité dont nous ne savons
pas autrement les noms.
P. 25, V. 69 et 73. — L'auteur nous montre ici les vins
du Mans et de Tours, sujets à tourner en été, s'enfuyant
effrayés par la sévérité du prêtre anglais, aussi bien
que ceux d'Argences, de Chambeli et de R^nes. Il
n'y a pas de difficulté pour le Mans et Tours. L'erreur
de Legrand d'Aussy plaçant Argences en Languedoc
a été depuis longtemps relevée. Il s'agit d'Argences qui
est situé dans le Calvados entre Lisieux et Caen, dans
la vallée de la Muance. On y trouve encore quelques
vignobles. Voir les auteurs qui ont traité de la culture
de la vigne en Normandie et particulièrement M. L.
Delisle : Etude sur la condition de la classe agricole
et l'état de l'agriculture en Normandie au moyen
âge, 1851, p. 439-440. Le savant auteur rappelle que
les vignobles d'Argences furent donnés à l'abbaye de
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 113
Fécamp par le duc Richard II, et reproduit à cette
occasion la curieuse légende qu'on trouve dans Guil-
laume de Malmesbury.
On trouve un Chambilly dans la Saône-et-Loire, un
Chambly dans le Jura, un autre dans l'Oise, arr. de
Senlis. C^est probablement de ce dernier qu'il s'agit.
Au lieu de Chamheli, le ms. de Berne donne Chan-
bure.
A l'égard de Renés, Legrand d'Aussy (op. cit., p. 40)
dit : « Il y a deux Rennes à vignobles, l'un dans le
Maine, l'autre dans le Languedoc. » Mais la capitale
de la Bretagne avait aussi des vignobles au moyen
âge. Rien n'empêche d'admettre que ce mauvais vin
soit celui du Rennes de Bretagne.
P. 26, V. 81. — Pierre frite = Pierrefltte, Seine, arr.
de Saint-Denis. Le passage suivant de Gautier de Coinsy
atteste que ce vin était autrefois estimé :
Mais tex fait molt le babuin.
Le pappelart et Typocrite,
Qui dou bon vin de Pierre frite
Boit plus grans trais et churelure.
Que tex fait grant chiere et grant hure. V. 1438-1442.
{Ci commence de sainte Leocade. — Méon, Fa^
hliaux, t. I).
P. 26, V. 85-86. — Marli, Duoeil et Monmorenci,
que Pierrefitte appelle ici en témoignage, sont, comme
lui et comme Argenteuil (v. 77), des vins de l'Ile-de-
114 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
France. Il y a deux Marly : Marly-le-Roi, célèbre par
le château qu'y fit élever Louis XIV, dans la Seine-et-
Oise, entre Saint-Germain et Versailles , et Marly-la-
Ville, au nord-est du même département. Quant à
Dueil et Montmorency, ils sont aussi dans la Seine-et-
Oise, tout près de la limite sud de ce département, à
peu de distance de Saint-Denis.
P. 26, V.87. — La leçon de Berne est identique, sauf
qu'on lit sac au lieu de sanc, Va n'étant pas surmonté
du signe abréviatif de Vn; c'est sans doute une omis-
sion du copiste. La Curne de Sainte-Palaye {Glossaire)
donne cette explication : « Remarquons cotte expres-
sion où le mot bée est employé comme exclamation ou
espèce de jurement :
Lors dist bée, sanc de Meulant, etc. »
S'il en est ainsi, je crois qu'ilfaut supprimer la virgule
qu'il a placée entre bée et sanc et lire he'e sanc De' ou
bë le sanc JDei'qui signifierait par le sang de Dieu. Bée
ou hé pourrait bien être une forme francisée de l'anglais
by ; le ms. de Berne donne plus loin : Bi saint Tho-
mas; il est vrai que là, c'est le prêtre anglais qui parle.
Ce qu'il y a de certain, c'est que ce vers indique un
changement d'interlocuteur, comme le prouve aussi le
vocatif Argenteuil qui commence le vers suivant; le
vin de Meulan répond à son tour à Argenteuil, comme
vient de le faire le vin de Pierrefitte. Ce qu'il y a d'é-
trange, c'est de voir le sujet séparé de son verbe par
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 115
cette exclamation. J'ai cru toutefois devoir introduire
cette correction dans le texte.
P. 26, V. 91-92. — Voici les leçons des deux mss. :
Ms. 837, Bibl. nat. :
Qui fez d'Auçuerre, de Soissons,
Le vin de Laucei de Tauçons.
Ms. de Berne :
Que fait dant Croe de Soissons
Le vin de Laon de Tausons.
La leçon du ms. de Berne me semble préférable ; je
crois que dant Croe est le vin de Crouy, village à vi-
gnobles situé tout près et au nord de Soissons. Ce nom
n'a pu venir à l'idée du copiste ; il l'a trouvé dans le
texte qu'il avait sous les yeux ; le copiste du ms. 837
a mal lu ou n'a pas compris ; il a remplacé ces deux
mots par d'Auçuerre. Ce passage signifie-t-il : Nous
nous plaignons que tu assimiles dant Croe de Soissons
aux vins de Laon (ou de Laucei) et de Tausons qui sont
meilleurs que le vin de Vermandois et méritent bien
de figurer sur la table (dois) ? Je n'ai rien trouvé sur
Tausons. Quant à Vermandois, voir la note du v. 149.
P. 26, V. 95. — UHistoire littéraire de la France,
t. XXIII, p. 227, dit à propos des vins français : € Dans
l'état actuel des choses, il est toujours singulier de voir
les vins d'Argenteuil , d'Aubervilliers, de Montmo-
116 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
rency, comptés parmi les bons crus. » Je ne crois pas
que le vin d'Aubervilliers soit cité dans ce fabliau.
Auviler (v. 29), nommé entre Soissons et Epernay, est
le Hautvillers situé dans la Marne, arr. de Reims,
canton d'Ay. C'est le même qui est désigné au v. 95.
Le ms. de Berne donne cette leçon :
Espernais dist et Auviler :
Argentuel, tu wes aviller. . . .
et le ms. fr. 837, Bibl. nat., cette autre :
Espernai dist a Aviler :
Argentueil, trop veus aviler. . . .
a du premier vers au sens de avec. Epernay repousse
les prétentions d'Argenteuil en son nom et en celui
d'Hautvillers.
P. 26, V. 99. — Le vin de Chaalons dont il s'agit ici
ne peut être le même que le dant Petart de Chaalons
excommunié (v. 53) par le prêtre anglais. Rains
(Reims) et Chaalons (probablement Châlons-sur-
Marne) sont ici deux bons vins, puisque Epernay et
Hautvillers, voulant donner une haute idée de leur
valeur, disent qu'ils les passent.
P. 27, V. 115-122. — Ce qu'affirme notre poète du
commerce étendu des vins de La Rochelle est de la plus
exacte vérité ; il serait facile de citer une foule de
textes à l'appui. Legrand d'Aussy semble en douter.
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 117
« Est-il possible, dit-il (iVo^es, etc., p. 41), que La Ro-
chelle et son petit canton pussent fournir nos provinces
septentrionales et une partie des royaumes du nord ? »
On comprenait sans doute alors sous le nom de vins de
La Rochelle les vins de l'Aunis et de l'Angoumois, qui
étaient expédiés de ce port, comme nous comprenons
sous le nom générique de vins de Bordeaux tous les
produits des crûs de la région bordelaise. — Le vin
de La Rochelle était très estimé ; une foule de té-
moignages l'attestent, et le poète pouvait lui faire dire ;
Je sut des vins li sebelins. Une remarque à propos de
ce vers ; il signifie : Je suis le plus précieux des vins.
La martre zibeline, surtout la noire, était, au moyen
âge, la plus recherchée et la plus chère des fourrures.
Dans la langue du blason, on la désignait par le nom
de sable et elle était marquée par la couleur noire. On
l'appelle encore sable en anglais.
P. 27, V. 123-136. — Dans ce passage, nous voyons
les vins de la Guyenne, de la Saintonge et du Poitou,
prendre part à la lutte : Saint-Jean-d'Angely, Saintes
(ch.-l. d'arr. de la Charente-Inférieure), Angoulême,
Bordeaux, Poitiers. On est étonné de voir le Bordelais
tenir si peu de place dans l'œuvre de notre trouvère.
P. 27, V. 124. — J'ai déjà signalé dans l'introduction
l'erreur singulière de Legrand d'Aussy, qui prend le
nom de notre trouvère pour celui d'un crû et qui lui
applique cette note : « Cet Andeli est celui du Quercy
ou celui de Saintonge. » (Op. cit.^ p. 42.)
118 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
P. 28, V. 133-134. — On lit dans le Dict. de La Curne,
V. costoyer : « Ce mot, dans le passage suivant, paroît
difficile à expliquer :
Le bon vin blanc de Poitiers
Tant est fort que par son orgueil
Se fau costoier au soleil . »
L'éditeur du Dict. ajoute en note : « Un adage du
XVI® siècle dit encore (Leroux de Lincy, I, 383) : Le vin
est si frais à Poitiers qu'il esteindroit le feu d'enfer. Il
vous force donc de vous accoter au soleil. »
Mais aucun des deux mss. ne donne la leçon se fau;
on lit dans le ms. 837 se fait, et dans celui de Berne
se fait il toster (au sens de chauffer, griller). L'expli-
cation ne peut donc être admise.
A costoier, on trouve dans le même Dictionnaire :
« Cultiver, Ce mot est employé figurément dans ces
vers, où l'on dit en parlant d'une femme galante :
Ja n'est (ne sera) bien sa terre oostoié
Tant com el n'ait c'un buef (bœuf) à sa karue . »
(Kievre de Rains, Poës. mss. av. 1300, t. III,
p. 1167).
En s'autorisant de cet exemple, on peut, je crois,
interpréter ainsi les deux vers de Henri d'Andeli : Il
est si fort, parce qu'il se fait, ce vin orgueilleux, culti-
ver au soleil.
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 119
Remarquons encore le rapport qui existe entre
l'adage cité par Leroux de Lincy et le v. 132 :
Par la froidure de sa roche.
P. 28, V. 137-139. — Nos deux mss. diffèrent encore
sur deux de ces noms :
Ms. 837, Bibl. nat. :
Channi, Montrichart, Laçoy
Chastel Raoul et Betesi
Monmorillon et Ysoudun. . . .
Ms. de Berne :
Chauveni, Montrichart, Lacoy
Chastel Raol et Besançoi
Montmorillon et Ysodun. . . .
Chauveni et Besançoi du ms. de Berne me paraissent
préférables ; ils se trouvent dans la même région que
les autres lieux cités. Chauveni = Chauvigny, Vienne,
ch.-l. de cant., arr. de Montmorillon ; Besançoi = Bu-
zançais, Indre, ch.-l. de cant., arr. de Châteauroux.
Montmorillon et Chauvigny sont dans la Vienne ;
Châteauroux , Issoudun et Buzançais dans l'Indre ;
Montrichard est un ch.-l. de cant. du Loir-et-Cher ,
arr. de Blois, et il est probable que Laçoy est Lassay
qui se trouve dans le même département, arr. de Ro-
morantin. Il y a aussi dans la Mayenne un Lassay,
ch.-l. de canton.
31
120 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Déplus, la leçon Channi, n'ayant que deux syllabes,
oblige à en donner trois à Laçoy qui ne peut d'ailleurs
rimer avec Betesi qu'à cette condition. Cela ne paraît
pas possible, et pour cette raison encore la leçon du
ms. de Berne me semble meilleure.
Quant à Channi et à Betesi, ils répondraient sans
doute : le premier à Chagny, ch.-l. de cant. de Saône-
et-Loire, le second à Bethisy-Saint-Martin ou à Be-
thisy-Saint-Pierre, bourgs du département de l'Oise,
arr. de Senlis, cant. de Crespy.
Le Chastel Raol, qui adonné son nom à Châteauroux,
existe encore ; il a été bâti au x" siècle par Raoul de
Déols.
P. 28, V. 143. — Dans sa notice sur Issoudun {Hist.
des villes de France., Paris, 1845, t. IV, p. 206-210),
M. Chenu de Pierry a interprété ce passage d'une façon
qui n'est pas conforme à la pensée de l'auteur. « Les
vins de ce territoire, dit-il (p. 209), n'ont plus la répu-
tation dont ils jouissaient encore au moyen âge. Un
auteur au xii'^ siècle mettant en scène les vins du Bor-
delais, de la Saintonge, de l'Angoumois et du Poitou,
leur faisait disputer tour à tour le privilège de fournir
la table de Philippe-Auguste; mais Issoudun, Châ-
teauroux et Sancerre les arrêtant, soutenaient l'hon-
neur des vins français. (Leurs adversaires sortaient
du duché de Guyenne, appartenant à l'Angleterre.)
« Si vous avez plus de force que nous, disaient-ils,
nous avons en récompense une finesse et une sève qui
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 121
VOUS manquent, et jamais on n'entend ni les yeux ni la
tête nous faire de reproches. » Cette dernière assertion
est contredite par Guillaume le Breton ; il affirme que
le vin d'Issoudun enivre ceux qui, « dédaignant associer
Thétis àBacçhus», en boivent témérairement. — Loin
de soutenir l'honneur des vins français, (je rappelle
que, sous cette dénomination, Henri d'Andeli comprend
exclusivement les vins de l'Ile-de-France), Issoudun et
Châteauroux (Sancerre n'est pas nommé dans ce pas-
sage) s'efforcent d'abattre leur jactance, et c'est à eux
précisément que les vins français répondent :
Se vous estes plus fort de nous,
Nous sommes sade, savourous,
Si ne fesons nule tempeste
A cuer, n'a corz, n'a oeil, n'a teste.
Henri d'Andeli et Guillaume le Breton , loin de se
contredire, sont donc parfaitement d'accord sur la force
du vin d'Issoudun.
P. 28, V. 149. — Voici les leçons des deux mss. :
Ms. 837, Bib. nat. :
Mes Vermandois, S. Brice, Auçuerre. . .
Ms. de Berne :
Mais Vermentun, S. Brice, Auçuere. . . .
Vermentun est manifestement ici la bonne leçon.
Saint-Bris et Vermenton sont deux villages voisins
122 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
d'Auxerre ; Saint-Bris au sud-ouest d'Auxerre, sur les
coteaux qui dominent la rive droite de l'Yonne ; Ver-
menton un peu plus au sud-ouest, sur la Cure, peu
avant son confluent avec l'Yonne. Ces trois vins, qui
ont pour qualité commune de faire gésir les genz au
fuerre, c'est-à-dire de les coucher sur la paille, appar-
tiennent à la même région. Les vins de l'Auxerrois
sont toujours représentés par les trouvères comme
forts et capiteux.
Nous trouvons, v. 93, dans les deux mss., le nom de
Vermandois, qui ne peut être une erreur de copiste, puis-
qu'il rime avec dois. Faut-il y voir une autre forme du
mot Vermentun? J'incline à le croire, parce que le ms.
837 l'écrit encore ainsi là oii il s'agit bien évidemment
du moderne Vermenton, et parce qu'il ne saurait être
question du pays du Vermandois (Picardie) qui,' par sa
position, ne pouvait fournir de bons vins ; or le fabliau,
parlant de deux vins bien dignes de prendre place au
dois, c'est-à-dire à la table, dit qu'ils passent Ver-
mandois, c'est-à-dire un bon vin, car ce ne serait pas
faire leur éloge que de les dire supérieurs à un vin
médiocre.
« Il y a, dit Legrand d'Aussy {op. cit., p. 48), un Saint-
Brice en Limousin, un autre en Anjou, deux en Cham-
pagne, deux dans l'Agénois. » Ces divers Saint-Brice
n'ont rien à faire ici.
P. 29, V. 167-168. — Legrand d'Aussy {Fabliaux,
t. III, p. 37) a fait à cet endroit un singulier contre-sens :
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 123
« C'était une jolie quintaine que celle de ces champions
disposés au combat. ... et je gage même qu'aucun
d'eux n'eût demandé la quarantaine. » Henri d'An-
deli se borne à dire plaisamment que se livrer à un
pareil exercice (celui de boire de bon vin), c'est se
préserver de la fièvre quarte.
P. 29, V. 173-17G. — Encore un passage sur lequel
diffèrent les deux mss.
Ms. 837 :
Et a chascùn donoit . j . baut.
Et puis si disoit : « Ysebaut,
Bien S. Thomas qui fu martin,
Goditouet, ci a bon vin. »
Ms. de Berne :
A cascuns vin donoit . j . bout,
Et puis si disoit : « Ise goût,
Bi saint Thomas qui fu martin,
Giditoet, ci a bon vin. »
La leçon du ms. de Berne me semble encore ici préfé-
rable ; les mots anglais y sont moins altérés. Ise goût
se comprend aisément; ces mots sont peu éloignés de
la forme moderne it is good; bi= hy, qui signifie par.
Quant à Goditouet du ms. 837, qui me paraît meilleur
que le Giditoet du ms. de Berne, je ne puis ni l'ana-
lyser ni l'interpréter ; la première partie du mot repré-
sente God^ Dieu, et alors il y aurait là un juron, ou
124 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
goodj bon, mais que veut dire le reste ? Le premier de
ces quatre vers me paraît signifier que le prêtre anglais
livrait un assaut à chacun des vins; bouter veut dire en
roman pousser, et l'anglais a conservé encore le subs-
tantif bout dans le sens de coup.
Le mot français martin signifie ici martyr ; la termi-
naison a été modifiée pour la rime ; c'est une licence
que se permettent parfois les trouvères et dont on
trouve maints exemples :
Il vaut grant monnoie ;
Nous le garderon.
Qui li a apris a parler laton (latin).
{Du Prestre qui fu mis au lardier. — A. de Mon-
taiglon et G. Raynaud, Fabliaux, t. II, p. 27-28).
Et maintenant la dame envoie
Son ami a grant aleûre, '
Puis saut et délie la mure (mule).
{Des Tresces. — Ibid., t. IV, p. 71).
Qui bien vuelt a une partie
De mon cors, et a autre mal
Est ce amor entière ? Nenal (Nenil).
(La Vie de saint Alexi, v. 194-196. — Romania,
n° 30, avril 1879, p. 171).
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 125
P. 29, V. 178, — Entre la leçon du ms. de Berne :
Hersoi drinçoi fu son clerçon,
et celle du ms. 837 :
Guersoi dunque fu son clerçon,
il semble qu'il n'y ait pas à hésiter. Drinçoi représente
le verbe anglais to drink. S'il arrive qu'un copiste rem-
place par un mot français un terme anglais qu'il ne
comprend pas, il est inadmissible qu'il substitue un mot
anglais à un mot français. Evidemment drinçoi était
dans le texte de l'auteur. L'expression Hersoi (ou
Guersoi) drinçoi répond à une locution bien connue
dont on a des exemples en latin et en français. On
trouve dans le Regestrum Visitationum d'Eude Ri-
gaud : « Item, presbyter de Ribuef fréquentât tabernas
eipotat ad garsoil, p. 29 ; inquiratur àepotato-
ribus ad warseil, p. 137; item, injunximus
presbytère Sancti Sulpitii quod tabernas evitaret, et
non biberet ad garseil, p. 329 ; Rogerus, cano-
nicus, erat vinolentus et fréquenter immoderate pota-
bat ; ipsi vero inhibuimus ne ampliuspo^«re^ ad garsel-
luniy p. 458.» Le sens est bien clair: boire avec excès.
On lit dans Du Gange : « Garsallum, Gall. Garsoil,
Guttur, ut opiner. Potare ad Garsallum vel ad Gar-
soil, est immoderatius seu usquead satietatem bibere. »
Du Gange cite ensuite deux exemples tirés du Reges-
trum Visitationum et renvoie au mot Gargocil, où il
l!^ NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
dit : « Grargocil 1. guttur, Gall. Gosier. Bibere ad
Gargocil, in Statutis Cisterc. apud Marten. tom. IV,
Anecd. col. 1316, est immoderatius bibere. » Jubinal
[Œuvres de Ruteheuf^ Bibl. elzév., 1. 1, p. 110) donne
une autre étymologie : « A guersoi, à ivrognerie, par
gourmandise. — Ce mot, qui est composé de guère et
de soif, me semble une raillerie philologique pour
désigner l'action de boire beaucoup. »
Rutebeuf a dit dans la Complainte d'Outre-Mer :
en la sainte croiz cria
Aus Juys qu'il moroit de soi :
Ce n'ert pas por boivre a gitersoi,
Ainz avoit soi de nous reembre. V. 62-65.
{Œu/vres de Rutebeuf, Bibl. elzév., t. I, p. 1,10).
Jubinal a publié à la suite des œuvres de ce poète
(t. III, additions, p. 347-352) le Dit de Guersay, dû à un
rimeur inconnu.
Je citerai encore deux exemples de ce mot : dans le
premier, il sert d'invitation à boire ; dans le second, il
a le sens d'ivrognerie :
Mes tien le hanap, si di, hâve,
Conpaingnon, je te di guersai.
[Renart, 3168-69).
A none, si comme il soleit,
Menjout ; mes son mengier n'ert pas
Farsi de chufles ne de gas,
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 127
De bordes ne de lecheries,
De guerseiz ne de gloutonnies.
{La Vie de saint Alexi, v. 42-46. — Romania, no30,
avril 1879, p, 170).
P. 29, V. 182. — Le prêtre anglais jette la chandeille
(cierge) à terre en excommuniant la cervoise; c'est ce
que faisait toujours celui qui prononçait la formule
d'excommunication.
«( De Jhesu Grist, fet il, soient il tut maldit! »
Dune ad geté aval, quant oût cel mot dit,
De sur le pavement la chandeille en défit;...
(Saint Thomas, édition Hippeau, v. 4876-78).
Dans Renart le Novel, l'archiprêtre Timer (l'âne),
accompagné de deux de ses fils portant clohe, candeille
et benoitier, excommunie Renart :
Et quant fist le candeille esteindre,
Si dist pour plus Renart destraindre.
Pour cou qu'iert en mauvais estât.
Amen, amen, finit, fiât. V. 6095-98.
[Renart, édition Méon, t. IV, p. 376).
P. 30, V. 187 et suiv. — Ainsi ce sont deux vins étran-
gers qui obtiennent la prééminence : Chypre et Aquilat.
Ce dernier nom représente-t-il Aquilée, port des Etats
autrichiens situé au fond de l'Adriatique sur l'empla-
cement de l'antique Aquilée, qui du temps des Romains
32
128 NOTKS ET ÉCLAIRCISSEMENTS
fut très florissante, ou Aquila, ville des Abruzzes, dans
la vallée de l'Aterino ? — Il est fâcheux que Henri d'An-
deli ne nous ait pas donné les noms des vins dont
Philippe fit « douze pers en France. »
P. 30, V. 201-202. — M. P. Meyer {Troisième rapport
sur une mission littéraire en Angleterre et en Ecosse,
Archives des Missions scientifiques et littéraires,
2* série, t. V, p. 175) cite ces vers du ms. Digby 53
(Bibl. Bodleïenne), f . 8 :
Ki meuz ne pot a sa veille se dort.
Pars sit anus thorl cum posse caret meliorl.
Çum (Z. cui) non posse datur melius vetule sociatur.
Qui meliora nequid vetule fert basia que quit.
Leroux de Lincy, cité également par M. P. Meyer,
donne {Livre des proverbes français, etc., 2^ édit.,
in-12, 1859, t. II, p. 396) ce vers tiré du ms. de la
Bibl. nat., Colbert, n^ 7618^3 :
Qui mieux ne peut faire o sa veille se dort.
Dans le dit du Plaît Renart de Dammartin contre
Vairon son roncin (Jubinal, Nouveau Recueil, etc.,
t. II, p. 26), on retrouve le même proverbe :
Je ne puis. Tu m'as dit que doneor sont mort :
Je sui cil qui par force a sa vielle se dort.
Ce proverbe est parvenu jusqu'à nous sous cette
forme : Faute de mieux, on couche avec sa femme.
NOTKS ET ÉCLAIRCISSEMENTS 129
P. 30, V. 203-204. — Ces deux vers signifient : Que
notre vin soit de qualité moyenne on d'un goût plus
relevé, buvons-le tel que Dieu nous le donne. Ces trois
mots : moien, per oupersone, me semblent répondre
pour les vins à la distinction établie dans la nation :
tiers-état, noblesse, clergé. Les pairs étaient au pre-
mier rang dans la noblesse féodale ; le mot pair est
d'ailleurs pris souvent dans le sens de baron, c'est-à-
dire noble (voir les exemples dans Du Cange) ; le per-
sonat était un degré de la hiérarchie ecclésiastique. Du
Cange : « Persona, qui dignitatem habet cum praeroga-
tiva in choro et capitule... »
NOTES ET ECLAIRCISSEMENTS
LE DIT DU CHANCELIER PHILIPPE
P. 32, V. 36-37. — « Saint Etienne, dont la fête tombe
le 26 décembre. » Le v. 37 rappelle l'épître farcie de
saint Etienne qui a été répandue au xii'^ et au xiii® siècle :
Conter vous veul la passion
De saint Esteve le baron
Comment et par quel mesprison
Le lapidèrent li félon.
(Jahrbuch f. rom. LU. IV, 342). — Note de M. P.
Meyer.
P. 38, V. 190. — V. sur cette bizarre étymologie un
article de M. A. Darmesteter dans la Romania, t. I,
p. 360-362. Après avoir cité les passages de divers
auteurs qui, du vu* au xi** siècle, ont reproduit cette
étymologie, M. A. Darmesteter établit que la respon-
sabilité en revient à saint Jérôme {De Nominibus
Hebrœorum),
Examinons l'explication symbolique dont Henri
d'Andeli se fait l'interprète à propos de cette étymo-
logie. La glose étrange qu'il leproduit nous permettra
de déterminer le sens exact d'un mot que La Curne de
Sainte-Palaye paraît avoir mal expliqué. Dans une
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 131
lampe, dit Henri d'Andeli, il y a cinq choses : le
vaisseau de verre, l'huile, le plonjon, lejon et le feu.
Le vaisseau de verre, c'est le inonde fragile comme
lui, et qui n'est qu'un passage (trespas) ; l'huile repré-
sente les délices et la douceur du monde ; le plonjon,
c'est le corps qui est plongé dans ces délices ; le jon
qui est boute' dans le jtlonjon, c'est le cœur qui est
placé dans le corps ; lijons art et si gite flanme; enfin
le feu, c'est l'âme ou l'esprit.
On lit dans le Dict. de La Curne : Jonc : anneau
pour retenir la mèche d'une lampe; « mergulus, le
ferret de la lampe, en quoy est la mèche ou le^o^, ou
petit pluvion. » (D. C, t. IV, 372 '=.)
Du Cange, auquel La Curne renvoie, dit au mot
Mergulus :
Mergulus. Johann, de Janua : Mergulus, est dimi-
nutivum de mergus, et est œquivocum ad ferrum
quod mergitur in lampade, et ad tenendum papy-
rum, et ad avem mergum. Unde Gloss. Lat.-Gall.
Sangerm. : Mergulus, le ferret de la lampe, en quoy
est la mèche ou le jon, ou petit pluvion.
La Curne n'a pas bien compris l'explication du glos-
saire latin-français de Saint-Germain. Jon n'y est pas
donné comme synonyme de ferret de la lampe, mais
comme synonyme de mèche. Il faut lire ainsi : le ferret
de la lampe, — en quoy est la mèche, ou lejon, — ou
petit pluvion. Le jon n'est donc pas l'anneau ou le
132 NOTES ET KCLAIRCISSKMENTS
ferret, c'est la mèche, et, s'il y avait quelque doute, le
vers de Henri d'Andeli suffirait à le lever :
Li jons art et si gite flanme.
L'anneau ou le ferret, c'est le plonjon, mergulus...
quod mergitur in lampade. Le mot pluvion de la ci-
tation de Du Gange doit être ou une erreur du copiste
ou une faute de lecture; il est facile de confondre
u etn; on aura sans doute écrit ou lu pluuion au lieu
(\e plunion. Remarquons que petit plonjon est la tra-
duction exacte du diminutif mergulus.
Une dernière remarque. Il est singulier de trouver
à la rime des vers 219 et 220 : enfer, enfer ; les trou-
vères se gardent de rimer avec les mêmes mots, au
moins dans le môme sens. Je crois que l'explication
donnée plus haut du mot plonjon — ferrum quod
mergitur in lampade — conduit à corriger ainsi le
vers 220 :
Li cors c'est li plonjons de fer .
On peut rapprocher de l'interprétation symbolique
que nous lisons dans Henri d'Andeli ce curieux passage
dans lequel le monde est comparé à un œuf. Il est tiré
d'une pièce intitulée : Ici com,ence la petite philosophie.
M. P. Meyer l'a publiée dans son article sur les Ma-
nuscrits français de Cambridge. — St John's Collège
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 133
(Romania, n° 31, juillet 1879, p. 305-342). — Le pas-
sage que j'extrais se trouve p. 338-339 :
Li mond est rond(e) cum une pelote,
Nient estable mes tutdis mote.
Une ne fu ne ja n'ert estable
Mes tutdis est moble et remuable ;
Par elemenz est destinctez
Cum par un oef veer porrez :
L'escale l'aubun defors enclost,
L'aubun le mouel dedenz reclost,
Le mouel enclôt une gote
Ke de gresse est formée tote ;
L'escale est ausi cum le ciel,
L'eir cum l'aubun sor le mouel,
Le mouel enclôt la crasse gote
Et l'eir purceint la terre tote.
Savoir poet ki sens ad parfond
Ke le ciel enclôt tuit le mond. v. 85-100.
P. 40, V. 240-242. — « On appelle oo, à cause de
leur début (0 sapientia ... — 0 Adonaî'. . . — 0 radix
Jesse... — 0 clavis David... — 0 oriens... — 0
rex gentium, .. — 0 Emmanuel. . .), les grandes an-
tiennes qui se chantent pendant les dimanches qui
précèdent Noël, à partir du 17 décembre, avant et
après le Magnificat. » (Note de M. P. Meyer.)
P. 40, V. 256.— « Un texte à ajouter, dit M. P.
Meyer, à ceux que feu Du Méril a réunis dans son
mémoire sur l'usage des tablettes en cire, Etudes sur
134 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
quelques points d'archéologie et d'histoire littéraire
(1862), p. 109-111.»
Cet usage a été conservé à Rouen. Dans un mémoire
touchant l'usage d'écrire sur des tablettes de cire {Mé-
moires de littérature tirés des registres de l'Académie
des Inscriptions et Belles- Lettres, 1753, p. 278), l'abbé
Lebeuf dit : « La même chose est attestée pour la fin
du même siècle (xviie) à l'égard de la cathédrale de
Rouen, par le sieur le Brun des Marettes, auteur du
Voyage liturgique, composé alors, mais imprimé seule-
ment en 1718, à la réserve qu'on n'écrivoit le nom des
officiers qu'avec un simple poinçon. Je ne suis pas
certain que cet usage subsiste encore à Ç,ouen ; mais il
étoit en vigueur l'an 1722, auquel je vis les officiers de
la semaine courante, in tahulis, sur de la cire, ainsi
que je l'avois lu dans le Voyage liturgique. »
Aujourd'hui encore, aux halles de Rouen (Vieux-
Marché), les adjudications du poisson vendu à la criée
sont inscrites sur de longues tablettes dont les deux
côtés sont enduits de cire noire. C'est peut-être le seul
exemple en France de la conservation de cet antique
usage.
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 135
BATAILLE DES VII ARTS
P. 43, V. 7-8. — Il est souvent bien difScile de
retrouver le sens exact des sobriquets. Le mot autO"
riaus, diminutif de mépris du mot auteur, se comprend
aisément (Cf. logieieniaus^ v. 274, avocatiaus, 368),
mais glomeriaus (ms. 19152, gomereax) est moins
clair. Jubinal l'explique ainsi : « Gomer veut dire une
chose de peu de valeur, peut-être une petite monnaie.
Le terme de clercs glomeriaus voudrait donc dire : clercs
dont on fait peu de cas. » Ce sens est bien évident ;
mais il s'agit toujours de trouver quelle est réellement
cette chose de peu de valeur. Si l'on adopte la leçon
glomeriaus^ on ne peut la tirer de gomer, mais elle a
peut-être un rapport avec le mot Glomerum, pour
lequel Du Cange donne cette glose d'Ugutio : Pallium
pastorale. Le gomereax du ms. 19152 viendrait bien
de gomer, qui lui-même me paraît tiré du latin
gomarus. Je trouve encore dans Du Cange : « Gomarus,
Piscis^ in Glossar. Lat.-Gall. ex Cod. reg. 7679. »
Du Cange ajoute que ce glossaire a oublié le mot fran-
çais, « omittitur vox Gallica », et se demande si ce
mot ne serait pas homard, « an pro Homarus, Astacus.
Gall. Homard ?» Il renvoie à Gambarus, qu'il glose
33
136 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
ainsi : « Cancer, ostacus, vox Italica Gambaro, nostris
Ecrevisse. Ex lat. Gammarus ». Le mot gomer se
trouve dans ce passage du Roman de la Rose :
D'amer povre hom ne li chaille,
Qu'il n'est riens que povres bons vaille ;
Se c'iert Ovide ou Omers,
Ne les prise pas deux gomers.
Ce qui voudrait dire : Je n'en fais pas le cas de
deux écrevisses.
P. 43, V. 16. — Quiquelique est encore une de ces
appellations dérisoires dont le sens échappe. On trouve
dans le Roman du Renart (édit. Méon, t. III, v. 21205-
21206) :
Sez tu riens de dialectique ?
Oïl, tote quique liquique.
Je ne cite que pour mémoire l'explication de ce mot
donnée par 'Roq\iefort(Glossaire de la langue romane,
t. II) : « Quiquelikike, le cri du coq, pour désigner
quelque personnage impertinent. » Il est difficile de
voir ce qu'une pareille interprétation peut avoir de
commun avec la logique.
P. 44, V. 25. — Ce nom à'Omers ne désigne pas ici
l'illustre auteur de l'Iliade et de l'Odyssée ; l'étude de
la langue grecque était une exception très rare à cette
époque. L'auteur veut parler de l'abrégé de l'Iliade,
Iliados epitome, en 1075 vers hexamètres, composé
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 137
avant le iv® siècle de notre ère ; il nous a été conservé
par beaucoup de mss., dont quelques-uns donnent ce
titre : Homerus de bello Trojano ou De Lestructione
Trojœ. D'autres mss. portent ce titre : Homeri
Iliadum opus per Pindarum Thehanum e Grœco in
Latinum traductum. Ce Pindare ne serait pas le poète
lyrique, mais un autre Pindare, grammairien
d'Alexandrie.
Quelques mss. l'attribuent soit à Pandarus, soit à
Pintatius ou Pintadius. Pandarus est le nom d'un chef
qui figure parmi les défenseurs de Troie ; on eut au
moyen âge la singulière idée de lui attribuer cet ou-
vrage, de même qu'on rapportait à Dictys de Crète et à
Darés le Phrygien, ses contemporains, des relations du
siège. Quant à Pintadius, il ne s'est occupé que de jeux
d'esprit et de difficultés métriques, tandis que le style
de l'Epitome est simple et aisé.
Le mieux qu'on puisse faire, c'est d'avouer qu'on ne
connaît pas le véritable nom de l'auteur de cet opus-
cule, à moins qu'on ne veuille l'attribuer à Rufus
Festus Avienus, comme l'a fait Wernsdorf dans son
édition des Poetœ latini minores, reproduite par
Lemaire dans sa Bibliothèque latine.
P. 44, V. 26. — Donat et Priscien furent les deux
grandes autorités grammaticales du moyen âge, et
leurs ouvrages furent étudiés et commentés dans les
écoles jusqu'au xiii* siècle, époque à laquelle parurent
le Grecismus d'Evrard de Béthune et le Doctrinale
13S NOTES BT ÉCLAIRCISSEMENTS
puerorum d'Alexandre de Villedieu qui, après avoir
partagé leur vogue, finirent par les remplacer au xiv^
siècle. On ne se servait même plus, au xii® siècle, de
tous les ouvrages de Donat et de Priscien. « On n'em-
ployait de Donat, dit M. Ch. Thurot {Hist. des doc-
trines gramm. au moyen âge^ Not. et Extr. des mss.,
t. XXII, 2® partie, p. 94), que l'abrégé rédigé par ques-
tions et par réponses, que l'on désignait sous le nom
de Donatus minor, et le troisième livre de son Ars
wfly'o?', que l'on appelait déjà du temps de Hugues de
Saint-Victor Barbarismus. Quand les grammairiens
citent Donat, c'est toujours à VArs minor qu'ils font
allusion. Les deux premiers livres de VArs major
étaient tombés en désuétude. Quant à Priscien, on n'en
connaissait plus que le traité De Accentibus, qui lui
était attribué, et les Institutiones grammaticœ, dont
les seize premiers livres formaient ce qu'on appelait
Prisci volumen majus, Priscianus major ou volumen
majus, et dont les deux derniers étaient désignés sous
les noms de Prisciani volumen minus, Priscianus
minor ou volumen minus. »
P. 44, V. 27-28. — Henri d'Andeli entend par
chevaliers autoristres les auteurs Homère, Claudien,
Perse, et par ecuyers menistres (serviteurs), les
grammairiens Donat et Priscien qu'il met au service
des poètes.
P. 44, V. 33-35. — Je n'ai pu trouver rien de con-
cluant sur € ces chevaliers d'Orléans » qui viennent
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 139
défendre la cause de Grammaire. Il faut sans doute
voir en eux des docteurs ou des maîtres contemporains
de Henri d'Andeli, ou bien des auteurs ayant vécu
antérieurement et dont les œuvres figureraient ici
sous le nom de leurs auteurs dans la lutte entre
Grammaire et Logique. Si l'on adoptait cette dernière
hypothèse, on pourrait voir dans « Oede » Odon qui,
né à Orléans^ quelques années avant la dernière
moitié du xi* siècle, enseigna les lettres d'abord à
Toul, puis à Tournay, où il fut abbé de Saint-Martin,
devint ensuite évêque de Gambray, et mourut le
19 juin 1113. « Avant qu'Odon, dit V Histoire littéraire
de la France (t. IX, p. 594), quittât la ville d'Orléans,
lieu de sa naissance, et par conséquent lorsqu'il était
encore jeune, il avait déjà composé un poème sur la
fameuse guerre de Troie.... On ne trouve plus au reste
nulle part ce poème d'Odon, qui paraît avoir été le
premier de ses écrits. » Il est possible que cette œuvre,
composée à Orléans, et dont un contemporain, Godefroy
scholastique de Reims, vante la douceur et l'harmonie,
ait continué d'être en vogue dans les écoles de cette
ville au xii® et au xni® siècle.
Il est d'ailleurs bien difficile, en l'absence de toute
autre indication, de déterminer à qui peut se rapporter
un nom propre que tant de personnages ont porté. Il
en est de même du nom de Garnier. « C'est peut-être,
dit Jnhinal (Œuvres de Rutebeuf, Bibl. elzév., t. III,
p. 328-329), le Garnier qui enseignait au xiii^ siècle la
140 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
grammaire à Paris avec tant de succès, et dont Pierre-
le-Ohantre vante le désintéressement (V. Hist. litt.
de la France, t. IX, p. 144). »
Quant à Balsamon, je ne connais aucun auteur qui
en France ait porté ce nom.
P. 44, V. 36-38. — Il faut convenir que ce Balsamon
porte sur son écu de bien singuliers emblèmes : sau-
mon, dards, poivre chaud, pain ars (rôti). Ce person-
nage qui, sans doute, comme les autres tenants des
écoles orléanaises, était un auteur, c'est-à-dire un
versificateur latin, avait peut-être mis en vers quelques
préceptes de cuisine.
Le poivre chaut et le pain ars figurent en effet très
souvent dans la préparation des mets au moyen âge.
M. Drouet d'Arcq a publié ( Bibl. de l'Ecole des
Chartes, 5® série, t. I, p. 209-227) : « Un petit traité
de cuisine écrit en français au commencement du
XIV® siècle». Le poivre chaud y est souvent mentionné,
entre autres dans le passage suivant (p. 222) : « Sau-
mon frès, au poivre chaut; le salé à la moustarde, en
yver et en esté. » Je trouve également dans le Mena-
gier de Paris, t. II, p. 156 : « Sanglier frais soit cuit
en eaue et mengié au poivre chault.... »
Le poivre chaut paraît avoir été une sauce. Je trouve
dans le petit traité de cuisine publié par M. Drouet
d'Arcq, op. cit., p. 219 : « Connins, en rost, au poivre
chaut ou aigre.... » Or, le Menagier de Paris, t. II,
p. 232-233, contient dans la nomenclature des « saulces
NOTES BT ÉCLAIBC1SSBME>TS 141
boalics » denx sauces sous les noms de poivre jaunet
OQ aigret et de poivre noir. Je crois que cette dernière
est le poivre chault dont il parle, p. 156, et dont il ne
fait pas connaître ailleurs la composition ; le pain ara
est d'ailleurs un des ingrédients qui y entrent. —
« Poivre noir. Prenez clou de giroffle et un peu de
poivre, gingembre, et broyez très bien : puis broyez
pain ars destrempé en meigre eaue de char ou en meigre
eaue de choulx qui mieulx vaut, puis soit bouly en une
paelle de fer et au boulir soit mis du vinaigre ; puis
mettez en un pot au feu pour tenir chault. Item^ plu-
sieurs y mettent de lacanelle. >
Le pain « ars », puis broyé au mortier, entrait dans
la préparation d'une foule de mets ; il servait à lier et
à donner de la conlejxT.Ménagier de Paris, t. II : pain
ars, p. 172, 233; pain harlé sur le gril, p. 151, 162,
165; pain brûlé, p. 154, 160 ; pain sori sur le gril,
p. 166.
Une dernière question : Faut-il voir dans le mot
dars une expression métaphorique voulant dire que le
poivre chaud darde le palais, le pique comme un dard,
ou bien s'agit-il du dard ou vandoise, poisson appar-
tenant comme la carpe au genre cyprintés ? lÂttré cite
cet exemple du xiv« siècle : « Que nul ne prengne dars
durant le dit temps. » Ordonnances des rois de
France, t. Vil, p. 779. Voilà bien des conjectures, mais
on les excusera en raison de la difficulté du pas-
sage.
142 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
P. 44, V. 39. — Telle est la leçon des deux mss. Il
y aurait là une bien singulière comparaison, surtout
sous la plume d'un ecclésiastique; et d'ailleurs, pour-
quoi cette comparaison ? Elle est incompréhensible.
J'ai d'abord examiné deux hypothèses : ou bien une
confusion possible entre les lettres f et l, qui se
ressemblent beaucoup dans certains mss., aurait amené
le copiste du ms. qui est la source des deux nôtres, à
lire coille au lieu de coiffe, ou bien trouvant le mot
coule, employé au sens de capuchon (du bas-latin
cullà), il aurait vu là l'autre signification et aurait
donné au mot la forme sous laquelle il l'écrivait d'or-
dinaire. Il y a bien une difficulté à cette hypothèse ; le
capuchon paraît n'avoir été porté que par le clergé
régulier, ici il s'agit d'un prêtre (provoire). Mais voici
qui remet tout en question. Je trouve dans le Diction-
naire de Cotgrave (édit. de 1660) : « Couillon de
2^restre, Spindletree, Prichwood, Pricktymber. » Or,
leSpindletree, c'estle i'^wsam(Evonymus), appelé aussi
Bonnet de prêtre, à cause de la forme de ses graines
qui ressemblent assez bien à un bonnet carré, ce qui
ramène à coiffe de provoire que j'avais songé à
admettre. Mais le mot employé par Cotgrave n'en
subsiste pas moins ; il faut tenir grand compte de cette
coïncidence avec le terme des deux mss. ; aussi je n'ai
pas cru devoir changer cette leçon dont le sens serait :
plus noir que fusain.
P. 44, V, 40. — « On appelle en termes de marine
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 143
poissons royaux, les dauphins, esturgeons, saumons
et truites, lesquels appartiennent au Roi seul, quand
ils sont trouvés échoués sur le hord de la mer, à la
différence des baleines, marsoins, veaux de mer, thons,
souffleurs et autres poissons à lard, qui sont partagez
comme simples épaves. Pisces regii. Cela est réglé par
le titre 7 du livre 5 de l'Ordonnance de la Marine. La
coutume de Normandie appelle aussi poissons royaux
généralement tout \e poisson qui est digne de la table
du Roi, comme vives, surmulets, qui sont les rougets,
les haubarts qui sont brigues , ou loubines, etc. »
Dict. de Trévoux.
P. 45, V. 47-48.— Un Raoul de Builly (Rad'. de
Builly) est mentionné comme témoin dans une charte
(Rotuli chartarum in Turri Londinensi asservati,
ace. Thoma Duffus Hardy, t. I, 209 a), par laquelle
Galfr'. de Turre devient homme-lige de Jean sans
Terre en 1215, mais je ne saurais dire si, dans ce pas-
sage du poète, il s'agit ou non de ce personnage.
P. 45, V. 49. — Je crois que Henri d'Andeli désigne
ici par Tornai une maison que les évêques de
Tournay possédaient près de l'enceinte de Philippe-
Auguste, dans la rue Bordet ou Bordelle (maintenant
rue Descartes), qui aboutissait à la porte de ce nom et
passait derrière Sainte-Geneviève. Un évêque de
Tournay y établit, en 1353, le coUège de Tournay
contigu au collège de Boncourt fondé la même année.
Ils furent tous deux réunis plus tard au collège de
34
144 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Navarre établi en 1304 par Jeanne de Navarre, fille
de Philippe le Bel. L'Ecole polytechnique occupe
aujourd'hui leur place.
On comprend que notre poète fasse assembler l'armée
de Logique près des remparts, — elle va sortir de
Paris, — et sur la montagne Sainte-Geneviève, —
c'est là que Logique avait ses écoles.
P. 45, V. 50. — Il s'agit sans doute ici de Pierre de
Courtenai, chanoine de l'église de Paris, fils de Pierre
de Courtenai, qui fut empereur de Constantinople et
mourut en 1218, et d'Yolande de Hainaut ou de
Flandre. Le titre de dan que lui donne le poète
s'applique évidemment à un ecclésiastique. Le P.
Anselme dit {Hist. chr. et généal., t. I, p. 477) :
« Pierre de Courtenay, destiné à l'église, est qualifié
clerc dans une chartre de 1210, pour l'abbaye de
Vezelay », et dans le Cartulaire de l'église Notre-Dame
de Paris, édité par M. Guérard, on lit (t. I, p. 464),
1239
janvier -^^ : « Pro hiis autem et pro omnibus supra-
dictis , ego Petrus de Cortenaio , Parisiensis cano-
nicus.... »
P. 45, V. 51. — Ce vers, « Uns logiciens moult très
sages », doit-il être rattaché au vers précédent, comme
l'a cru Jubinal qui l'en a séparé par une simple vir-
gule et a placé un point après le mot sages, ou au vers
suivant, les mots uns logiciens ayant l's caractéris-
tique du cas-sujet. J'ai adopté ce dernier parti, bien
que je n'ignore pas que les mots se rapportant par
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 145
apposition à un cas oblique ont parfois Ys qui distingue
le sujet singulier. (Voir M. de Lebinski : JDie Declina-
tion der substantiva in der Oïl-Sprache, 1878, in-8°).
P. 45, V. 52-54. — Je n'ai rien trouvé sur ce Jehans
li pages, pas plus que sur Nicole aus hautes naches
(fesses), Robert le Nain (v. 58) et Cheron le Viel
(v. 60).
A l'égard de Poin l'AsnCj Jubinal dit : « Ne serait-
ce point le dominicain Jean de Paris, docteur et pro-
fesseur de théologie, qui vivait vers 1200, et qui fut
surnommé Poin-l'Ane (pungens Asinum) ? » Ces mots
cil de Gamaches paraissent exclure l'hypothèse de
Jubinal et montrer qu'il y avait alors plusieurs Poin-
l'Ane faciles à confondre. Ce nom n'était pas d'ailleurs
à cette époque si rare qu'on pourrait le croire. Plu-
sieurs documents nous apprennent qu'il était porté par
une famille de Paris; on le trouve aussi en Normandie.
A la page 81, col. 2, des Magni Rotuli scaecarii Nor-
manniœ sub regibus Angliœ, publiés par la Société
des Antiquaires de Normandie, 1846, on lit en effet :
Thomas Pointlasne 2 sol. pro clamore dimisso.
P. 45, V. 55-57.
Cil troussèrent trive, cadruve
Sor. j. grant char en une cuve.
Li bedel traioient le char.
Le ms. 19152 donne la leçon suivante que Jubinal a
préférée en la ponctuant ainsi :
146 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Cil troi savent trive, cadruve.
Sor. j. grant char en une cuve,
- ■ Li bedel traioient le char.
Le premier vers offre, il est vrai, un sens très appli-
cable aux trois personnages qui viennent d'être nom-
més, mais les deux derniers ne peuvent s'expliquer
d'une manière satisfaisante. Comment comprendre en
effet que les bedeaux (appariteurs de l'Université)
traînent le char sur un grand char en une cuve ? Le
sens du ms. 837 est clair : « Ceux-ci chargèrent le
Trivium et le Quadrivium (V. Introduction, p. lxxj)
sur un char dans une cuve et les bedeaux tiraient le
char. » Ce sens de trousser (charger sur, placer dans)
est bien connu; on le trouve déjà plusieurs fois dans
la Chanson de Roland. Aux exemples cités par
M. Littré, à l'historique du mot Trousser, je puis
ajouter les suivants, qui s'accordent parfaitement avec
le passage de notre trouvère. Ils sont tirés du fabliau
intitulé : Du Prestre mis au lardier {A. de Montaiglon
et G. Raynaud : Fabliaux, t. Il, p. 27).
Sur une charete me faut trousser haut
Ce viez lardier là, vendre le me faut.
On fit ens en l'eure
Le lardier trousser.
Ainsi, les sept Arts sont traînés sur un char jusqu'au
lieu où doit se livrer la bataille, tandis que la Loi (le
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 147
droit civil) et Décret (le droit canon) s'y rendent noble-
ment à cheval :
La Loi chevaucha richement
Et Décret orguilleusement
Sor trestoutes les autres ars.
Ceci nous montre quelle importance l'étude du droit
civil et surtout celle du droit canon, la première renou-
velée par le jurisconsulte Irnerius, la seconde instituée
par le moine Gratien, à Bologne, dans la dernière
moitié du xii^ siècle, avaient déjà prise dans l'Univer-
sité de Paris. — Le moine Gratien avait publié un
recueil de Décrétales qui servirent de base à l'enseigne-
ment du droit canon, d'oii le nom de Décret donné à
cette science.
P. 45, V. 63. — Montlhéry (Mons Letherici), Seine-et-
Oise, arr. de Corbeil, c. d'Arpajon, est célèbre par le
château-fort qui fut rasé par Louis le Gros, et dont il
reste une tour dont Henri d'Andeli parle plus loin, et
par la bataille qui eut lieu le 16 novembre 1465 entre
Louis XI et les seigneurs qui avaient formé contre lui
la Ligue du Bien public. Linas, qui n'est plus qu'un
petit village, un peu au sud de Montlhéry, était un
doyenné au xni® siècle.
P. 45, V. 68. — L'étude du droit était très florissante
en Italie, principalement à Bologne et à Padoue, et
beaucoup de Lombards venaient à Paris trafiquer de
leur éloquence. Voilà pourquoi le poète en fait les sui-
148 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
vants de Rhétorique, leur donne pour armes des dards
empennés de langues, et les montre habiles à enlever
les héritages
Fax les lances de lor langages.
P. 46, V. 75-76. — Aux Pères de l'Église latine, saint
Augustin, saint Ambroise, saint Grégoire le Grand,
pape, saint Jérôme, le poète joint le moine et historien
anglais Bède le Vénérable et Isidore de Séville, tous
deux en grande estime au moyen âge pour leurs traités
de théologie. Le parti des grammairiens aurait pu
revendiquer le dernier dont les Etymologies ou Ori-
gines étaient en renom dans les écoles de grammaire.
P. 46, V. 77-79. — Divinité et Haute-Science dé-
signent ici la Théologie qui primait tous les autres
arts. Dans les Recherches de la France, 1. IX, ch. X,
col. 906 de l'édition de 1723, Etienne Pasquler dit :
« Orestoient nos Docteurs anciennement appeliez tan-
tost Docteurs en Théologie, tantost Maistres en divi-
nité. Ainsi le trouverez-vous en Fi'oissard Tome pre-
mier chapitre 211. & au testament fait l'an 1304. par
Jeanne Royne de Navarre Comtesse de Champagne &
Brie femme dudit Roy Philippes le Bel. » — Les An-
glais emploient encore aujourd'hui Divinity dans le
sens de théologie.
P. 46, V. 84. — Ce chancelier, que le trouvère appelle
deux vers plus loin li mieldres clers de France, est
très vraisemblablement Philippe de Grève, chancelier
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 149
de l'église de Paris de 1218 au 26 décembre 1236, dont
la mort a inspiré à notre poète son Dit du chancelier
Philippe. Au vers 86, le mot c'ert, c'était, semble indi-
quer que le chancelier était déjà mort quand la
Bataille des VII Ars fut composée.
P. 46, V. 91. — La qualification d'amen dut être
attribuée d'abord à tous ceux qui étudiaient les sept
Arts, c'est-à-dire aussi bien aux grammairiens qu'aux
logiciens. Ce vers et le 444^,
Quar arcien et discretistre,
montrent bien que, au temps de Henri d'Andeli, ce
titre s'appliquait spécialement aux maîtres et aux étu-
diants en logique (V. La Curne, v. Artien). Arcien
paraît avoir le même sens dans ce passage de Rutebeuf
{Le Maistre Guillaume de Saint-Amour, v. 40-43) :
Hé ! arcien,
Decretistre, fisicien
Et vous la gent Justiaieo . . .
(Jubinal, Œuvres complètes de Rutebeuf, Bibl,
elzév., 1. 1, p. 95.)
P. 46, v. 99. — La « Fisique » n'était pas alors autre
chose que la médecine et l'on donnait le nom de « fisi-
ciens » ou de € mires » aux médecins, dont la profession
ne se confondait pas avec celle des chirurgiens.
« Phisique est une science par le quele on connoist
150 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
toutes les manières du cors de l'homme, et par lequele
on garde le santé du cors et remue les maladies. »
Alebrant, Bibl. nat., f. fr. 7929, f» 2. — Cf. l'anglais
Physician, médecin.
P. 47, V. 101. — On trouve au xm« siècle deux méde-
cins portant ce nom : Robert de Douay, chanoine de
Senlis, médecin de Louis IX, ou, selon G. Naudé, de
la reine Marguerite, et Robert, chanoine de Champeaux
en Brie, médecin d'Etienne, évoque de Paris, cité par
le Cartulaire de Notre-Dame de Paris (édit. Guérard,
t. I, p. 212) comme témoin d'un hommage fait par
Jean de Gehenni (Jagny) à cet évêque, le 21 mars 1279,
avant le dimanche des Rameaux.
P. 47, V. 102. — Il y avait, à Paris, dans la cité, une
rue de Glatigny, qui paraît avoir été assez mal famée.
P. 47, V. 103. — Dans la liste qu'il donne des médecins
du roi, V. Archiater, Du Gange cite : « Petrus Lombar-
dus, Canonicus Carnotensis, Archiater Ludovic! VII,
anno 1138, obituar. Carnot. >, et V Histoire littéraire
de la France, t. IX, p. 193- 194, dit : € On nous donne
aussi pour premier Médecin du Roi Louis-le-Jeune,
un Pierre Lombard Chanoine de l'église de Chartres,
oii il est, dit-on, enterré, et ainsi fort différent de
l'Evêque de Paris du même nom. »
D'un autre côté, M. de Lépinois {Hist. de Chartres,
1854, t. I, p. 158), cite un « M* Pierre Lombard, cha-
noine et médecin du Roi », et il ajoute en note : « Ce
Pierre Lombard, clerc, puis chanoine sous-diacre, fa-
XOTGS ET ECLAIRCISSEMENTS 151
milier da chanoine Landalphe de Colompnia, en 1299,
n'a rien de commun avec Pierre Lombard, le maître
des sentences, qui fut évêque de Paris en 1159
(Voir Nécrol. de Notre-Dame, — 37, aa 19 des kal.
de féTrier et les registres capitulaires anno 1299.) >
n est assez singulier de trouver deux Pierre Lom-
bard au xn^ et au xni^ siècle, tous deux chanoines de
Chartres, tous deux médecins du roL
P. 47, V. 105. — L'absence de toute autre désignation
rend bien difficile de déterminer quel est le médecin dé-
signé par un, nom si commun au mojen âge que celui
de Giraut. La Bibl. publique de Rouen possède un oo-
vrage sur la médecine de Géraud de Bourges, intitulé :
Summa magUtri Geraldi (ms. -—y du un* siècle).
Fabricius lui a consacré les lignes suivantes dans sa
Bibliotheca latina mediœ et in/imœ cetatis, t. 111,
lib. Vn, p. 39 : « Geraldus Bituricensis, Medicus, cajos
Gommentarium ms. super Yiatieum Constantin! memo-
rat Sanderus in Bibl. Belgica ms. p. 194. Constantinus
Afer, auctor Viatici, scripsit circa annnm 1090. » —
Est-ce le Gîrant dont parle Henri d'Andeli ?
P.47,v. 106. — Le nom de Henri de Venables s'ap-
plique évidemment à un Normand. Venables est iu
village du département de l'Eure, situé à peu de dis-
tance de GaUlon et des Ândeljs. Je trouve dans le
Regestrum Visitationum d'Eude Rigaud le nom d'un
Henri, médecin de l'archevêque, assistant comme
ténioin à plusieurs actes : p. 156, magistro Henrico
3^
152 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Batille, pMsico nostro ; p. 161, magistri Henricus li
Bègues et Johannes Gibosus, phisici ; p. 170, magistro
Henrico, phisico ; p. 173, magister Henricus, dictus
Blesus, phisicus. Li Bègues est la traduction de Blesus ;
Babille signifie probablement ici qui balbutie et dési-
gnerait le même personnage. — Si l'on considère que
Venables est voisin de Gaillon et des Andelys, où les
archevêques de Rouen avaient des domaines, on pour-
rait peut-être supposer sans trop de témérité que ce
Henri, médecin attaché à la personne d'Eude Rigaud,
est le mestre Henri de Venables dont parle notre trou-
vère ; la supposition devient encore plus probable si
l'on admet (voyez l'introduction) que Henri d'Andeli
était lui-même clerc d'Eude Rigaud.
P. 47, V. 108. — Quel est ce médecin ou ce chirurgien
que Henri d'Andeli désigne ici sous le nom de Petit-
Pont ? Le Petit-Pont unissait comme aujourd'hui la
Cité à la rive gauche de la Seine ; il était bordé de
maisons occupées par des écoles, et les maîtres qui y
enseignaient tiraient de lui leur surnom ; en l'absence
de toute autre désignation, il est difficile de savoir du-
quel il s'agit. Parmi ceux qui ont porté ce nom, je
citerai : Adam du Petit-Pont, célèbre grammairien,
qui fut chanoine de Paris, puis évêque d'Asaph en An-
gleterre (Jean de Salisbury l'eut pour maître) ; Jean
du Petit-Pont, que Gilles de Paris, son contemporain,
qualifie de puits de science :
NOTES BT ÉCLAIRCISSEMENTS 15^
Vasis inexhausti parvo de ponte Johannem ;
Gilebertus de Parvo-Ponte, chanoine de Saint-Etienne
de Gressibus (des Grès), mentionné, en juillet 1265, par
le Cartulaire de Notre-Dame de Paris (édit. Guerard,
t. II, p. 435-436); Guillelmus de Parvo-Ponte (même
ouvr., t. I, p. 432), sous la date de 1237; Gautier du
Petit-Pont, théologien, chanoine de Rouen, mentionné
dans le Cart. de Louviers, édité par M. Bonnin, p. 180,
5 mars 1221. Y a-t-il un rapport entre ce dernier et
le Gautier dont parle le poète aux vers 402-405 ?
L'Englois qui lut sor Petit Pont
Qui por pauvreté se repont.
Godefroy deBreteuil ou de Saint-Victor, chanoine et
sous-prieur de l'abbaye de Saint-Victor près de
Lisieux, a donné dans le Fons Philosophiœ, poème
latin du xn® siècle, édité par M. Charma en 1868, une
curieuse description (str. 70-72) de ce pont, tel qu'il
existait de son temps.
P. 47, V. 115. — Deux textes à rapprocher de ce pas-
sage. Dans le Miracle de saint Guillaume du désert
{Miracles de Nostre-Dame, t. II, p. 45), Notre-Dame
envoie ses anges au secours de Guillaume, que les
démons ont meurtri de coups, et leur adresse ces mots :
Mi ange, mettez tous a voie
Et cestes boites isnelment,
154 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Qui sont de très doulx oingnement,
Prenez, Agnès, et vous Cristine,...
Le poème de la Table ronde, édité par M. G. Hippeau
sous le titre de Messire Gauvain ou la Vengeance
de Raguidel, contient une curieuse énumération des
métiers exercés dans la ville que domine le château de
Gautdestroit; on y trouve ce vers :
Cius vent boites a ongement.
P. 48, V. 130-132. — Les sciences occultes, au nombre
desquelles est la Nigromanee (Nécromancie), étaient
étudiées à Tolède et à Naples. U Histoire littéraire de
la France, t. XVIII, p. 95, cite ce passage d'un sermon
dans lequel Hélinand, moine de Froidmont, mort après
1229, oppose la science des saints à la vanité des con-
naissances humaines : « Ecce quserunt clerici Parisiis
artes libérales, Aurelianis auctores, Bononiae codices,
Salerni pyxides, Toleti dœmones, et nusquam mores...»
P. 49, V. 174-177. — Pour les instruments de musique
dont parle ici le poète, V. Viollet-le-Duc : Dictionnaire
du mobilier, Clochettes, t. II, p. 253-254. — Gigue,
t. II, p. 273-274. — Viéle, t. II, p. 319 et suiv. — Psal-
térion, t. II, p. 301-305. — Flûte, t. II, p. 267-272.
V. aussi E. de Coussemaker : Essai sur les instruments
de musique au moyen âge dans les Annales archéolo-
giques de Bidron, t. III, 1845, et A. Vidal : Les instrur-
ments à archet, Vielle à archet, t. I, ch. IV.
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 155
- P. 49, V. 180-183. — Le diatesalon est la quarte,
ri ôià rea-aâpbiv (7V[x(fOdvioc; le diapante, la quinte, ri àià
Tiévre avix(fcùvix ; le diapason , l'octave , ri §tù Tracwv
Trehle vient du mot latin triplum que M. de Cousse-
maker (l'Art harmonique aux XIP et XIIP siècles,
1845, in-4°, p. 47) explique ainsi : « Le mot triplum
avait une double signification : on désignait ainsi la
troisième partie d'une composition harmonique qui
s'ajoutait aux deux parties préexistantes. On appelait
aussi triplum, d'une manière générale, une composi-
tion à trois parties. Ce mot avait alors la même signi-
fication que le mot trio dans la musique moderne. »
Je n'ai trouvé nulle part le mot quarreilre employé
au sens de quadruple; mais la suite des idées amène
bien à lui donner la même signification. M. de Cousse-
maker dit encore (p. 49) : « Le mot quadruplum
a une double signification. Il 'désignait à la fois une
composition harmonique à quatre parties, et la qua-
trième partie. »
Le mot gerbes m'est inintelligible. 11 est à remarquer
qu'il ne rime avec trehles que par assonance. Le texte
est sans doute altéré. Le ms. 19152 a la leçon suivante :
Sont hurtez de diverses janbes
Par quarreûres et par trangles
qui est également incorrecte. TVaw^Zes équivaut-il à
trebles'i S'il en était ainsi, on pourrait covvi^eT janh es
156 NOTES ETT ÉCLAIRCISSEMENTS
enjangles, mot par lequel le poète qualifierait dédai-
gneusement les chansons des musiciens.
P. 50, V. 202. — Il s'agit dans ce vers du Qrecismus
d'Evrard de Béthune, composé, d'après M. Daunou, en
1212, et du Doctrinale puerorum d'Alexandre de
Villedieu, qui, d'après trois vers du ms. d'Helmstadt,
est de l'année 1209. Henri d'Andeli en fait les deux
neveux de Priscien, parce que ces deux ouvrages, qui
ne sont pas autre chose que des grammaires latines en
vers, sont empruntés pour le fond aux traités de Pris-
cien, qui, avec ceux de Donat, servirent presque exclu-
sivement à l'enseignement de la grammaire, pendant
le moyen âge, jusqu'au moment où Evrard et Alexandre
composèrent leurs manuels. « Dès le xiii^ siècle, dit
M. Ch. Thurot, le Grécisme et le Doctrinal étaient
préférés à l'ouvrage de Priscien, et cela pour plusieurs
raisons. D'abord les vers techniques, jusque-là rare-
ment employés, étaient devenus d'un usage général
dans l'enseignement. On ne croyait pas pouvoir s'en
passer, et, depuis le xiii" siècle, il n'est guère d'ouvrage
didactique, même en prose, où les règles jugées les plus
essentielles ne soient rédigées en vers. » Henri de
Gand, mort en 1295, atteste en ces termes la vogue
dont jouissait cet ouvrage : « Alexander Dolensis
scripsit metricè librum quem Doctrinale vocant. Cujus
libri in scholis grammaticorum magnus usus est in
temporibus hodiernis. » {De scrip. eccL, c. 59.) V.pour
le Grécisme : Hist. litt. de la France, t. XVI, p. 188 et
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 157
t. XVII, p. 128, et M. Ch. Thurot : Not. et Extr. des
mss., t. XXII, 2' partie, p. 101; pour le Doctrinal :
Not. et Extr. des mss., t. V, p. 512, art. de Le-
grand d'Aussy ; Hist. litt. de la France, t. XVIII,
p. 202-209, art. d'Amaury-Duval ; M. Ch. Thurot, op.
cit., p. 28-36, et Du Boulay : Hist. Univ. Paris., t. III,
p. 65 et 674.
P. 50, V. 207. — Ce passage nous montre que, dans
les écoles du moyen âge, on étudiait les poètes chré-
tiens du IV® et du V® siècle, concurremment avec les
poètes païens de l'antiquité classique (V. Vlntrodttc-
tion, p. xcii). Ces derniers sont trop connus pour qu'il
soit nécessaire d'en parler. Il en est de même de Pru-
dence, dont Villemain apprécie la valeur comme poète
lyrique dans ses Essais sur le génie de Pindare et sur
la poe'sie lyrique, ch. XIX, p. 434-440, in-8°, 1859.
Le principal ouvrage de Sedulius, poète chrétien du
v"^ siècle, est le Paschale carmen, poème en vers hexa-
mètres sur les miracles de l'Ancien et du Nouveau Tes-
tament, qu'il mit lui-même en prose, sous le titre de
Paschale opus, à la prière du prêtre Macedonius.
Saint Prosper d'Aquitaine (v® siècle) a composé,
entre autres ouvrages, le Carmen de ingratis ou Le
lihero arbitrio contra ingratos aut Pelagianos. Les
ingrats sont ici ceux qui ne pensent pas que la grâce
divine soit nécessaire à l'homme. Le poème de saint
Prosper a été traduit en vers français par Lemaistre
de Sacy. (Paris, 1646, in-4'>.)
158 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Arator (vi* siècle) a mis en vers hexamètres les Actes
des Apôtres : Aratoris suhdiaconi historiœ apostolicœ
libri duo. C'est à lui qu'Ennodius, évêque de Pavie,
adressa ce calembour à l'occasion de son anniversaire :
Jure colis proprium natalem, pulcher Arator,
Qui si non colères, numquid Arator eris î
P. 51, V. 210. — Legrand d'Aussy et Jubinal voient
dans Propre le poète latin Properce, contemporain
d'Auguste ; mais les lois de la dérivation, aujourd'hui
bien établies, ne permettent pas d'admettre cette assi-
milation. On sait que, dans tous les mots d'origine
populaire, l'accent reste en français sur la syllabe
accentuée en latin et que cette syllabe est toujours
conservée. (V. M. A. Brachet, Gramm. hist. de la
langue française, \Q^ édition, p. 72). Or, dans Pro-
pertius, la syllabe per est accentuée, et dans Propre,
c'est la syllabe pro qui porte l'accent. Propertius ne
pouvait devenir et n'est devenu en effet que Properce.
Quant à Propre, c'est le nom bien régulièrement dérivé
de saint Prosper, évêque d'Aquitaine et poète latin du
V* siècle. Et cette assimilation est confirmée par plu-
sieurs listes de poètes anciens auxquels les grammai-
riens du moyen âge empruntent leurs exemples, et dans
lesquelles on trouve toujours saint Prosper et jamais
Properce. — V. ces listes dans l'ouvrage de M. Ch.
Thurot sur les Doctrines grammaticales au moyen
NOTES ET ECLAIRCISSEMENTS 159
âge (Not. et Extr. des mss., t. XXII, 2« partie, p. 424,
425, 509, 518).
P. 51, V. 216. — L'auteur personnifie ici différents
ouvrages d'Aristote. Elenche est le Ilepi o-o^ktthcmv
EXéyx^v; les deux Logiques sont les 'AvaXvrixà
TTOûTepa en deux livres, et les AvaXuTtxà xiaxzooc aussi
en deux livres; le Periarmaines est le Ilepî "Sj^^rçjeiaq
ou de l'Interprétation ; les Topiques sont les ToTrtJtâ
en six livres. Ces cinq ouvrages, joints aux Prédica-
ments TKaTïjyopiai) , que nous verrons figurer au
V. 230, forment l'ensemble qu'on appelle l'Organon ou
la Logique d'Aristote.
Le Livre de Nature est le Ouo-txYi 'Axpdao-tç en huit
livres ; l'Éthique désigne les 'Hôixà Nixo|ùia;(eîa en dix
livres , peut-être aussi les 'Hôixà [LtyôCka. et Hôixà
P. 51, V. 220. — Boëce, le commentateur d'Aristote,
vient ici tout naturellement au secours du philosophe
grec. Si Macrobe figure dans l'armée de Logique, il le
doit sans doute à son célèbre commentaire sur le Songe
de Scipion. Son traité De differentiis et societatibus
grœci latinique verbi aurait pu le faire placer parmi
les partisans de Grammaire.
P. 51, V. 222. — Ce philosophe, qui changea son nom
phénicien de Malk ou Melech (Roi) pour le nom grec
de Porphyre, naquit en 238 et mourut au commence-
ment du IV* siècle. Il devint le chef de l'école d'Ale-
xandrie après la mort de son maître Plotin. Les nom-
36
160 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
breux ouvrages philosophiques et littéraires qu'il avait
composés ne nous sont pas tous parvenus. Son Isagoge
(Eto-aycoyvî), ou Introduction aux Catégories d'Aristote,
était étudié dans les écoles du moyen âge, qui ne le
connaissaient que par le double commentaire de Boëce
sur la traduction de Victorinus {In Porphyrium a
Victorino translatum dialogi duo), et sur celle qu'il
avait faite lui-même (Commentarium in Porphyrium
a se translatum lihri quinque). C'est d'un passage de
Porphyre que sortit la grande querelle des Univer-
saux.
P. 51, V. 230. — Ce n'est pas sans raison que l'auteur
joint Sex Principes à Predicamenz {CsXé^ovieB d'Aris-
tote). Dans l'ouvrage qu'il a miiixilé Sex Principiorum
liber, Gilbert de la Porrée, né à Poitiers vers 1070, et
mort évêque de cette ville en 1154, s'est proposé de
compléter l'œuvre d'Aristote, qui, après avoir traité à
fond des quatre premières catégories, n'avait présenté
sur les suivantes que des considérations sommaires. Ce
sont ces six dernières catégories que Gilbert de la
Porrée soumet à un examen approfondi et qu'il appelle
Sex Principia. « Ce complément, dit M. B. Hauréau
{Hist. de la phil. scol., 1" partie, p. 453), fut adopté
dans toutes les écoles jusqu'au xvi® siècle. De même
que le traité de Porphyre, il fut joint aux Catégories.
Pour entrer dans le monument péripatéticien, on pas-
sait par V Isagoge; on en sortait par le Livre des six
principes. * Le statut de 1254, par lequel les maîtres
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS ICI
és arts réglèrent l'ordre des études dans l'Université
de Paris, met en effet le Sex Principia au nombre des
ouvrages qui doivent être lus. (V. ce statut dans Du
Boulay, Hist. Univ. Paris., t. III, p. 280-281.)
P. 51, V. 232. — Voir sur dant Barharime la note
du V. 26.
P. 52, V. 239. — Cette imputation dirigée contre les
Poitevins se trouve ailleurs que dans notre poète.
Jubinal, dans une note de la Bataille des VII Ars
[Œuvres de Ruteheuf, Bibl., elzév., t. III, additions
p. 327), cite un curieux passage tiré du ch. VII àeV His-
toire occidentale de Jacques de Vitry, qui fut, dit-il,
légat du saint-siège sous Grégoire IX, en 1228, et car-
dinal, où il fait connaître les dénominations qu'on
appliquait alors aux différents peuples. On y lit :
Pictavos proditores et fortv/nœ amicos. Plus tard,
à l'occasion de la coalition de Hugues de Lusignan ,
comte de la Marche, et des seigneurs poitevins avec
Henri III, roi d'Angleterre, contre saint Louis, Ma-
thieu Paris appelle les seigneurs révoltés faux et
traîtres Poitevins.
P. 52, V. 258.
Gramaire lor fiert . j . desciple
Parmi le corps d'un participle
Qui le fist a la terre estendre,
Puis li dist : « Or alez aprendre. »
Tel est le texte du ms. 837. Toutefois, dans le pre-
162 NOTES ET ECLAIRCISSEMENTS
mier vers, le chiffre que j'interprète par le chiffre . j .
est mal fait ; on pourrait y voir la lettre a, mais il
semble plutôt que c'est le chiffre . j . dont le premier
point est imparfaitement formé et dont le second paraît
avoir été gratté. D'ailleurs, si on y voyait la préposi-
tion a, le verbe fiert serait sans complément direct, et
l'expression a desciple, qu'on devrait traduire alors par
avec une discipline., ne pourrait être admise ; l6»latin
disciplina ayant l'accent sur la pénultième n'a pu don-
ner au roman la forme desciple que l'on ne trouve
nulle part avec cette signification. Dans l'ancienne
langue, desciple, deciple ou disciple vient régulière-
ment de discipulus et signifie toujours disciple. Du
reste, ce texte s'explique aisément : « Grammaire
frappe un de leurs disciples avec un participe qui
rétendit à terre; elle lui dit alors: Retournez à l'école. »
Le ms. 19152 donne la leçon suivante :
Gramaire les fiert et deciple
Parmi le cors d'un participle
Qu'el les fîst à la terre estandre,
Puis lor dist : « N'i alez aprendre. »
Le mot deciple serait ici la 3« p. du sing. du pr. de
l'ind. d'un verbe decipler qu'on ne peut, contre les
lois de l'accentuation, dériver du verbe latin discipli-
nari. On n'en a d'ailleurs, que je sache, aucun
exemple.
NOTES ET ÉCLA.IRCISSEMENTS 163
P. 52, V. 264-265. — Le nom de Socrate, qui revient
à chaque instant dans les exemples formés par les
logiciens et par les grammairiens, fut souvent abrégé
en celui de Sortes, gén. Sortis. Le nom Sortes est
même réduit au monosyllabe Sor dans un grand nombre
de gloses citées par M. Thurot {Doctrines grammat.
au moyen âge, Not. et Ext. des mss. , t. XXII, 2® partie,
passim) : « Sor esthomo, Sor est albus, Sor currit bene,
Sor et Plato disputant. »
Dans le poème JDe Gestis Ludovici VIII^ v. 95-97
{les Historiens des Gaules et de la France, t. XVII,
p. 314), Nicolas de Bray dit, au sujet de l'entrée de ce
roi à Paris :
Tuac labor et studium Logicorum lisque quiescit.
Cessât Aristoteles, nec Plato problemata ponit,
Nec currit Sortes plausu damnante laborem.
Sortes n'a été compris ni par Du Boulay (Hist.
Univ. Paris., t. III, p. 110) qui cite ces vers, ni par
les éditeurs du XVII® vol. des Historiens des Gaules et
de la France, qui l'ont imprimé sans capitale, ni parle
traducteur du poème de Nicolas de Bray, qui rend ainsi
ce passage : « Alors aussi sont suspendus et les procès
et les travaux et les études des logiciens ; Aristote ne
parle plus, Platon ne présente plus de problèmes, ne
cherche plus d'énigmes à résoudre. . » {Collection des
Mémoires relatifs à l'histoire de France^ par Guizot,
t. XI, p. 392-393.) Voici comment il faut l'entendre :
164 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Alors aussi sont suspendus et les travaux et les études
et les querelles des logiciens ; Aristote se tait, Platon
ne présente plus de problèmes, le nom de Sortes (So-
crate) ne court plus de bouche en bouche.
P. 53, V. 282. — Voici comment j'entends ce passage
que Jubinal a autrement ponctué : Parealmaine (per-
sonnification du Ilept 'EpfjcYjvetaçd' Aristote), tweArchi-
traine (le poème latin Archithrenius), . j . des barons
de Normendie (Jean de Hautville, son auteur, est
normand), et, après lui, TohieÇia. Tbèmc^e de Mathieu de
Vendôme), puis il écrase d'un grand coup de mail le
Gesta ducis Macedum (V Alexandréide de Gautier de
Châtillon) et la Bible versefîëe (YAurora de Pierre
Riga). Ce sont là les quatre adversaires que Pareal-
maine tue en . j . randon, c'est-à-dire d'un même
élan. Henri d'Andeli appelle ^rcAiYrfljme son seigneur,
peut-être parce qu'il se considère plaisamment comme
son vassal, étant normand ainsi que lui.
P. 53, V. 283-284. — Architraine est le poème latin
Archithrenius, dont l'auteur est le normand Jean de
HautviUe. Celui-ci suppose que son héros parcourt le
monde, où il rencontre à chaque pas les désordres cau-
sés par les passions et par les vices ; son âme est péné-
trée de douleur et ses yeux sont noyés de larmes ; d'où
son nom A' Archithrenius, qu'on peut traduire littéra-
lement par archi - pleureur. (V. Hist. litt. de la
France, t. XIV, p. 569-579, article de Ginguené.) Ce
poème a été dédié à Gautier de Coutances, surnommé
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 165
le Magnifique, qui, après avoir été évêque de Lincoln,
occupa le siège archiépiscopal de Rouen, de 1184 à
1207.
P. 53, V. 285. — Tobie, ou la Tobiade, comme l'ap-
pellent les mss. et plusieurs éditions, est un poème
latin comprenant plus de 2,200 vers élégiaques et con-
tenant l'histoire des deux Tobie, père et fils, et de
leurs femmes. Il a pour auteur Mathieu de Vendôme.
(V. Hist. litt. de la France, t. XV, p. 420-421.)
P. 53, V. 287. — Et Gesta ducisMacedum
Ce vers nous est donné par le ms. 837 sous cette
forme :
Etgeta dvd* Macidttm
et par le ms. 19152 sous cette autre :
Et geta envers Marcidon.
Les copistes ne me paraissent pas avoir reproduit le
texte véritable de Henri d'Andeli. Celui du ms. 837 a
remplacé le mot latin gesta par le passé défini du
verbe français jeter ; celui du ms. 19152, comprenant
moins encore, a fait du génitif latin Macedum un per-
sonnage appelé Marcidon queParealmaine^efa envers,
c'est-à-dire renversa.
Or, il s'agit évidemment ici de r-4 /ea^anc^ré'ïrfe, que
Gautier de Lille ou de Châtillon composa à la louange
d'Alexandre le Grand et qui commence par ce vers :
Gesta duois Maeedinn totum digesta per orbem.....
166 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
Ce qui me porte à restituer, comme je l'ai fait, le
vers de Henri d'Andeli, c'est qu'on paraît avoir eu
pour habitude à cette époque de désigner YAlexan-
drëide par les trois mots du début. C'est ainsi que
Guillaume le Breton dit, en dédiant sa Philippide
(v. 9-10) à Louis, fils aîné de Philippe-Auguste {Hist.
des Gaules et de la France, t. XVII, p. 118) :
Gesta ducis Macedum celebri describere versu
Si licuit, Gualtere, tibi
Alain de Lille, auteur de VAnti-Clazodien, qui
attaque vivement Gautier et lui applique même le
nom de Maevius par lequel Virgile désigne un mauvais
poète envieux de sa gloire, s'exprime ainsi :
Msevius in cœlos audens os ponere mutum,
Gesta ducis Macedum tenebrosi carminis auctor
Pingere dum tentât, in primo limine fessus
Hseret, et ignaram queritur torpescere musam.
(L. 1, ch. V.)
11 ne faudrait pas apprécier ce poème et le talent de
son auteur sur la foi d'Alain de Lille. h'Alexandreide
est en effet de beaucoup supérieure, au double point
de vue de la composition et de la versification, aux
nombreux poèmes latins de la même époque, dont
quelques-uns cependant sont remarquables. Legrand
d'Aussy (Not. et Extr. des mss.^ i V, p. 104) etDaunou
{Ilist. lut, de la France, t. XVI, p. 183) l'ont très
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 167
favorablement jugée. Elle a joui d'ailleurs d'une grande
vogue pendant tout le moyen âge ; on ne tarda pas à
l'étudier dans les écoles, oii l'on négligeait même pour
elle la lecture des poètes anciens. Henri de Gand, qui
écrivait dans la dernière moitié du xiu® siècle, dit en
effet, en parlant de Gautier de Châtillon : « Scripsit
gesta Alexandri Magni eleganti métro. Qui liber in
scholis grammaticorum tantse dignitatis est hodie, ut
prae ipso veterum poetarum lectio negligatur. » Du
Boulay {Hist. Univ. Paris. ^ t. II, p. 740-741) place en
1180 la composition de cet ouvrage.
P. 53, V. 288-289. — La Bible verseflée est le poème
latin Aurora, composé sur des extraits de la Bible par
le chanoine de Reims, Pierre Riga, dont Albéric des
Trois-Fontaines place la mort en l'année 1209. Cette
œuvre, qui comprend plus de 15,000 vers élégia-
ques , a été fort admirée des contemporains ; Guil-
laume le Breton et Evrard de Béthune lui ont prodigué
leurs éloges. UAurora^ comme d'autres poèmes latins
de la même époque, V Alexandreide, VAnti-Claudien,
VArchitrenius, etc., était étudiée dans les écoles, ainsi
que l'attestent les citations que les grammairiens en
font fréquemment et la multiplicité des copies qui nous
en sont parvenues. Laissée imparfaite par son auteur,
elle fut corrigée et complétée par un certain Gilles
qu'on croit être Gilles de Paris, Fauteur du CaroUnus.
(V. Hist. litt. de la France, t. XVI, p. 187, et t. XVII,
p. 26 et suiv.)
37
168 ' NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
P. 53, V. 290-291. — La grammaire comprenait
l'étude des noms patronymiques ; les logiciens étudiaient
les huit livres des Topiques d'Aristote ou traité de
dialectique que traduisit Boëce, les Topiques de
Cicéron et les quatre livres du De differentiis Topicis
de Boëce. C'est la réunion de ces différents ouvrages
qui forme sans doute, dans la pensée du poète, la
mesnie Topiques.
P. 55, V. 320. — Primat, qui, avec le poète latin
Ovide, commande l'arrière-ban de l'armée de Gram-
maire, est un versificateur latin qui vécut au xii® siècle.
Richard de Poitiers rapporte que son véritable nom
était Hugues et qu'il fut appelé le Primat par ses con -
disciples. Sa facilité à composer des vers et ses plai-
santeries l'ont rendu légendaire. Thomas de Capoue le
cite (V. M. Thurot, Not. et Extr. des mss., t. XXII,
II, p. 418, n. 2) comme offrant les meilleurs modèles des
vers latins rythmiques. Son nom était encore célèbre
au XIV® siècle, puisque Boccace, qui en fait le héros
d'une anecdote {Décaméron, V^ Journée, vu** Nouvelle),
le qualifie de très habile grammairien et d'un des plus
grands poètes de son siècle (Primasse fu un gran va-
lente uomo in grammatica, e fu oltre ad ogn'altro
grande e presto versificatore) . Les chroniqueurs Richard
de Poitiers, Françesco Pippino , frère Salimbene de
Parme et une compilation manuscrite de la Biblio-
thèque de Tours, ont donné sur ce singulier person-
nage de curieux détails, que M. L. Delisle a réunis et
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 169
contrôlés dans les trois notices suivantes, d'oii cette
note est tirée : Les Écoles d'Orléans au XIP et au
XIIP siècle, dans V Annuaire-Bulletin de la Société
de l'Histoire de France^ 1869, p. 139 et suiv. — Notes
su/r quelques mss. de la Bibl. de Tours dans la Bibl.
de VÈcole des Chartes, 6^ série, t. IV, 1868, p. 596 et
suiv. — Le poète Primat, dans le même recueil,
t. XXXI, 1870, p. 302-311.
P. 55, V. 323. — Le mot de gonfanon ou gonfalon
s'appliquait soit à une grande bannière dont le bas
était découpé en plusieurs pièces pendantes nommées
fanons, soit à une bande d'étoflfe plus longue que large
attachée à la hampe de la lance, au-dessous du fer, avec
lequel elle pénétrait souvent dans les blessures.
L'escut li freint e l'osberc li derumpt,
El cors li met les pans de rgunfanon.
{La Chanson de Roland, édit. L. Gautier, v. 1532-
1533).
Ce gonfanon était de forme rectangulaire et terminé
ordinairement par trois pointes ou pans. — V. Viollet-
le-Duc, Lict. du Mobilier, t. V, p. 478, et L. Gautier,
La Chanson de Roland, éclaircissement m, p, 376-
378, de l'édit. in-8°, 1875. — Le gonfanon du v. 323, où
sont embrievez 10,000 vers, est ici une grande ban-
nière.
170 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
P. E>5, V. 326. — Marciacop pourrait bien être une
erreur de copiste pour Marciacap, et l'on y verrait
l'abréviation du nom de Martianus Capella, l'auteur
du Le nuptiis Philologiœ et Mercurii, l'inventeur de
la célèbre classification des sept Arts, tant estimé et
cité au moyen âge et qu'on serait étonné de ne pas voir
figurer parmi les combattants dans le poème de Henri
d'Andeli. Il y aurait là une de ces abréviations dont les
écoliers n'ont pas perdu la tradition.
P. 55, V. 327. — li' Anti-Claudien e^i Vin^oèmeldiXui
d'Alain de Lille, surnommé le Docteur universel, que
D. Bv\dl{Hist. litt. de laFrance, t. XVI, p. 396-425)fait
naître à Lille peu d'années avant 1128 et dont il place
la mort en l'an 1202. Daunou {Hist. litt. de la France,
t. XVI, p. 183-184), qui a jugé cet ouvrage moins favo-
rablement que D. Brial, explique ainsi le titre : « Clau-
dien a montré tous les vices s'emparant de Rufin et
concourant à le pervertir, Alain rassemble toutes les
vertus autour d'un homme qu'elles veulent perfec-
tionner et qui deviendra par là un Anti-Rufin. »
P. 55, , V. 328. — Legrand d'Aussy et, après lui, Ju-
binal, ont pensé que notre trouvère désignait sous le
nom de Bernardins li Sauvages l'auteur du traité de
morale en vers français intitulé Doctrinal le Sauvage^
que le dernier a publié dans son Nouveau recueil^ etc.
(t. II, p. 151-161) ; ce serait, selon Legrand d'Aussy, le
seul poète roman que l'on étudiât alors dans les écoles.
Je crois, pour ma part, que ce Bernardins li Sauvages
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 171
est un poète latin comme tous ceux que cite Henri
d'Andeli, et que ce nom n'est pas autre chose que la
traduction de celui de Bernardus Sylvestris qu'on iden-
tifie d'ordinaire avec Bernard de Chartres ; ce qu'ajoute
le poète :
Qui connoissoit toz les langages
Des esciences et des ars,
convient d'ailleurs parfaitement à ce célèbre docteur.
Voici ce que M. V. Le Clerc dit du Doctrinal Sauvage
ou le Sauvage {Hist. litt. de la France, t. XXIII,
p. 240) : < Cette dénomination peut avoir pour origine,
soit, comme on l'a supposé, le nom même de l'auteur,
Sauvage d'Arras, qui a fait des chansons et le dit sur
dame Guile ou dame Tromperie, soit d'un texte latin
dont ce Doctrinal ne serait le plus souvent que la tra-
duction , et qu'il faudrait faire remonter jusqu'au
xn^ siècle, jusqu'à Bernard Silvestris, qui, outre un
Liber dictaminum, compté autrefois parmi les mss. de
l'abbaye de Benedictbeuren, avait laissé divers recueils
de conseils pour bien vivre, et que sa réputation de
poète latin avait pu faire regarder comme ayant pris
part à la composition, dans cette langue, de quelques
poésies morales. Il est certain que le texte français du
Doctrinal, dans un des plus anciens mss., porte en
titre : « Ci commence Doctrinal de latin en roumanz. >
M. P. Meyer a donné, dans sa Notice sur un ms.
bourguignon (Musée britannique, addit. 15606), la
172 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
nomenclature de tous les mss. connus qui contiennent
le Doctrinal français. (V. Romania, n" 21, janvier
1877, p. 20-24.)
P. 55, V. 334. — Il est singulier de retrouver Stace
dans l'arrière-ban amené d'Orléans par Primat et
Ovide, après l'avoir vu (v. 207) dans les troupes qui
engagent d'abord le combat :
Virgile, Lucan et Estace.
Henri d'Andeli est très précis et il n'a pas dû oublier
qu'il avait déjà parlé de ce poète. Je croirais plutôt qu'à
cette époque on distinguait à tort deux Stace ; le soin
que prend le poète en ce passage d'ajouter à son nom
celui de l'Achilléide semble indiquer l'intention de le
différencier de l'autre, qui serait pour lui l'auteur de la
Thébaïde. Cette distinction, si toutefois on l'a faite,
viendrait d'une confusion établie entre l'auteur de la
Thébaïde et de l'Achilléide, Publius Papinius Statius,
né à Naples, et un certain Statius Surculus ou Ursulus,
né à Toulouse, qui enseigna la rhétorique en Gaule et
dont l'existence est attestée par saint Jérôme dans son
appendice à la Chronique d'Eusèbe : « Statius Surculus
Tholosanus in Gallia celeberrime Rhetoricam docet,
Olymp. 200, ann. 59. Imp. Nerone », et par une chro-
nique manuscrite du couvent de St- Victor : « Roma-
norum vi regnavit Nero, etc. Statius Ursulus Tholo-
sensis celeberrime in Gallia Rhetoricam docet. » Il est
probable que le poète attribue à l'un la Thébaïde, à
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 173
l'autre FAchilléide. Frédéric Lindenbrog (Tiliobroga),
qui vécut de 1573 à 1647, confond encore ces deux
personnages ; il appelle le poète latin Papinius Sur-
culus Statius et le fait naître à Toulouse. (V. l'édit. de
Stace donnée par Emeri de La Croix (Cruceius), Paris,
1618, in-40.)
P. 55, V. 336. — Que faut-il voir dans ces hez que
Stace menoit par devant soi? — Je trouve le passage
suivant dans la Chronique normande de Pierre Co-
chon, publiée par M. Ch. de Beaurepaire pour la
Société de l'Histoire de Normandie (p. 70) : « Et fu
toute la belle quesnée du bosc de Bihorel jouxte Rouen
toute abatue pour faire des hez à faire les pallis entour
la chité de Rouen. » Les hez sont évidemment des
pieux à palissade, et le passage suivant de la même
Chronique (p. 301) le prouve bien. « Et avoient les
dits Anglois pieux de haie agus fiquiés entour eux ; et
ne les povoient les dits Franchois grever ne courre
sur eulx pour les dits pieux et n'eussent esté iceulx
pieux, les dits Anglois eussent eu assés à souffrir. »
Ainsi on se défendait en rase campagne des attaques
de l'ennemi en se retranchant par une enceinte de
pieux. 11 se peut que notre poète nous montre Stace
qui avoit fort pis (poitrine) et fort dos, chargé du
transport de pieux destinés à faire une palissade, et
que ce soit par mi ces piez (v. 350) que les assaillants
sont sur le point de prendre Logique, Astrenomie et
Rectorique.
174 NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
P. 55, V. 338. — Avienus (Rufus Festus) est un
poète latin de la fin du iv^ siècle après J.-C.
Pamphilus est l'auteur d'une élégie amoureuse qui
commence par ce distique (Bibl. nationale, ms. 8430,
f. 62, ro) :
Vulneror et clausum porto sub pectore telum,
Crescit et assidue pena dolorque mihi.
Cette pièce eut quelque vogue au moyen âge ; les
trouvères se sont souvenus plusieurs fois de Pam-
philus. (V. Hist. litt. de la France, t. XXIII, p. 236,
et Jubinal , note sur ce vers de la Bataille des Vil
Ars, à la suite des Œuvres de Rutebeuf^ Bibl. eJzév.,
t. m, additions, p. 343.)
P. 55, V. 339. — Au v^ siècle, un prêtre de Cœlésy-
rie, Theodulus, que Gennadius son contemporain fait
mourir vers 490 dans un âge très avancé, a composé
sous le titre à'Eglogue une pièce curieuse en vers
léonins qui repose sur cette donnée : Un berger athé-
nien, Pseustis (le Mensonge), et une vierge du sang de
David, Alithia (la Vérité), se rencontrent au bord d'un
ruisseau. Pseustis provoque au combat Alithia, qui
accepte et qui lui propose de prendre Fronesis (la
Sagesse) pour juge. Celle-ci consent à remplir le rôle
d'arbitre et la lutte s'engage. Dans des couplets de
quatre vers chantés tour à tour par les deux adver-
saires, Pseustis célèbre les fables merveilleuses du
paganisme et Alithia lui oppose les faits non moins
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 17^
merveilleux attestés par les livres saints. A la fin,
Pseustis se déclare vaincu et Fronesis prie AUthiade
se laisser toucher et de cesser le combat.
Les deux mss. qui nous ont conservé la Bataille des
VII Ars appellent Sextis et Malicia les deux person-
nages que VEgloga Theoduli nomme Pseustis et
Alithia. On sait que le p initial placé devant les
consonnes s, t, n, tombe dans les mots français dérivés
du latin (V. M. A. Brachet, Gramm. hist. de la langue
française^ 16^ édit. , p. 129 et 136) ; notre vieille langue
disait saume, salterion pour 'psaume, psalterion ; le p
a été rétabli plus tard par les savants sous l'influence
du latin. Supprimé également dans tisane (ptisane),
neume (pneume), il n'a point reparu. De plus, M. G.
Paris {la Vie de saint Alexis, p. 278) a établi que la
notation x équivaut à us; Sextis représente donc bien
Pseustis. Quand à Malicia au lieu d'Alicia (Alithia)^
c'est une erreur évidente du copiste qui n'a point com-
pris le nom d'^ licia et l'a remplacé par celui de Malicia,
mieux connu de lui, sans remarquer que le triomphe
de la méchanceté sur le mensonge ne pouvait avoir
aucun sens. Je n'ai donc pas hésité à remplacer dans
le texte Malicia par A licia.
L'ouvrage de Theodulus était lu et commenté dans les
écoles; les grammairiens lui empruntent parfois des
exemples. Il a été traduit en vers français de dix syl-
labes par Jean Le Fèvre de Ressens, vers le commen-
cement du XV® siècle ; cette traduction se trouve dans
176 NOTES BT ÉCLAIRCISSEMENTS
le ms. fr. 592 (anc. 7068), f. 112 r» à 123 v», de la
Bibl. nat. ; elle y est précédée (f. 111 v**) d'une curieuse
miniature qui représente les trois personnages de l'é-
glogue. Le Fèvre tra.àmt Alithia ^2iV Alicyee etAHcye.
P. 56, V. 359. — Ce vers me paraît signifier : Qu'elle
a mis sa robe en lambeaux. Il est vrai que, d'après les
lois de la dérivation, pannus ne peut donner que pan,
et non pain; mais les trouvères modifient parfois les
mots en faveur de la rime. Voir les exemples cités dans
la note sur le vers 175 de la Bataille des Vins.
P. 56, V. 366. — Les Authentiques, le Code et le
Digeste sont trois recueils de lois et de décisions réunies
par le jurisconsulte Tribonien sous l'empereur Justi-
nien, et qui, à partir du xii^ siècle, servirent de base
à renseignement du droit, d'abord en Italie, puis en
France.
P. 57, v. 388.
Cases, figures, formoisons. . .
Jubinal a imprimé :
C à ses figures, formoisons. . .
ce qui rend la phrase inintelligible. — Le mot latin
casus (cas, désinence) était traduit au moyen âge par
le substantif féminin case. On en trouve plusieurs
exemples dans des passages extraits par M. Thurot du
ms. 578 de la Bibl. Mazarine, qui renferme des traités
élémentaires de grammaire par questions et par ré-
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 177
ponses, dont quelques-uns en français, et du ms. S. Q-.
1460^ de la Bitl. nat. contenant, f. 8 v», un traité élé-
mentaire des parties du discours en français (V. M.
Thurot, Not. etExtr. des mss., t. XXII, 2®partie, p. 51,
168, 170, 182 et 197). Le dictionnaire de M. Littré ne
renferme pas d'exemples de case à l'historique du mot
cas.
Henri d'Andeli entend par le mot formoisons (forma-
tiones) les formations des prétérits et des supins, qui
sont une des difficultés de la langue latine. On trouve
dans deux mss. de la première moitié du xiii® siècle un
poème latin sur la formation des prétérits et des supins,
que M. Thurot attrihue à Pierre Riga et qu'Alexandre
de Villedieu a reproduit presqu'en entier avec quelques
modifications dans son Doctrinal. Ce poème se termine
ainsi dans l'un des mss. (S. V. 798, f. 153 v°) : « Expli-
ciunt versus de formationibus preteritorum et supino-
rum. » (V. M. Thurot, ibid.,^. 26.)
P. 57, V. 402. — V. sur ce Gautier la note du v. 108.
P. 58, V. 406-407. — Henri d'Andeli s'est ici souvenu
de Martianus Capella qui dit en parlant de la gram-
maire [De nuptiis Philologiœ et Mercurii, lib. III, de
Arte grammatieà) : « Admoverat igitur Latoides de
priori loco Mercurialium ministrarum aetate quidem
longaevam, sed comitate blandissimam , quae se in
Memphide ortam , rege adhuc Osire , memorabat,
denique obtectam latibulis ab ipso repertam, educa-
tamque Cyllenio. »
178 NOTES ET ECLAIRCISSEMENTS
P. 59, V. 440-441. — En nous montrant Versefieres
(versificator), personnification de la poésie latine,
réfugié entre Orléans et Blois, l'auteur paraît avoir
songé aux luttes poétiques que soutenaient entre eux
les écoliers de ces deux villes et qui nous prouvent que
le culte de la muse romaine était en honneur chez eux.
Voir, à cet égard, une curieuse anecdote que M. L.
Delisle a traduite d'un ms. de la Bibliothèque de Tours
et dans laquelle Primat, dont il est question plus haut,
joue le principal rôle. — Annuaire-Bulletin de la
Société de l'Histoire de France, 1869, les Ecoles
d'Orléans au XII^ et au XIIP siècle, p. 147. —Biblio-
thèque de l'Ecole des Chartes, 6e série, t. IV, Notes
sur quelques mss. de la Bibliothèque de Tours.
P. 59, V. 445. — Le ms. 19152 écrit giste, le ms. 837
gistre, avec la lettre épenthétique r, modification dont
on a de nombreux exemples ; ainsi les trouvères font
très souvent rimer celestre pour céleste avec estre.
Toutefois, au lieu de lor gistre^ on pourrait peut-être
lire Vorgistre, et voir dans ce mot Vorganistrum^ ins-
trument qui, modifié, devint plus tard la chifonie et
dont s'accompagnaient les ménestrels. Il est vrai que
Versefieres est la personnification de la poésie latine;
mais on faisait à cette époque des vers latins ryth-
miques (V. la note du v. 320 sur Primat) qui se chan-
taient peut-être accompagnés d'un instrument.
(2:5^ ^&S)F >Câ 3f î^gjip =ei«^£L3
GLOSSAIRE
I. Le Lai d'Aristote. — II. La Bataille des Vins. — III. Le Dit du
chancelier Philippe. — IV. La Bataille des . VII . Arts.
A m, 208, IV, 390, il y a; n'a que
III, 8, il n'y a que; il n'a
I, 196, il n'y a; ait I 435, il
y ait.
A II, 96, IV, 393, avec.
A I, 386, de.
A m, 172, pour.
Abé [en] I, 264, au guet, en em-
buscade.
Abeli I, 216, plut, fut agréable.
AcHiLEiDOS IV, 334, l'Achilléide
de Stace.
Achoison I, 227, motif, cause.
Acroche II, 131, saisit.
Acointe [aura] I, 260, aura con-
nue.
Acola 1, 269, embrassa.
Acorde IV, 3, s'accorde.
Acost [a son] IV, 167, à son côté.
Acuel III, 56, accueille.
Adès II, 202, tout adès I, 15, lou-
jours.
Adrecie IV, 266, dirigée.
Aert, I 94, 392, saisit.
Afere I, 14, natu/re, caractère; I,
84, 517, sujet; I, 429, chose.
Afetié I, 37, disposé.
Afoler [s*], devenir fou; s'afole, I,
117, m'afol I, 206.
Agrecimb IV, 202, le Grécismus
d'Evrard de Béthune. V. notes,
p. 156.
Aide rV, 321, aide, secours.
Aier, aider; Diex aïe I, 399, que
Dieu m'aide; l'ait Deus III,
264, que Dieu l'aide.
Aim I, 272, 362, aime.
Ainçois que I, 427 etc. avant que.
Ainz 1, 3, 57, 74, etc., au contraire,
plutôt, mais.
Aïr IV, 191, impétuosité, fougue.
Alaschierent IV, 269, lâchèrent.
Alemanz n, 109, IV, 446.
Alemele IV, 360, lame.
Alicu IV, 343. V. notes, p. 174.
Alixandre I, 61, etc., III, 77.
Als III, 200, elles.
Ambboise IV, 75, St Ambroise.
Amender 1, 120, se corriger; amende
I, 294, embellit.
Amenuise I, 527, amoindrit.
180
GLOSSAIRE
Ameor II, 7, amere I, 550, favori,
amant.
Amont III, 226, en haut,
Amonter I, 64, élever.
Amort [s'] III, 6, s'attache, s'ap-
plique.
Amusez I, bll, joué, trompé.
An III, 96, au.
Ançois III, 66, plutôt.
Anjou II, 32. V. notes, p. 100.
Anmis, III, 224, ami.
Anoie I, 366,1:. impers., il ennuie,
il contrarie.
Anqui I, 314, aujourd'hui.
ANTICLA.UDIEN IV, 327, poême d'A-
lain de Lille. V. notes, p. 170.
Anui I, 22, 319, offense; I, 525,
ennui, peine.
Anuit [cui qu'il] III, 34, quelque
peine qu'on en éprouve.
Aperte I, 500, ouverte.
Apertement I, 499, ouvertement .
Apostoile II, 187, pape.
Apresure I, 541, habitude, cou-
tume. V. Dict. de La Curne.
Aquilat II, 190. V. noies, p. 127.
Aramie I, 251, engagée.
Arator IV, 211. V. notes, p. 158.
ArcienlV, 91, 444, originairement,
maître es arts, étudiant es
arts ; plus tard, le sens a été
réduit comme ici à maître de
logique, étudiant en logique.
Architraine IV, 283, l'Archithre-
nius de Jean de Hautville.
V. notes, p. 164.
Ardre, brûler; ind. pr. art III»
227, 233, 235, ardez I, 489; p.
passé, ara IV, 38.
Arengier [si II, 198, se mettre en
rang, en ordre (autour de la
table).
Arestut [s'] III, 63, s'arrêta; ar-
reste I, 161, s'arrête, reste.
Abgenches II, 73. V. notes, p. 112.
Argentubil II, 28, etc. V. notes,
p. 99.
Arismetique IV, 146, 164, un des
sept Arts.
Aristote I, 139, etc., IV, 196, etc.
Armes III, 127, âmes.
Arrestance I, 30, arrêt, pause.
Aserir, être soir; aseri IV, 306.
Assavorè IV, 381, connu, goûté.
Assentir [s'] III, 43, donner son
assentiment ; m'asent, I, 210,
je me soumets.
Astrenomie IV, 142, etc., un des
sept Arts.
Ataines I, 315, Athènes.
Atant ou a tant I, 276, alors.
Ator I, 266, 471, dispositions, ma-
nœuvres. Estre de mal ator,
IV, 412, être en mauvaise si-
tuation.
Atorner, tourner; atornoit I, 158;
s'atornerent II, 70.
Atrere I, 369, attirer; atret I, 373.
AuçuERRE II, 36, etc. V. notes, p.
102-105.
Augustin IV, 75, saint Augustin.
Aumaire IV, 30, 235, armoire, bi-
bliothèque.
AuNi, II, 18. V. notes, p. 95.
GLOSSAIRE
181
Aunoi I, 306, aune.
Aus IV, 245, aux; I, 63, H, 79,
eux.
AussAi U, 17, 114, Ausois II, 102,
Alsace. V. notes, p. 94-^.
AuTBNTiQUE IV, 366. V. notes,
p. 176.
Auctors IV, 243, etc., autoriaus IV,
7, auctoriaus IV, 275, autorel
IV, 438, autoristre, IV, 27, au-
teurs. Le poète entend exclu-
sivement par là les poètes
latins. Autorez IV, 416^ semble
signifier citations d'auteurs.
Autrier P'] II, 2, l'autre jour.
AuviLER II, 29, 95. V. notes, p. 99
et 115.
Aval, III, 225, en bas ; aval le ver-
gier I, 462, le long du verger^
Avaler III, 232, descendre ; avalle
III, 233, descend.
Avers I, 66, 68, avare.
Aviler II, 96, rabaisser.
Avint n, 2, arriva.
Aviver II, 152, rendre vif.
AviONÈs IV, 338. V. notes, p. 174.
Avocatiaus IV, 368, diminutif de
mépris, méchants avocats. Cf.
autoriaus, logicieniaux.
Avoi! I, 337, 400, 404, hélas! holà!
Ax, I, 210, eux.
B
Baconnez FV, 119, lardés, percés,
sens métaphorique tiré de
bacon, comme larder de lard,
larder de coups d'épée.
Baïen II, 68, brun, noirâtre; un
pois baïen, au sens de peu de
chose.
Balsamon IV, 35.
Barbarme rv,232, le Barbarismus
de Donat. V. notes, p. 137-138.
Basme H, 162, batmie.
Batiaus IV, 369, bâtons d'escamo-
teur.
Bede IV, 76. V. notes, p. 148.
Bedel ÏV,hT, bedeaux, appariteurs
de l'Université.
Bediers II, 24, Béziers. V. notes,
p. 98.
Bée II, 87. V. notes, p. 114.
Beffes IV, 253, tromperies, men-
songes.
Bel et gent I, 503, bien et genti-
ment.
Bêlement 1, 141, 374, doucement.
Bernardins li sauvages IV, 328.
V. notes, p. 1^0.
Berser, lancer vm trait, bersé IV,
189.
Besançoi II, 138, Buzançais. V.
notes, p. 119.
Bi II, 175, mot anglais signifiant
par.
BiAUNB n, 39. V. notes, p. 106-107.
Biauvais II, 52. V. notes, p. 108-
109.
BiADvoisiNS II, 63. V. notes, p. 110-
112.
Bible versefbèb IV, 288, VAurora
de Pierre Riga. V. notes, p.
167.
Bliaut 1, 283, 301, 392, vêtement.
182
GLOSSAIRE
Blois IV, 441.
Bobançois II, 141, jactance.
Boens IH, 166, 167, boins IH, 150,
etc., bon.
BoiCES IV, 220, Boëce. V. notes,
p. 159.
Boivre IV, 83, boire.
Bouche de lampe, III, 192. V. notes,
p. 130-133.
BoEDiAus II, 127. V. notes, p. 117.
Bors, III, 259, bourgs.
Bout II, 173. V. notes, p. 123-124.
Boutez III, 221, mis, placé.
Bouton IV, 18, au sens de peu de
chose.
Braies I, 95, pièges.
Bretons II, 117, IV, 446.
Buef II, 41, bœuf.
G
C pour qu'; c'en, qu'on; c'une,
qu'iine, passim.
Cadedve IV, 55, quadriviiim.
Cacha II, 60, chassa.
Caniveçons, IV, 252, diminutif de
canivet, petit couteau, canif.
Cases IV, 388, cas, désinences. V.
notes, p. 176.
Ce 1, 152, etc., cela.— Ce\ III, 4, ce.
— Celé I, 2/7, celle-ci; cale IV,
120, cette; celés IV, 186, celles-
ci. — Celi I, 215, celle.
Cerne IV, 137, cercle, d'où cerner.
Cervoise II, 16, 179, bière. V. notes,
p. 91-94.
Cest I, 522 etc., ce. — Cestui I, 72,
celui-ci.
Chaalons n, 53, 99. V. notes, p.
109 et 116.
Chablies II, 39. V. notes, p. 106.
Chainja III, 162, changea.
Chambeli n, 73. V. notes, p. 112.
Champaignb I, 113.
Chanceuee in, 15, 17, 23, etc.;
IV, 84, le chancelier Philippe.
Chandeillen, 182,chandoileIII,235,
cierge.
Chanu 1, 244, chenuz 1, 338, blanc.
Chaples IV, 131, combats, mêlées.
Chaplerent IV, 212, frappèrent.
Chardonal II, 189, cardinal.
Chastel Raodl II, 33, 138 ; Châ-
teauroux. V. notes, p. 101.
Chastoier, réprimander; chastoie
1, 175.
Chaton I, 518, 522, Chatonbz IV,
337, Gaton. V. notes, p. 85-86.
Chatonant [a] I, 452, à quatre
pattes. En Normandie, on dit
encore à caXons, au même sens.
V. Duméril, Dict. du patois
normand.
Chaudiaus IV, 367, breuvages
chauds.
Chauveni II, 137. V. notes, p. 119.
Cheoir IV, 421, etc., tomber; ind.
prés, chieent IV, 432, tombent ;
subj.prés. chiece JIl, 60 ; fut .
charront IV, 431 ; p. déf. cheï
1,395 ; p. passé cheû III, 102.
Cheeon le viel IV, 60.
Chief I, 199, tête. — Venir a chief I,
505, IV, 392, venir à bout.
Chosent 1, 138, blâment.
GLOSSAIRE
183
Ci I, 327, 453, III, 71, ici.— Ci a II,
176, il y a.
ca I, 327, m, 182, etc., ce, ces. —
Cil I, 79, 120, etc., celui, celui-
ci. — Cil I, 148, II, 94, III,
103, etc., ceux, ceux-ci, — Cis
I, 579, cist III, 206, ces.
Cirurgie IV, 111, chirurgie. — Ci-
rurgien IV, 100, chirurgien.
Clamer 1, 149, appeler ; claime IV,
7, claiment IV, 15, clamoit II,
7 ; claim part I, 275, réclame,
demande part.
Claudiens IV, 25, 94.
Clerc m, 21, 25, etc., clers III,
30, etc., clerc, membre du
clergé. — Clers I, 520, savant.
Clerçonll, 178, petit clerc.
Clergie I, 156 etc., instruction,
science.
Clergiez III, 88, clergé.
Clermons II, 64. V. notes, p. 110-
112.
Clers III, 196, 203, cler, I, 195,
clere I, 385, clair, e.
Çoile I, 382, cèle, cache.
Coille IV, 39. V. notes, p. 142.
Cointe 1, 259, IV, 458, adroit, habile.
Cf. l'anglais quaint.
Cointement I, 371, habilement.
COLOINGNOIS II, 111.
Com, con, comme, conme, come,
passim, comme.
Commanz I, 135, etc., commande-
ment, ordre.
Compas II, 66, de bon compas, de
bonne qualité.
Compas IV, 171, contour, étendue.
Cf. l'anglais compass.
Comperer, payer; du sens de payer
cher, on est passé à celui de
ressentir de la peine: Sa mort
trop durement comper III, 106,
j'éprouve une très vive dou-
leur de sa mort.
Conduit III, 141, direction, con-
duite.
Conduit III, 142, condut HI, 176,
sorte de motet.
Confors IV, 47, appui, soutien.
Conforta IV, 394, réconforta.
Conroi II, 43, troupe en ordre. —
Prendre conroi 1, 105, prendre
soin.
Conseil [mettre a] 1, 141, faire des
représentations à quelqu'un.
Consire [se] 1, 222, se prive, s'abs-
tient.
Contençon III, 60, débat, dispute.
Conterresse IV, 162, sobriquet
d'Arithmétique : celle qui
compte.
Contrait II, 166, contre fait, perclus.
Contralier, contredire ; contralie
IV, 415.
Contralietez IV, 97, contradiction.
Cops IV, 419, cotips.
Corgies IV, 353, courroies, fouet.
Cors, cou/rse; le cors IV, ^S2, à la
course.
Cort I, 45, IV, 409, court (verbe).
Cort I, 46, II, 105, cour.
Costoier II, 134, cultiver.
Cotele IV, 359, 361, robe.
IM
GLOSSAIRE
Coulombiaus IV, 139, dim. de cou-
lomb, pigeon.
Coupe I, 540, faute.
Coutel IV, 360, couteau.
Cremor IV, 310, crainte.
Cresse IV, 42, graisse.
Crient I, 422, craint.
CROB[dant] 11,91. V. notes, p. 115.
Crueus I, 28, 33, cruel.
Cuer 1, 128, etc., cœur.
Cui in, 34, cas oblique du pr. qui.
Guider, croire ; cuit I, 148, 164,
cuide I, 341, cuidoit I, 393, Gui-
diez 1, 292, Guidèrent 111,38.
Cunchient IV, 126, se moquent de.
Cure 1,100, II, 72, etc., soin, souci.
Cypeb n, 15, 187. V. notes, p. 94
et 127.
Dan IV, 50, dans IV, 191, etc.,dant
IV, 208, etc., dom (dominus).
Danbmarche II, 119.
Dars IV, 37. V. notes, p. 141.
De, supprimé entre deux substan-
tifs I, 219, etc., entre un adv.
et un subst. I, 62, IV, 248.
De, que dans les comparaisons I,
198, II, 79, 145.
Debonairetez in, 83, bonnes ac-
tions.
Décret IV, 66, droit canon. V.
notes, p. 147.
Déduit [se] I, 463, s'amuse.
Deferme III, 245, ouvre.
Defface I, 52, défigure, gâte. Cf.
l'anglais to defiface.
Deffaire, ôter, détruire; deflfet I,
496, 527, defléroit 1, 135, défis I,
235.
Defifensables IV, 254, défendable.
Defoiz I, 479, 533, défense.
Défouler IV, 199, fouler, écraser.
Déguerpir, abandonner; déguer-
pirent IV, 439, déguerpis 1, 142.
Deitè IV, 140, divinité.
Del III, 157, 158, 262, IV, 120, du.
Délite [se] III, 218, se délecte.
Demaine [se] I, 159, se comporte.—
Demaine IV, 414, exerce.
Démente [se] I, 355, se tourmenter,
démente I, 214. On dit encore
en Basse-Normandie se dè-
menter, dans le sens de s'occu-
per de, se donner la peine de.
Demorée 1, 130, 219, séjour,retard.
Demorer I, 31, s'arrêter, demorez
1,88.
Démontre in, 202, montre, désigne.
Déporter 1, 173, se départir.
Déporter [se] s'amuser : se déporte
I, 298, 457, se déportant I, 417.
Desaprendre, employé activement,
ôter la science ou la sagesse,
desaprent I, 344.
Deschainte I, 300, sans ceinture.
Desconfite, défaite; tu jues à la
desconfite II, 82, tu joues à te
faire battre.
Desconseillie I, 218, découragée,
abattue.
Desdut [se] ni, 218, se réjouit.
Déserte 111, 67, mérite.
Deservi I, 296, III, 54, 263, mérité.
GLOSSAIRE
185
Desi au jor que IV, 431, jusqu'au
jour où.
Deseur I, 566, etc., desor I, 444,
desus I, 433, sur.
Deslot I, 140, blâme, déconseille.
Despire, mépriser; despis II, 89,
despisent 1, 12, despisoieut lY,
278.
Despit I, 237, IV, 16, mépris.
Desploïee I, 42, exposée, racontée.
Despointer I, 256, priver, dépouil-
ler.
Despuis I, 411, 569, depuis; l's se
prononce encore en Basse-
Normandie.
Desroi I, 109, 220, trouble, dé-
sordre; mener son desroi II,
153, faire tapage.
Dessavorer 1, 553, déraisonner.
Destempré 1, 168, déréglé, égaré.
Destraindre 1, 548, serrer, presser,
destraint 1, 204.
Détenue I, 400, retenue.
Deuls IV, 2, deuil, malheur.
Deûst I, 291, dût.
Devers IV, 49, vers.
Devices m, 215, richesses.
Devis [par] I, 212, suivant une
règle.
Devise [a] IV, 34, à souhait.
Deviser III, 71, raconter.
Dez III, 162, dé à jouer ; Cel jornos
chaLnja molt li dez, ce jour-là
la chance tourna contre nous.
Dialectique IV, 305, Dialetique IV,
225, Dyaletiqoe IV, 15, la
Dialectique, un des sept Arts.
Diapante IV, 181, quinte. V. notes,
p. 155.
Diapason IV, 181, octave. V. notes,
p. 155.
Diatesalon IV, 180, quarte. V. notes,
p. 155.
DiEUS III, 51, 58 ; Diex I, 273, 326,
399, II, 45, 204; Deus HI, 109,
262, 264; Deo IH, 213, 235,
253 ; Dieu I, 424, 474, II, 98,
m, 62, 89.
Digeste IV, 366. V. notes, p. 176.
Dis m, 152, jour, dans l'expression
toz dis, toujotirs.
Discretistre IV, 444, maître et étu-
diant en décret (droit canon).
Distrent IV, 77, 305, dirent.
Dit I, 51, 517, 562, 111, 261 ; dis HI,
144, poésie morale.
Divers I, 429, étrange.
Divinité IV, 77, théologie. Cf. l'an-
glais Divinity.
DocTEiNAL IV, 202, ouvrage d'A-
lexandre de Villedieu. V. notes,
p. 156.
Doie m, 8, doigts.
Doie in, 7, doive.
Doinst 1, 273, don/ne (subjonctif).
Dois n, 94, table.
Dolent n, 88, affligé.
DoNABT Vf, 2&,\2>J,Donat.V. notes,
p. 137-138.
Dormir Fse] II, 202, dormir. A
l'origine, ce verbe est ordi-
nairement réfléchi ; ex. ;
Quant le roy Ricart eut oy les
novellez, si dist qu'il avoit
186
GLOSSAIRE
esveillié le chat qui se dor-
moit. (Chron. normande de
P. Cochon, édit. Ch. de Beau-
repaire, p. 17).
Dou III, 69, etc., du.
Douter, craindre; doute I, 422,
doutoit I, 286, doutai I, 237.
Drecie IV, 22, dressée.
Droit, e, I, 57, 111, 156, etc., juste,
vrai.
Droiz I, 107 etc., droit, justice;
droiz queure I, 350, que le
droit ait son cours (jus cur-
rat) ; par droit 1, 151, ^Injus-
tement.
Duel in, 11, duez III, 14, 107, deuil,
chagrin.
Dui II, 93, IV, 231, deux.
Duis III, 19, fontaine, cou/rs d'eau.
DuoEiL II, 86. V. notes, p. 113-114.
Durement I, 170, etc., beaucoup,
fort. — On dit encore : tra-
vailler dur.
Dusque IV, 179, 452, jusque.
E
Efforça 1, 536, contraignit, fit vio-
lence.
Effroi 1,440, trouble, égarement.
Egite I, 85 ; Egypte IV, 407.
Ego mki vel mis IV, 296, person-
nage fictif.
El I, 353, autre chose.
El, ele, passim, elle.
El m, 116, 223, etc., dans le.
Bl-KNCBS IV, 216. V. notes, p. 159.
Emblez III, 165, dérobé.
Embrievez IV, 323, écrits.
Empaintes II, 128, attaques.
Empanez IV, 70, empenée I, 371,
empenné, e.
Emprès IV, 451, après; emprès ce
IV, 285, après cela.
Emprendre , entreprendre ; fut.
emprendrai I, 49 ; p. déf. em-
pris I, 49 ; part. p. empris, e
I, 39, 506.
Enamorée I, 129, éprise.
Encerchier IV, 141, chercher.
Encressent IV, 355, engraissent.
En ele pas III, 205, à l'instant.
Enferté III, 102, affaiblissement.
Enflorè I, 288, fletiri.
Enfretes II, 83, rompues.
Enfrume [faire l'J I, 8, faire la
moue.
Engins I, 240, esprit, ruse.
Engleteeee II, 116, 181.
Englois IV, 404.
Engolesme II, 127.V.7iotes,p.in.
Enheritez III, 84 : Dont ses cuers
ert enheritez, dont son cœur
recevra la récompense à la-
quelle il a droit comme à un
héritage.
En mi IV, 23, etc., au milieu de.
Enquerre I, 89, demander.
Enseler I, 450, seller.
Entamer II, 531, faire impression
sur; se lessa entamer en
amor, il laissa l'amour faire
impression sur lui. L'anglais
to tame, autrefois to entame,
GLOSSAIRE
187
apprivoiser, dompter, a peut-
être la même origine.
Entant m, 29, attaché.
Entor in, 33, environ.
Entre II, 107. Ce mot, suivi de deux
substantifs ou de deux pro-
noms unis par la conjonction
et, signifie tant l'un que
l'autre, conjointement. Ex. :
Âtant se mettent el sentier
Entre Renart et Ysengrin. —
Renart, v. 24568-69.
Entremetre I, !fô, s'occuper de, se
mêler de ; entremise I, 445.
Envers, e IV, 206, 422, renversé, e.
Enz el I, 203, 283, dans le.
Erent H, 68, IV, 308, étaient.
Ert I, 96, 180, etc., était.
Ert I, 59, 321, m, 84, sera.
Es m, 67, 243, dans les.
Esbahir IV, 190, ouvrir la bouche.
Esbanoie [s'] I, 365, se récrée.
Eschar IV, 58, dérision, offense.
Escharsement 1, 230, rarement.
Eschivast IV, 78, évitât.
Esciences IV, 330, sciences; par
m'escience m, 20.
Escloperent IV, 203, estropièrent.
Escorçantl, 301, relevant.
Escorgie 1, 257, courroie, fouet.
Escos II, 118, Ecossais.
Escremie I, fô2, escrime, habileté
dans la défense ; savoir moult
d'escremie, être habile à se
défendre. Ex. : Car il sot trop
de l'escremie, Renart, v. 7466 ;
S'or ne set Renart d'escremie,
Ibid., V. 14517 ; Car asez set
de l'escremie, Ibid., v. 24152.
Escusement I, 23, excuse.
Esjoïr 1, 312, s'esjoîr 1, 6, seréjouir;
s'esjoï 1,267.
Esmais 1, 190, émoi, trouble.
Esmiée IV, 289, réduite en miettes,
écrasée.
Esmurent [s*] IV, 29, 31, se mirent
en mouvement.
ESPAINGNE II, 22.
Espancier IV, 243, crever la panse.
Espandre I, 80, répandre.
Espèce I, 59, épice.
Esperis III, 229, esprit.
EsPERNAi II, 30, 104. V. notes, p.99.
Esraument I, 9, aussitôt.
Essaiant I, 557, essuyant, éprou-
vant.
Essaucie IV, 267, acclamée.
ESTACB IV, 209, EsTACEZ IV, 334,
Staee. V. notes, p. 172.
Estai [rendre] I, 492, tenir ferme.
Estampes II, 55. V. notes, p. 108-
110.
Estanche [s'] I, 29, s'arrête, cesse.
EsTEiNES [sains] m , 155 , saint
Etienne, premier martyr.
Esterlins lî, 122, sterlings, mon-
naie.
Estrange 1, 144, 169, étrangère.
Estre I, 191, contre.
Estris I, 421, lutte, querelle.
Estriver II, 151, lutter; estrivel,
202, estrivoient II, 159.
Estuet I, 499, m, 197, 232, il faut ;
estât m, 64, il fallut.
188
GLOSSAIRE
Estui, tout objet ou lieu où l'on
peut renfermer quelque chose;
mis en estui 1, 71. Ce mot est
employé au sens de prison
dans ce passage : Privéement
le mette en chartre et en estui.
— St Thomas fédit. HippeauJ,
V. 1784.
Estuidel, 342,^fM(ie.
Btique IV, 218. V. notes, p. 159.
Eûst 1, 292, eût. — Eiissent II, 156,
IV, 125, eussent, avaient eu.
Examplere 1,57, exemple, modèle.
Ex II, 125, yeux.
F
Faille [sanz nule] IV, 145, sans
manque.
Faindre [se] I, 549, se dérober à, se
dispenser.
Fallée IV, 426 {ms. 19152, fal-
laces ), faux raisonnement,
sophisme.
Fane IV, 194, fange.
Faillir, manquer; faut I, 240, III,
176, faUloit m, 96, faudra
1,247.
Félonie I, 27, perfidie, traîtrise.
Félons I, 33, felonesse I, 20, per-
fide, traître.
Fere I, 13, etc., faire; au fere I,
358, en faisant; ind. pr. fez II,
91 ; pas.déf. feîstes 1,478 ; subj.
feït (fecisset) III, 85 ; pass. déf.
et part, fet, passim.
Ferir IV, 188, frapper; ind.pr. fiert
IV, 258, 358 ; fièrent IV, 353 ;
part, pr., ferant II, 59 ; part,
passé, feruz I, 259.
Ferremenz IV, 116, outils de fer,
instruments chirurgicaux.
Fers IV, 213, ferme.
Fez I, 568, faits, actions.
Fez I, 569, poids.
Fiance II, 194, IV, 85, confiance,
foi.
Fiens IV, 42, fumier.
Fil m, 89, fils.
Fin, e I, 96, 136, etc., parfait, ac-
compli, excellent. Cf. l'anglais
fine.
Finer, finir; fine I, 543, finai I, 343,
finée IV, 173.
FiSiQUE IV, 99, 219. V. notes, p.l59.
Flablel HI, 255, fabliau.
Flambns II, 117.
Flandres II, 181.
Flavingni II, 37. V. notes, p. 102.
Flebes III, 196, faible.
Fleuteles IV, 177, flûtes.
Folir, faire chose folle ; foli I, 427.
Fontenele I, 384, diminutif de fon-
taine.
Forment I, 507, fortement.
Formoisons IV, 388, formations
(des supins et des prétérits).
V. notes, p. 177.
Fors IV, 92, hormis; fors quel, 101,
Forsenez 1, 476, hors de sens.
Forviez IV, 139, hors de la voie.
France I, 113, II, 193, IV, i
GLOSSAIRE
189
Frans I, 83, noble, généreuse;
firanchel, 114, entière.
Fuer I, 16, ni, 85, valeur, prix.
Fuerre H, 150, paille.
Fust IV, 254, 255, serait.
G
Gaaing IV, 109, gain.
Gaaingnierent IV, 229, gagnèrent.
Gabé 1, 263, joué, trompé.
GâXiEN IV, 99, médecin grec.
Galois n, 117, habitants du pays
de Galles.
Gamaches IV, 53. V. notes, p. 145.
Gabniers rv, 35. V. notes, p. 139.
Gars IV, 331, simple soldat ou
valet d'armée ; IV, 392, jetme
garçon ; IV, 460, apprenti.
Gastinois n, 32. V. notes, p. 100-
101.
Gautiebs IV, 402. V. notes, p. 153.
Ge I, 32, etc., je.
Generaus ni, 98 ; En .vij. ars estoit
generaus ; il était versé géné-
ralement dans la connaissance
des sept arts.
Gent 1, 11, etc., gens, peuple.
Gent I, 426, gentil, gracieux.
Gent I, 503, gentiment.
Gerbes IV, 182 {«).
Gésir n, 150, être couché.
Gesta ducis Macbdum rv, 2S7. V.
notes, p. 165.
Gigues IV, 176. La gigue était un
instrument de musique à
cordes et à archet.
GioMETRiB rv, 168, un des sept
Arts.
GiBAOT rV, 105. V. notes, p. 151.
GiEOME IV, 76, saint Jérôme.
Giteni,227,je«e.
Gistre IV, 445, gxte.
Glaiolai 1, 306, glayeul.
Glatiki rv, 102. V. notes, p. 150.
Glomeriaus IV, 8. V. notes, p. 135-
136.
Glose I, 522, commentaire.
Glouz n, 80, épithète injurieuse
fréquemment usitée, et signi-
fiant suivant le cas, scélérat,
débauché, misérable.
Goditouet H, 176. V. notes, p. 123.
Gomer IV, 10, gosier. V. Duméril,
Dict. du patois normand.
Gonfanon IV, 323, b<tnnière.
Gote m, 209, goutte ; gonte I, 164,
au sens de peu de chose.
Goûte crampe II, 56, goutte (ma-
ladie).
Goûté I, 283. — Du Gange : « Gut-
tatus, Guttis diversi coloris
inspersus. » Ailleurs, au mot
Gntta, cet exemple : Une cha-
suble, tunique et dalmatiqne de
camocaz noir, goutté de goûtes
blanches, pour TofSce des
morts.
Gramaibb rv, 20, etc., Gramatiqce
rv, 373, un des sept Arts.
Graindres ni, 82, plus grand.
Gravele I, 385, gravier, pierre.
Grèce I, 60, 85.
Greffe FV, 252, poinçonpour écrire
190
GLOSSAIRE
siir des tablettes^ du l. gra-
phium.
Grieve I, 280, gêne, incommode.
Geigoiee IV, 75, saint Grégoire.
GuENELONS I, 34, traîtres, dérivé
du traître Ganelon de la chan-
son de Roland.
Guerredon III, 51, récompense.
Guersoi drinçoi II, 178. V. notes,
p. 125.
Guis [quens] I, 388, comte Gui.
H
Haute Science IV, 79, nom donné
à la Divinité ou Théologie.
Hennor I, 78, honneur.
Heneis [d'Andeli] I, 543, Henei
d'Andeli II, 124, Haneis d'An-
deli m, 261, Heneis d'Andeli
rv,456.
Henei deVenablesIV, 106. V. notes,
p. 151.
Herbergier l, 352, loger; herber-
giez m, 87, herbergies IV, 352.
Herre II, 115 ; gent herre, peuple
allemand, herr signifie en
cette langue seigneur, maître.
Het I, 69, hait.
Hez IV, 336. V. notes, p. 173.
Hochier IV, 244, secouer.
Hontage I, 335, honte.
Hores IH, 146, heures.
HUBEET IV, 102.
Hui IV, 162, aujourd'hui.
Hurter, heurter; hurtaissent U,
167, hurtées IV, 182.
I Y
I I, 37, etc., y.
Icel m, 23, ce.— Icele IV, 240,
cette. — I, ces II, 83, ces. —
Icil m, 251, ce. — Ici! II, 93,
ces.
Ici endroit I, 31, ici même. On dit
encore en Basse-Normandie,
par là en drait, par là, dans
cette direction.
lert I, 88, III, 77, était.
lex II, 136, IV, 125, 215, yeux.
Il, passim, il, ils.
Iluec I, 130, IV, 430 ; ilueques IV,
428, là.
Yndb I, 87.
Ynde I, 283, hleu, violet.
Ypoceas IV, 99, Hippocrate.
Tpee II, 16. V. notes, p. 95.
Ire I, 62, 561, IV, 46, colère.
Ieois II, 118, Irlandais.
Ise goût H, 174. V. notes, p. 123.
YsiDoiEB IV, 76. V. notes, p. 148.
Isnel IV, 347, rapide ; isnel le pas
IV, 187, isnel lou pas III, 168,
d'tm pas rapide.
Issi I, 167, IV, 332, issis IH, 248,
ainsi, si.
Issi IV, 30, sortit.
Issolubles IV, 425, arguments in-
solubles.
YsouDUN n, 33, 139. V. notes,
p. 101 et 120.
GLOSSAIRE
191
Ja, part, explét. I, 50j etc., déjà,
désormais.
Ja soit ce que IV, â26, bien que.
Jangles IV, 391, jenglois II, 72,
bavardage.
Jargueil n, 27. V. notes, p. 98.
Jehans de St Mûrisse IV, 33.
Jehans li pages IV, 52.
Jelin,201,jele.
Jhesu Criz in, 13; Jhbsu Crit
in, 130.
Joious III, 12, joyeux.
Jon m, 198, 221, 227, mèche. V.
notes, p. 130-133.
Jovent I, 489, jeune homme.
Jugleres III, 45, chanteur.
JoiF m, 37.
Juste [dant] IV, 894, personnage
fictif.
Jdvenal IV, 208.
K
Katbrinb [sainte] III, 169.
L
Lacoy n, 137. V. notes, p. 119.
Laidengier, insulter; laideugiè I,
509.
Laidi 1, 263, insulté.
Laon II, 92.
Lasse IV, 47, malheureuse.
Leaus 1, 316, loyale.
Leautè 1, 559, loyauté.
Lechierre II, 164, gourmand.
Ledengier I, 242. V. Laidengier.
Leesce IV, 301, joie.
Legerez IV, 417{ms.i9i5S,liere2),
légers, fins, gentils, proba-
blement du moyen latin le-
viarius ; l'ancien français
avait le subst. legerie. Cf. le
provençal leugier, l'ital. leg-
giere, leggiadro. Y. Cachet.
L'en IV, 156, etc., l'on.
Lerme II, 78, larme.
Lès III, 28, laisse.
Leu IV, 137, loup.
Leu I, 59, lieu.
Leù I, 495, lu.
Lez I, 384, IV, 63, près.
Liberau III, 86, 97, libéral.
Li, passim, le, les. — Li, lui, pas-
sim, lui, à lui, elle, à elle.
Lie I, 461, joyeuse.
Liement 1, 437, joyeusement.
Liepart IV, 345, léopard.
Lige IV, 234, vassal.
Livre de nature IV, 218. V. notes,
p. 159.
Loer, louer; lo III, 239, loue;
loent I, 10, louent.
Logicieniaus IV, 274, diminutif de
logiciens.
Logique IV, 6, etc., un des sept
Arts.
Logiques [les deux] IV, 216. V.
notes, p. 159.
Loi [la] IV, 65, le droit civil.
Ijoi [a] de I, 482, à la manière de.
Loiaument 1, 576, loyalement.
Loiaus I, 550, loyal.
Loire IV, 40.
40
m
GLOSSAIRE
LoMBAET IV, 68, 224, 448. V. notes,
p. 147.
Lor, passim, leur.
LouIII, 17, 36, etc., ?e.
Lou m, 231, lieu.
LucAN IV, 209, Lucain.
Luite I, 126, lutle.
Lut m, 120, tant com li lut, tant
qu'il lui fut permis (licuit).
M
Macrobe IV, 220. V. notes, p. 159.
Maçues IV, 249, masses, massues.
Mail IV, 289, maillet.
Main I, 254, matin.
Mains, moins — Est mise au mains
IV, 20, est rabaissée. — Del
mains IV, 120, du moins. —
Mener (ou B Mètre) du plus au
mains IV, 433, faire déchoir,
rabaisser.
Maintenoit IV, 236, soutenait.
Manoir I, 101, rester; maint 1, 15,
115, III, 253.
Mairer, dominer, maîtriser; maire
I, 250, 403.
Maisnie I, 423, maison, famille.
Maissele I, 386, mâchoire, joue.
Major I, 87, plus grand.
Malement III, 233, mal, doulou-
reusement.
Maies IV, 383, difficiles.
Mandres III, 78, mendres III, 82,
mendre I, 186, plus petit,
moindre.
Mans [Lb] U, 69.
Mas III, 230, mais,
Mar I, 142, 253, à la maie heure.
Marciacop IV, 326. V. notes, p. 170.
Maeie III, 89, 137, 149, la vierge
Marie.
MaehII, 85. V. notes, p. 113-114.
Martien IV, 326.
Martin II, 175, (à la rime) martyr.
Matere I, 40, matière, sujet.
Maus I, 232, mal.
Mautalenz 1, 420, mécontentement.
Mauvais [dant] II, 51. V. notes,
p. 108.
Meax III, 127, mieux.
Mehaing IV, 110, blessure.
Mehaignierent IV, 228, blessèrent.
Meïs III, 112, mis.
Melans II, 20. V. notes, p. 95.
Melite III, 217, douceur.
Meniere III, 70, 73, manière.
Menistre IV, 28, ministre.
Merci III, 262, 264, miséricorde.
Merir I, 575, récompenser.
Merveil [me] I, 19, \je] m'étonne.
Mes I, 138, etc., mais.
Mes I, 202, 208, 232, 337, mon.
Mesaesma I, 529, blâma.
Meschief I, 200, 504, IV, 393, mésa-
venture.
Meschine I, 169, jeune fille, mes-
chinete I, 361.
Mesdit I, 22, 27, médisance.
Mesel II, 166, lépreux.
Mesestance IV, 133, mauvaise
situation.
Meslèe I, 415, brouillée.
Mesnie IV, 291. V. Maisnie.
GLOSSAIRE
m
Mesprendre 1, 190, errer, se trom-
per ; mesprentlll, 6, mespris
1,234.
Mespresure I, 540, erreur, faute.
Messages II, 12, messagers.
Mestrie IV, 169, art ; IV, 341, maî-
trise.
Medlent n, 28, 87. V. Notes, p. 99.
Mex m, 183, mieux.
Mie 1, 2, 97, etc., pas, point.
Mieldres IV, 86, meilleur.
Mielz I, 83, mieucc.
Mis I, 37, adonnés.
Mistrent IV, 61, mirent.
Molt I, 131, etc., moult I, 40, etc.,
beaucoup.
MonmorencyII, Sô.V. no^es^p.llS.
Mont I, 449, monde.
Monter, valoir; monte I, 238.
Mont Leheri lbz Linoies IV, 63,
etc. V. notes, p. 147.
Montmorillon n, 139. V. notes,
p. 119.
Montpellier U, 23. F. notes, p. 97.
Montrichaet n, 137. V. notes,
p. 119.
Morir III, 132, m,ourir ; morist lU,
65, mourut.
Mors III, 73, mœurs.
MossAC II, 25. V. notes, p. 98.
Moselb n, 108, Moussele II, 17,
114. V. notes, p. 94-95.
Mote IV, 213, motte, le tumulus
qui porte un château-fort.
Moustrer, montrer ; moastre I,
544, moustra I, 62.
Muce I, 77, cache. Mucher est en-
core en usage dans toute la
Normandie,
Muedres III, 136, meilleur.
Muel II, 166, muet.
Muet [se] I, 119, s'écarte.
Musage I, 174, sottise.
Musars 1, 467, sot.
Musique IV, 174, un des sept Arts-
N
Naches IV, 54, fesses. Encore usité
au sens restreint de fesse de
bœuf.
Naples IV, 130.
Nativité III, 9, 250, la fête de
Noël.
Ne I, 31, etc., ni ; ne... ne I, 162,
ni... ni.
Ne I, 263, II, 156, et ; ne... ne I,
261,11, 196,ou... ou, soit... soit,
Nel I, 120, etc., ne le.
Nenil I, 213, etc., nullement.
Ne por quant I, 234, néanmoins.
Nerbonb II, 23. V. notes, p. 97-98.
Nés IV, 279, 292, ne les.
Nevbrs II, 35. V. notes, p. 102.
Niant III, 115, néant.
Nices IV, 71, simples. Sots.
NiCHOLAis [sains] ni, 166.
Nicole aus hautes naches IV, 54.
Nigremancb IV, 132, Nigromance
IV, 219. V. notes, p. 154.
Noient IV, 434, néant.
Noncie I, 46, annoncée, racontée,
NORMANS II, 117.
NOEMKNDIB IV, 284.
194
OLOSSAmE
Norois II, 119, Norwêgiens.
Nubles IV, 424, obscurci.
Nus m, 1, etc., nuz III, 183, nul.
0
O IV, 214, avec.
Oceïst II, 76, eût tué.
Oedb IV, 35. y. notes, p. 139.
Oef II, 42, œuf.
Oeil II, 148, ϔl.
Oevre III, 245, ouvre.
Oevre I, 45, 51, œuvre.
Oïr I, 311, II, 1, entendre; en l'oïr
1,5, en entendant ; ot III, 41,
entend; oezIII, 71, entendez ;
oent I, 9, 17, entendent ; im-
per, oiez III, 22, entendez ; oï
1, 146, III, 208, entendis ; oï I,
185, 268, IV, 45, entendit ; oïe
I, 41, entendue.
Oingnements IV, 115, onguents.
Oise II, 180.
Omees IV, 9, 25, 211. V. notes,
p. 136.
Onques I, 72, etc., jamais.
Or I, 38, etc., ore I, 188, etc.,
maintenant.
Okace IV, 208.
Orchise II, 26. V. notes, p. 98.
Ore III, 27, heure.
Oré I, 287, temps.
Orliens II, 27, etc., IV, 1, etc.
V. notes, p. 98-99.
Ortogeafie IV, 270.
Os IV, 24, 170, est IV, 166, 184, 303,
armée.
Os LAMPADis III, 190. V. notes,
p. 130.
Osai III, 134, osa.
Ot I, 72, 81, etc., eut, avait.
Otroi [m'] I, 308, m'abandonne ;
otroie III, 58, accorde.
Ou III, 22, au.
Oure III, 5, heure.
Out II, 194, eut.
Outrage I, 336, excès.
Ovide IV, 320, 324.
Ovrer I, 47, travailler ; ovroit III,
80.
Paier, satisfaire, sens primitif
dérivé du l. pacare ; paiez I,
174, paia II, 169.
Pain IV, 359. V. noles,ip. 1/6.
Palefroi I, 441, cheval.
Palme II, 21. V. notes, p. 96-97.
Pance IV, 117, panse, estomac.
Panfilès IV, 338. V. notes, p. 174.
Paor I, 190, II, 71, pet^.
Par III, 86, particule qui renforce
l'expression.
Par ; de par li IV, 457, de sa part
(de parte).
Parant I, 519, manifeste.
Pardurable III, 57, perdurables III,
124, éternel.
Pabealma^es IV, 282. Pereal-
MAiNES IV, 217. V. notes, p. 164.
Parfondece IV, 268, profondeur.
Parfurnir I, 514, accomplir.
Paris III, 10, IV, 1, 17, etc.
GLOSSAIRE
195
Parolent I, IM, parlent.
Pars d'oroisons IV, 384, parties
du discours ; pars IV, 461.
Partir I, 410, se séparer ; se part
I, 276 ; partie 1, 126, partagée.
Pateenomiques IV, 290, 293, les
noms patronymiques.
Penèe I, 372, tourmentée.
Peors IV, 247, pires.
Pers n, 193, 195, par II, 203. V.
notes, p. 129.
Per ni, 105, égal.
Perceverez I, 253, verrez.
Perse IV, 26, 94, 207.
Persone, II, 203. V. notes, p. 129.
Pès III, 125, IV, 373, paix.
Pesme IV, 240, très mauvaise.
Petabt [dant] de Chaalons II, 53.
V. notes, p. 108.
Petit I, 32, 154, 432, de petit IV,
227, 403, peu; d'un petit IV,
87, peu s'en faut que.
Petit Pont IV, 108, 404. V. notes,
p. 152-153.
Phelippe n, 3, le roi Philippe.
Pheuppe III, 17, 239, chancelier
de l'église de Paris.
Philippus m, 190, 237.
Pieees [S.] m, 123.
PiEEEE FEiTE H, 81. V. notes, p. 113.
PlEBEB LI LOMBAES IV, 103. V.
notes, p. 150-151.
PlEEEON DE COETENAI IV, 50. Y.
notes, p. 144.
Piez III, 350, pieux, palissades.
V. notes, p. 173.
Pipe n, 4. Ce mot désigne toute
espèce de tuyau; je crois qu'il
signifie ici gosier et œsophage,
tuyau qui mène à l'sstomac.
Les Anglais appellent encore
aujourd'hui wind-pipe, tuyau
au vent, la trachée-artère.
Pipe m, 18, narcisse. « Dans la
Bourgogne et le Gâtinais, on
donne le nom de pipes aux
narcisses, et, en général, aux
fleurs printanières, prove-
nant d'oignons. » Dict. de
Litlré, V. pipe^ 9.
Pis IV, 335, poitrine.
Plaidier 1,100, badiner, plaisanter,
s'amuser (Du Cange).
Platon IV, 17, 188, 191.
Plentez IV, 116, ahondaru:e. Cf.
l'anglais plenty.
Plesence II, 21. y. notes, p. 95-96.
Plere I, b8, plaire; plest I, 223,
plaît ; plot I, 216, plut.
Plonjon IV, 197, 214, 220, 222. V.
notes, p. 130-133.
Poi IV, 380, peu.
Poindre, piquer, frapper; point I,
122, 123, ni, 24, IV, 60, poin-
gnoit IV, 59. Du sens de piquer
l'éperon, on est passé à celui
de s'élancer : i a point IV, 207,
s'est élancé ; poinstrent après
IV, 235, 232, s'élancèrent à la
suite; poinstrent sor IV, 241,
fondirent s^^r.
Point [en tel] I, 159, 477, 480, III,
70, en tel état, — En icel point
in, 23, en ce moment. — Cela
196
GLOSSAIRE
qui si l'a mis a point I, 124,
celé qui l'a mis en cet état.
Pointl'asne IV, 53. F. nofes,p.l45.
PoLS [S.] III, 123.
Pooir I, 83, etc., subst. pouvoir.
Pooir, pouvoir; puis I, 331, [Je]
pMîs/puet 1,34, etc., peMî;poez
I, 487, etc., pouvez ; pueent I,
13, peuvent ; pooit III, 95,
pouvait ; pot III, 120, IV, 265,
put; porent IV, 292, purent ;
puist I, 58, IV, 123, puisse;
peiist IV, 397, pût ; porroient
I, 35, pourraient.
Poise I, 19, pèse, chagrine.
Poisons IV, 128, potions, breu-
vages.
Poisons IV, 40, poissons.
Poissant I, 103, puissant.
PoiTiEES II, 129. V. notes, Tp. 117.
Poitou IV, 239. V. notes, p. 161.
Poivre chaut IV, 38. V. notes, p.
140-141.
Por I, 19,21, etc., pour.— Por tant
que I, 71, d'autant que. — Por
quant 1, 125, cependant. — Por
ce que IV, 239, parce que.
PoBFiEB IV, 222. V. notes, p. 159.
Porverrai I, 266, pou/rvoirai.
Pou IV, 281, peu. — Par un pou
que IV, 348, 349, peu s'en fal-
lait que.
Preciens IV, 26, etc., Priscien.
V. notes, p. 137-138.
Predicamenz IV, 230, les Catégo-
ries d'Aristote.V. notes,Tp.l60.
Premerains III, 155, premier.
Premiers H, 15, d'abord.
Peeterea IV, 294, personnage
fictif.
Preudomme I, 345, etc., prodon
m, 34, prodomin, 132, homme
sage, prudent.
Preus IV, 124, 201, prez II, 126,
bon, brave, fort.
Preus IV, 403, profit.
Primat d'Orliens IV, 320. V. notes,
p. 168-169.
Primes II, 77, d'abord.
Privé III, 25, particulier, intime.
Proier 1, 172, prier ; proie III, 168.
Propre IV, 210, saint Prosper.
V. notes, p. 158.
Proptee ea IV, 295, personnage
fictif.
Provence II, 22. V. notes, p, 97.
Pro voire IV, ^, prêtre.
Provos 1, 402, prévôt.
Prudence IV, 210. V. notes, p. 157.
Pure I, 281, simple ; en pure sa
chemise, en simple chemise;
locution fréquente , on ■ la
trouve dans Joinville, Frois-
sart, etc.
Q
Quanque I, 128, etc., tout ce que.
Quantes I, 147, combien.
Quar I, 4, 45, etc., car ; I, 326,
donc ; quar venist ore, puisse
donc maintenant venir.
Quarquassonne IV, 24. V. notes,
p. 97.
GLOSSAIRE
197
Quarreûres IV, 183. V. notes, p.l55.
Quarriaus IV, 117, 246, traits,
flèches.
Quartaine H, 168, fièvre quarte.
Quasser, frapper, briser ; la mort
quassa III, 16, frappa ; quas-
ses IV, 356, faibles ; quassez
n, 136, affaiblis.
Quel, 110, etc., car; I, 287, etc.,
attendu que; I, 183, etc., de
sorte que, si bien que ; I, 466,
comme ; III, 22, ce que.
Quens I, 388, comte.
Querre II, 13, chercher ; quier I,
48, [Je] cherche.
Qui rv, 4, quoi.
Quintaine H, \&7 ajoute.
Quiquelique IV, 16. V. notes, p.l36.
QoDE IV, 366. V. notes, p. 176.
Qoil, 91, coi, tranquille.
Qui 1, 19, 90, 92, quoi (quid).
R
Rabée IV, 427, rage, du l. rabies.
Rados I, 447. V. notes, p. 85.
Rains n, 99. F. notes, p. 116.
Rainssel I, 356, petit rameau, di-
m.inut. de rains (ramus).
Ramembre I, 194, remet en mé-
moire.
Rancuner, en vouloir à quelqu'un ;
rancune I, 152. Palsgrave :
« J ranker by vrathe or îinger.
Je rancune, prim. conj. Never
ranker in thy herte agaynst
him : ne rancune jamais en
ton ctcer contre luy. »
Randon IV, 322, impétuosité ; en
.j. randon IV, 286, d'un même
élan. Sept pez a fet en un
randon. Renart, v. 28014.
Raoul de Builli IV, 48. V. notes,
p. 143.
Raoul de la Chaeité IV, 107.
Rapaiez I, 425, satisfaites (verbe).
Rapesiez I, 419, apaisé.
Rasseûrer I, 558, rendre le calme.
Ravoie 1, 194, rem^t dans la voie,
rappelle.
Re, préfixe indiquant une action
contraire ; redutlll, 14, dut au
contraire, referi IV, 192, re-
frappa, c'est-à-dire donna
coup pour -coup, ou simple-
ment explétif: redient IV, 14 ;
r'ont IV, 94, etc.
Recet IV, 399, retraite.
Rechine I, 76, fait la grimace, re-
fuse.
Recoppe I, 76, recoupe, retranche.
Rectoriqub IV, 69, etc., un des
sept Arts.
Recuilli I, 80, recueilli.
Reemz III, 117, rachète.
Remanoir, rester; remaint III,
105 , remaigne I, 351, reste en
arrière : Ne ja por moi droiz
ne remaigne, que le droit ne
manque pas pour moi de se
produire.
Renés II, 73. V. notes, p. 112-
113.
Renovele III, 107, se renouvelle.
Repairer 1, 84, revenir.
198
GLOSSAIRE
Repols III, 124, repos. L a été ame-
née par la rime St Pois.
Repondre, cacher; se repont IV,
405, repont I, 77.
Reprendre III, 133, accuser.
Resqueurre I, 349, délivrer ; res-
cous I, 503, tiré.
Retaconnez IV, 118, rapiécés, ré-
parés.
Retraçon 1, 196, trait.
Retrere I, 1, raconter; retraite I,
43, racontée.
Retrere (se) I, 2, s'abstenir, se re-
fuser.
Revendrai I, 38, reviendrai.
Revient I, 561, se change.
Rez el IV, 189, au ras du.
Riens I, 78, etc., chose.
Robert IV, 101, chirurgien. V.
notes, p. 150.
Robert le Nain IV, 58.
RocELE (la) II, 18, 113. V. notes,
p. 95 et 116-117.
RoGEL d'Etampes II, 55. V. notes,
p. 108.
Roiame I, 143, royaume.
Roingne II, 57, gale.
Roncin II, 450, cheval.
Rotes III, 47, rompues.
Route IV, 332, trotipe.
Rouver I, 172, prier, demander;
rueve I, 153, demande.
Sachier IV, 117, tirer.
Sade II, 146, savoureux.
SamoisII, 31. V. notes, p. 99-100.
Saillie en piez l, 217, levée tout
debout; saut en piez II, 102,
se lève.
S. Brice II, 149. V. notes, p. 121-
122.
S. Melyon n, 25. V. notes, p. 98.
S. PoRCHAiN II, 38. F. notes, p.l05.
S. YoN II, 26. V. notes, p. 98-99.
Saintes II, 19, 127. V. notes, p. 95.
Salterions IV, 177, psaltérions.
Salver III, 154, sauver; saut I,
239, saitve.
Sancerre II, 35. V. notes, p. 102.
Sapience I, 571, sagesse.
Sauz IV, 247, saule.
Savingni II, 38. V. notes, p. 105-
106.
Savoir ; sai I, 331, sait ; set I, 368,
sait; sevent m, 188, IV, 11,
savent; sot IV, 131, 392, sut;
saura I, 252 ; sorent III, 38,
IV, 298, surent ; seust III, 174,
sau/rait.
Savorous II, 146, savoureux.
Se I, 89, si.
Sebelins II, 121, martre zibeline,
au sens de supérieur à tous,
cette fourrure étant la plus
recherchée et la plus chère. V.
notes, p. 117.
Sedule IV, 210. V. notes, p. 157.
Sel I, 253, 454, si le.
Semont I, 448, invite, excite.
Seneque IV, 327.
Sente III, 2, chemin.
Seoir II, 94, être assis ; siet I, 322,
GLOSSAIRE
199
386, est assis; se seoit IV, 113,
était assise ; sist IV, 146, s'as-
sit.
Série I, 304, pure.
Sermona III, 182, fit des sermons
sur. Le Chancelier fut célèbre
par ses prédications.
Ses I, 139, 153, etc., son.
Seut 1, 187, a coutume.
Sex Principes IV, 230. V. notes,
p. 160.
Sbxtis IV, 342. V. notes, p. 174.
Sezane n, 31. V. notes, p. 99.
Si 1, 91, 95, etc., si, tellement, plus
souvent explétif.
Siècle I, 579, III, 28, etc., monde.
Sire 1, 61, 102, etc., seigneur.
SivoientIV, 346, suivaient.
Soef III, 243, doucem,ent.
Sofisme IV, 192, 421, argument.
Sofistre IV, 278, logiciens.
Sogist I, 204, subjugue.
Soi II, 10, sois II, 101, soif.
SoissoNS 11,29,91. r. notes, p. 99
et 115.
Solaz 1, 162, divertissement.
Soloir, avoir coutume; seut I,
187, soloit IV, 455, soloient
m, 91, a, avait, avaient
coutume.
Soluces IV, 426, solutions.
Somme I, 111, ce est la somme, en
somme.
Sor I, 21, 72, etc., seur II, 44, sur.
Sormonté III, 39, surpassé.
Sortes IV, 264, Socrate. V. notes,
p. 163,
Souhaidier [a] 1, 99, à souhait. Ex.
[Manteau] Bien séant a lor gré
si corne a souhaidier. Berte,
cxxix.
Sougite I, 86, soumise.
Souspris I, 430, surpris.
Soustenir I, 69, entretenir, con-
server.
Souvenir I, 325, sentiment, idée»
sens étymologique du l. sub-
venire ; souvenir est le verbe
employé substantivement.
Sovint (impers.) I, 358, li sovint,
[i7] lui vint à l'esprit.
SueflTre I, 560, etc., souffre.
Suen III, K, sien.
Sus [la] III, 67, là haut.
T
Tablel III, 256, tablette.
Tailleborc II, 19. V. notes, p. ^.
Talenz I, 431, désir.
Tans [par] I, 241, bientôt.
Tant 1, 68, autant.
Tantost 1, 146, autrefois.
Tausons II, 92. V. notes, p. 115.
Tencer, disputer; tence IV, 6,
tençantlV, 81.
Tence (subst.) IV, 80, dispute.
Tenir I, 191 ; tient a IV, 87,
tient pour, regarde comme ;
tieg I, 203 , tieng I, 364 \Je]
tiens; tiengne fsubj.)l, 334,
tienne; tendront IV, 452,
tiendront ; tindrent IV, 44,
tinrent; tenisse , IV, 124,
41
200
GLOSSAIRE
tiendrais ; tenist I, 473, tien-
drait.
Terence IV, 211.
Tes m, 45, ton.
Tessi IV, 324, tissa.
Tere IV, S're, taire ; se test I, 224,
se tait.
Thbaudelès IV, 339. V. notes,
p. 174.
ToBiE IV, 285, la Tobiade de Ma-
thieu de Vendôme. V. notes,
p. 165.
Toile [chanson de] I, 381, chanson
d'aventure.
ToUir, enlever; toit I, 53, tôt I,
389, taut I, 497, enlève ; tolent
IV, 73, enlèvent.
Toissu IV, 341, tissé.
Topiques IV, 217, 291. V. notes,
p. 159.
Torna [s'en] I, 215, s'en alla.
ToRNAi IV, 49. V. notes, p. 143.
Tornaissent IV, 109, tournassent.
ToRNiEKRE II, 3"^. V. notes, p. 102-
103.
Tors II, 69. V. notes, p. 112.
Toz, tos, totes, passim, tout,
tous, toutes. — Del tôt en tôt
III, 139, del tôt III, 141, del
tôt en outre III, 201, dou tout
III, 49, entièrement.
TouLETE IV, 130. V. notes, p. 154.
Trai I, 518, tire; traï III, 225;
traiant I, 556 ; traiez I, 424 ;
traioient IV, 57.
Tramble IV, S47, tremble, peu-
plier.
Transir III, 64, passer, au sens
de mourir, du l. transire.
Travaux I, 575, peines.
Traveillie [s'est] I, 372, s'est don-
né de la peine.
Trebles IV, 183, triples, terme de
musique.
Treneborc II, 20. V. notes, p. 95.
Trepié IV, 204 ; De son cheval
firent trepié, ils ecloppèrent
son cheval et en firent u/n
trépied, en le réduisant à
trois jambes.
Trere I, 370, tirer; tret I, 568.
Trespas III, 206, passage.
Trestout I, 471, etc., trestoz II,
110, tout, tous. — Trestuit II,
43, etc., tous.
Trestout IV, 190, 195, entièrement.
Trestrent [se] IV, 303, se retirè-
rent.
Tret [tout a] 1,374, tout doucement.
Triche IV, 104, trompe.
Trie la. Bardoul II, 34. V. notes,
p. 101-102.
Trive IV, 55, le Trivium.
Trives II, 83, trêves.
Trop I, 168, etc., beaucoup, très.
Troussèrent IV, 55, chargèrent.
Trover I, 171, trouver; truis I,
332, [je'] trouve ; trueve 1, 154,
[il] trouve.
Trovor I, 54, trouvère.
Tuit III, 2, 4, tous.
Tupinel IV, 346, diminutif de
turpin, espèce inférieure de
soldats.
GLOSSAIRK
201
U
UeU n, 78, œil.
Uevre I, 243, œuvre.
UUe m, 197 ; ule III, 208, 211, 212,
huile.
Userier IV, 161, usurier.
Uz III, 184, usage.
Vail n, 84, vaux.
Vairrins ni, 195, de verre.
Vait IV, 364, 450, va.
Valoir ; que vaut ce ? I, 474, que
signifie cela?
Veoir I, 215, etc., voir; veez I,
164, voyez ; veist H, 75, etc.,
eût vu (vidisset) ; veïssent IV,
110, eusserit vu; verroiz I,
255, verrez; veû I, 471,494,
vu.
Veoirs 1, 333, verbe employé subs-
tantivement: uns seuls veoirs,
tm seul coup d'œil.
Venir ; vendra m, 153, viendra;
vendront IV, 451, 453, vien-
dront ; venist 1, 73, vint ; vin-
drent 11,43, IV, 222, vinrent;
viegne I, 352, vien/ne.
Verdelai n, 36. V. notes, p. 102.
Verge IH, 149, virge III, 140,
170, vierge.
Vergoingne II, 58, honte.
Veemendois n, 93. V. notes, p.
122.
Vermentdn II, 149. V. notes,
p. 121-122.
Vers 1, 381, strophe, tirade.
Vers (por) IV, 14, pour vrai.
Vers I, 203, 248, contre.
Versepiebes IV, 440, personnifi-
cation de la poésie latine.
Vessiaz HI, 195, vessas III, 203,
vaisseau, vase.
Vet m, 151, aille.
Viande in, 126, 129, nourriture.
Viele m, 121, IV, 176, vielle
(violon).
Vieh I, 212, veut.
Vif I, 245, vis.
Vilenastre IV, 111, dérivé de vi-
lain, avec la terminaison
péjorative astre.
Vilenie I, 28, etc., vilenie I, 197,
Vis I, 195, 289, visage.
Virgile IV, 209.
Voie, route ; se mistrent a la voie
IV, 61, se mirent en route.
Voir I, 486, de voir II, 90, m, 94,
vraiment.
Voire m, 203, verre.
Voirs I, 528, m, 11, vrai.
Vois m, 36, vais.
Voist I, 56, etc., aille.
Voloir, vouloir; vueil I, 172, etc. ,
vuel m, 35, veux; velt I, 121,
etc., veut; vueiUent I, 18,
vuelent I, 201, veulent ; velle
202
GLOSSAIRE
III, 154, veuille ; volt IV, 199,
voulut; vousist II, 164, vom-
drait ; verrai I, 30, voudrai ;
verra III, 260, voudra; vor-
roient I, 149, voudraient;
voudrent IV, 312, voulurent.
Voz I, 170 (suj. maso, sing.); vo
I, 27, 143 (rég. fém. sing.),
votre.
Vuile III, 210, huile.
Y Voyez I.
s«e4)(^©e^e^e''S<2^e»'3e>^e/3e<:>e>*êH^3e?^<^
TABLE DES RIMES
I. Le Lai d'Aristote. — II. La Bataille des Vins. — III. Le Dit du
chancelier Philippe. — IV. La Bataille des .VII . Arts.
RIMES MASCULINES
A I 81, 247, 506, 528, 536, 578 ; II
185; m 15,25, 49, 121, 173,181,
207, 251, 265 ; IV 164, 178, 294,
394.
Ai I 39, 49 ; IV, 49.
Ain I 253, 362 (aim) ; IV 358.
Aing IV 109.
Ains II 99, 155 ; III 155 ; IV 19, 120,
244, 324, 370, 432.
Aint I 115.
AisI 189; II 51.
Ait III 125.
Al 1 197, 492 ; IV 202, 268.
Ane II 5 ; IV 194.
Ans III 225.
Ant 1 11, 55, 103, 135, 347, 379, 416,
518; IV 184,364,446.
Anz I 564 ; II 109 ; IV 410.
Ar IV 57.
Ars IV 37, 67, 103, 330, 460.
Art I 275 ; IV 344.
As II 65 ; III 113 (az), 167, 2(K; IV
186.
At I 396 ; II 189,
Aus I 231, 574 ; III 97.
Aut I 239, 301.
É I 167, 213, 263, 283, 287, 546 ; III
9, 39, 45, 101, 249, 253 (ei) ; IV
77, 107, 140, 316, ^, 428.
Eax III 127.
EfIII243.
El III 21, 255 ; IV 346.
Ent I 23, 67, 177, 209, 229, 269, 309,
436, 484, 498, 502 ; II 87, 111 ;
III 29 (ant), 55 ; IV 65, 122, 126,
158,354.
Enz IV 115.
Er I 47, 63, 149, 171, 255, 313, 450,
454, 458, 530, K2, 558 ; II 29,
95, 151 ; III 71, K», 219,231; IV
198, 396.
Ers IV 9, 13, 422.
Ert I 392 ; IV 101.
Es IV 338.
Est I 223 ; III 27 (es).
Et I 373, 526.
Eu IV 136.
Eu 1494.
204
TABLE DES RIMES
Eus IV 1 (euls), 124 (iex), 200, 214
(iex), 402.
Eut I 187.
Ez I 412, 476, 510, 568 ; II 135 ; III
13, 83, 161, 221, 259 ; IV 23, 69,
97, 118, 238, 256, 336, 416.
Ex II 125.
1 1 145, 215, 235, 267, 327, 426, 576 ;
II 37, 85, 123 ; III 31, 53, 261,
263 ; IV 306, 456.
la II 169.
lant I 556.
laus II 103 ; IV 7, 274, 368.
laz III 195.
Id III 241.
lé I 37,508 } III 137, 157, 1T7; IV
204.
lefi 199,504; IV 392.
len I 77 ; II 67 ; III 175,237 ; IV 99,
196, 326.
lens m 95; IV 25, 41,95.
lent I 367, 467.
1er I 99, 241, 317, 432 ; II 183, 197 ;
IV II (nier), 83, 242.
lers 1 179, 438 ; II 129 ; IV 156.
leus III 109.
lez I 418, 424 ; III 87 ; IV 138.
Il IV 154.
In I 544 ; II 175 ; III 145, 257 (ins).
InsII63, 121.
Ion III 111.
Yon II 25.
Ions IV 276.
Ir I 5, 69, 191, 311, 323, 514; III 35,
43, 131 ; IV 190.
Is I 95, 107, 141, 211, 233, 345, 388
(uis), 420, 430, 534 ; III 115, 151,
159 (iz), 189,223,229,247; IV
43, 296, 386.
Ist I 203 ; II 75 ; III 65.
It III I?9 ; IV 280.
Iz IV 378.
O III 239.
Oi I 91, 109, 219, 303, 306-308, 404,
440 ; II 9, 43, 137 (oy), 153.
Oint 1 123, 480 ; III 23.
Oir I 486 ; II 195 ; IV 312.
Oirs mil.
Ois I 478 (oiz), 534; II 31, 71,93,
101, 117, 141 ; IV 440.
Oit I 31, 155 ; II 171, 199 ; III 81, 135,
143, 185; IV 298.
Oiz I 532.
011205,442.
Ois III 123.
Om I 520 (um).
On I 195, 227 ; II 177 ; III 51,59, 197 ;
IV 17, 35, 59, 180, 188, 286 (um),
322, 376.
Ons I 33,572; II 53,89, 91 ; IV 128,
384, 388.
Ont I 448 ; IV 404, 430, 452.
Or I 53, 73, 87, 175, 265, 470 ; II 7 ;
IV 310, 412,418.
Orc II 19.
Ors I 357; III 165, 213 ; IV 47, 228,
272, 292, 408.
Ort I 45 ; II 59, 105, 201 ; III 5.
Os I 446 ; IV 334.
Ost IV 166,
TABLE DES RIMES
205
OtI 139; m 41.
Oui II 33.
Ous I 271, 488 (ouz); H 145.
Outil 173 (1).
Outre III 201.
Oz II 79 (ouz).
U I 494 ; IV 342.
Ua III 147.
(1) Ms. 837, aut.
UefII41(oeO.
Ueil I 273 ; II 27,77, 133 (eil).
Uer I 15 ; III 85.
Uet I 119.
Ui I 21, 71, 105, 319, 524.
UisI331, 410; III 93.
UitI462; III 33, 141.
Un II 139.
Ust I 291.
Ut III 63, 119, 163.
Uz 1 337 ; III 183.
RIMES FEMININES
AbleIIl,97.
Ables IV 105, 254.
Ace I 51, 93 ; IV 170, 208.
Aches IV 53.
Age 1 173, 335 ; III 3, 99.
Ages II 11 ; IV 51, 73, 328.
Aies IV 63 (oies).
Aigne I fôl (iegne).
Aigres I 339.
Aille IV 144.
Aindre I 548.
Aine I 159, 464 ; II 167 ; IV 282.
Aines I 315 ; IV 314, 450.
Ainte I 299.
AintesII127;III179.
Aire I 83, 249, 402 ; IV 29, 234, 454.
V. ère.
Aissent II 61, 157 (naissent).
Aite I 43.
Aie I 243 ; III 233 (aile).
Aies IV 382.
Amble I 538 ; IV 81, 246.
Ambre II 161.
Ame I 143, 406; III 227 (anme).
Ampes II 55.
Anble I 207.
Ance (anche) I 29 113 ; II 47, 193
(iance); IV 85, 132, 362, 442.
Ances IV 117.
Ande III 211 (ampe).
André I 79, 127.
Andres III 77.
Ange I 169.
Angles IV 390.
Ante IV 152.
Aples IV 130.
Arche II 119.
Asse I 390.
Asses IV 356 (nasses).
Astre IV 111.
Auche I 474 (aut ce).
Aune II 39 (iaune).
Ece I 59, 490.
Ée I 129, 371, 414 ; III 139 ; IV 134,
400, 406, 426.
206
TABLE DES RIMES
Effes IV 252.
Eille I 131, 394 (ele).
Eize IV 148.
Ele I 121, 383-87,434; II 17, 107,
113 ; III 107 ; IV 360.
Eles IV 176 (ieles).
Elle III 153.
Ence I 570 ; II 21 ; III 19 ; IV 5,79,
210.
Ende I 293.
Endre I 3,185,343,562; III 133; IV
260.
Enes II 73 (esnes).
Ente I 355 ; III 1.
Entes IV 434.
Erbe I 452 ; IV 262.
Erbes IV 182 (ebles).
Ère I 1, 13, 57, 369, 428, 516; IV
374. V. aire.
Ère I 65, 550 ; IV 240.
Erent II 69 ; III 37 ; IV 308.
Erme III 245.
Erre (uerre) I 89; II 13, 35, 115,
181 ; IV 172, 236.
Erse IV 93, 206.
Erte I 500 ; III 67.
Esce IV 300.
Esse IV 162.
Este I 161, 482 ; II 147 ; IV 366.
Estre I 101, 165, 261; II 163.
Etes I 359, 361 (ete); II 83 ; IV 174.
Etre I 25.
Eurel 181,277,496.
Ices III 215 ; IV 71.
Ide IV, 320.
le I 27, 41 (wis. 19152, ièe), 97, 217,
225, 251, 257, 304, 398, 460 ; III
75, 89, 171, 187, 199 ; IV 21, 89,
142, 168, 266, 270, 284, 340, 414.
lecle III 69 (iere).
lée IV 288.
1ère m 73; IV 150, 302.
lerent IV 228.
les IV 352.
levé I 279.
Igné II 45.
Ile III 79.
Ime IV 232.
Imes IV 420.
Ince I 75 (ine).
Ine 1542; III 169.
Ipes IV 230.
Iple IV 258.
Ippe II 3 (ipe) ; III 17 (ipe).
Ypre II 15.
Ique IV 15, 218, 224, 304, ^0, 372.
Iques IV 216, 290.
Ire I 17, 61, 221, 353, 472, 560 ; III
191 ; IV 45.
Irent IV 438 (uirent).
Ise I 281, 444 ; IV 33 (isse).
Isme IV 192 (ime).
Istre IV 27, 444.
Ite I 85, II 81 ; III 217.
Ive I 201.
Ivres I 321 (yvres).
Obe IV 220.
Oche I 183; II 131.
Oent I 9.
Oie I 193, 365 ; III 7, 57, 61 ; IV 61.
Oient I 35; II 143, 159 ; III 91, 103 ;
IV 226, 2Ô0, 278, 318, 348, 44».
TABLE DES RIMES
207
OUeI381;ni87;m235.
Oine II 165.
Oingne II 57.
Ointe I 259.
Oire III 117 (ore), 203 ; IV 39, 75.
Oise 1 19 ; II 179.
Oive I 377.
Oivent I 554.
Ole 1 117, II 49 ; IV 87, 398.
Oies IV 248.
Ombre IV 146.
Omme 1 111.
Onde I 295.
Ondre IV 264.
One I 512 ; II 23 (onne), 203.
Onne I 245.
Onques I 147, 329.
Onte I 157, 237 ; IV 160.
Ontes II 191.
Ore I 325.
Orde IV 3.
Ordes IV 113.
Orte I 297, 456.
Ose 1 289, 375, 522 ; III 193.
Osent 1 137.
Oste I 333.
Ote III 209 ; IV 212.
Otes III *7.
Oudre IV 436.
Oute 1 133 (ote), 163, 422 (oto) ; IV
332.
Outes I 566.
Outre III 201.
UWes IV 424.
UeI400.
Uerre II, 149.
Ueurre I 349 (ueure).
Uevel 153.
Uide I 341.
Uire IV ^8.
Uite I 125.
Urne I 7.
Une I 151.
Ure I 285, 408, 540 ; IV 91.
Urent IV 31.
Uve IV 55.
Le ms. 19152 présente encore les rimes suivantes : uevre I 47 ;
anbes, angles IV 182; aces IV 426. V. Variantes.
Le ms. 1104 (nouv. acq. fr.) : ours, oua I 271 ; ie, in, oine (oigne)
fin du Lai d'Aristote. V. Variantes.
42
TABLE
Introduction ^ ^yn
Li Lais d'Aristote 1
La Bataille des Vins 23
Le Dit du chancelier Philippe 31
La Bataille DES .vu. Ars 43
Variantes 61
Notes et éclaircissements 81
Glossaire 178
Table des rimes 203
2^'l
?-!(
ADDITIONS
Introduction, p. xxxix.— Dans son Dictionnaire iconogra-
phique de Vantiquité chrétienne et du moyen âge, 1843, in-S",
L.-J. Guenebault a mentionné, t. I, p. 91, col. 2, à l'article
Aristote, la sculpture en bois des stalles de Rouen, la sculp-
ture en ivoire figurée par Montfaucon, les bas-reliefs de Saint-
Jean de Lyon et du château de Gaillon; il n'a rien dit du
chapiteau de Saint-Pierre de Caen, ni du bas-relief du portail
de la Calende de la cathédrale de Rouen.
P. xLi-xLiii. — J'ai connu les détails suivants troj^tard pour
en faire usage dans l'introduction. Dans son intéressante étude
sur Virgile Venchanteur (Mélanges archéologiques et litté-
raires, 1850, in-80), M. Ed. Du Méril parle, p. 474, de la légende
d'Aristote et cite ce passage où Jean de Meung (Codicile,
st. 441) dit en parlant de la luxure :
Virgile et Aristote en furent ja si ivre.
Que petit leur valurent leur engin et leur livre.
M. Ed. Du Méril ajoute en note : « Il (le Lai d'Aristote) ne
tarda pas à jouir en Europe d'une grande popxilarité : on le
racontait même en chaire comme une autorité, ainsi que le prouve
le Promptuarium exemplorv/m, lettr. M, tit. Des femmes,
ex. 67. Nous citerons parmi les poètes qui y ont fait allusion,
Gower, Confessio Amantis, 1. VIII, fol. 189 ; Hawes, The
pastime of pleasure, ch. XXIX, p. 137, éd. de 1845; Hans
Sachs, Comedi, t. III, P. II, fol. 64, éd. de 1561 ; Durante da
Gualdo, Leandra, 1. VI, loi. 39, éd. de 1508. Lange n'a pas
manqué de recueillir cette histoire dans son Democritus ridens,
p. 605, éd. de 1689, etc.. »
Le Recueil des poésies françaises des XV^ et XV I^ siècles,
publié par MM. A. de Montaiglon et J. de Rothschild (Bibl.
elzév.) renferme plusieurs allusions à la légende d'Aristote. Dans
la pièce intitulée La grant malice des femm,es, t. V, p. 301-
318, l'auteur accuse les femmes d'avoir déçu tous les grans du
monde et parmi eux Aristote, p. 313. Le même recueil contient,
t. X, p. 225-268, La vraye discm,t Advocate des Dam^s, pièce
attribuée à Jean Marot ; on y lit les trois vers suivants, p. 243 :
-* . Là çà, gentilles mignonnes,
Il vous fault planter vos boumes
Encontre AristoteUès.
ADDITIONS
Enfin, dans le Monologue fort joyeulx, etc., t. XI, p. 176-
191, l'auteur énumère les maux que les femmes firent aux per-
sonnages les plus célèbres, à commencer par Adam, et ne
manque pas d'ajouter, p. 184 :
Virgilius en fut infâme
Et Aristote chevauché.
A cet endroit, les éditeurs du recueil ajoutent en note : « Grin-
gore y fait également allusion (à la légende d' Aristote) dans les
Menus propos de Mère Sotte, mais c'est par dame Raison qu'il
fait chevaucher Aristote.
P. XLiv. — A propos de la légende d' Aristote, V Histoire lit-
téraire de la France, t. XXIII, p. 76, renvoie aux Latin
stories, p. 74, et Legrand d'Aussy, Fabliaucc, t. 1, p. 280, à la
Bibliothèque instructive ( t amusante, t. II, p. 15 ; je n'ai pu
consulter ces deux ouvrages.
P. L. — J'ai dit à tort qu'une seule imitation a été faite en
notre temps du Lai d'' Aristote. A l'Exposition universelle de
1855, figurait un tableau de M. Henri Lehmann, représentant le
grave philosophe chevauché par la jeune Indienne. Ce tableau
faisait alors partie de la galerie de lord Seymour.
P. XGiv. — Un tirage à part à cent exemplaires de cette
seconde édition a été fait dans le format in-8o, sous ce titre :
La querelle des anciens et des modernes au XIII^ siècle ou
la Bataille des VII Arts, par Henri d'Andeli, trouvère du
temps de saint Louis, Paris, chez Frédéric Henry, m.dccc.lxxv.
Jubinal lui a donné pour préface la note à peine modifiée qui
appartient au v. 51 de la pièce de Rutebeuf, intitulée : De
Maistre Guillaume de Saint-Amour {Œuvres de Rutebeuf,
édit. elzév., t. I, p. 87-89).
P. 37, V. 173-175. — A propos du v. 258, M. P. Meyer dit :
« Il y a per en toutes lettres; partout ailleurs, par, ou le plus
souvent, p barré. » Si, dans le v. 174, il y a p barré, ne pourrait-on
pas l'interpréter per et noa par : Nus n'en seûst dire per
(égal), c'est-à-dire parler également bien.
P. 54, V, 296. — Le nom du personnage allégorique que le
poète appelle le bon Ego mei vel m,is, reproduit les premiers
mots de la formule que les grammaires du moyen âge donnaient
pour la déclinaison du pronom de la l^e personne : Ego mei
vel mis mihi m,e a m,e.
:z/^
ERRATA
^13
Pages
Lignes
AiA lieu de :
Lisez :
XXXIV
12
qu'on y
qu'on n'y
XLVII
28
1871
1781
LXV
23
Du BouUay
Du Boulay
LXXIV
26
Vers
833-836
853-856
26
87
Meulent,
Meulent :
29
164
Lignes
vousistestre,
vousistestre,
84
9
que au .
que, au
125
20
garsellum
garsallum
150
16
Eï^y3|u.ta
¥jvd-np.ioc.
162
17
leçon
leçon
21^
çAchevé dHmprimer
A ROUEN
LE QUINZE DÉCEMBRE MIL HUIT CENT QUATRE-VINGT
Par Espérance Cagniard.
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PQ Henri d»Andeli, 13th cent.
I4B5 Oeuvres
H28A14